Les médias italiens et internationaux ne ratent pas une seule des frasques et provocations de Silvio Berlusconi. Mais ils sont moins loquaces sur la débâcle économique et sociale qui sévit, dans le pays. La crise y est pourtant très grave. La dette publique de l’Italie est plus élevée que celle de la Grèce. Le pays se dirige tout droit vers de grands bouleversements de l’équilibre politique et social, qui mettront le mouvement ouvrier à l’épreuve.

Lorsque la crise a éclaté, le gouvernement a tout d’abord commencé par en nier l’existence. Puis, dans un deuxième temps, Berlusconi a proposé une « recette miracle » pour y faire face. Il a expliqué que les racines de la crise étaient psychologiques, et qu’il suffisait donc d’aller de l’avant avec optimisme. Cette méthode n’a pas vraiment convaincu les chômeurs et les travailleurs italiens qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts.

L’année 2009 s’est soldée par une chute du PIB de 4,9 %, le plus mauvais chiffre depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Les exportations ont baissé de 20 %, en valeur. Le chômage a bondi de 7 à 8,5 %, sans compter les 500 000 travailleurs en chômage technique. Les associations caritatives sont de plus en plus sollicitées pour venir en aide à des gens qui ne parviennent plus à payer leurs crédits ou leur loyer. Le nombre d’expulsions locatives monte en flèche.

Au milieu de ce désastre, Berlusconi et sa bande poursuivent leur politique de pillage systématique. La compagnie aérienne Alitalia a été privatisée et bradée. Les millionnaires sont choyés : l’argent qu’ils ont placé dans des paradis fiscaux peut être rapatrié et blanchi, en payant un impôt d’à peine 5 % – et bénéficiant de l’anonymat. Les capitalistes du BTP – et les éléments mafieux qui y prospèrent – se frottent les mains face au projet délirant d’un pont traversant le détroit de Messina, en Sicile. Il en va de même pour le projet de TGV Turin-Lyon, qui fera un trou de 52 km, dans la montagne.

La crise frappe évidemment la grande industrie. Fiat menace de fermer une usine près de Palermo. Le géant de l’aluminium, Alcoa, veut fermer deux sites en Sardaigne et en Vénétie. Les entreprises des télécoms Phonemedia et Eutelia sont en faillite, et 10 000 emplois dans les « call-center » sont menacés. La liste des catastrophes est longue. Même la haute couture, symbole du « Made in Italy », n’est pas épargnée. La firme Mariella Burani est en faillite, et 2200 travailleurs s’y sont mobilisés pour défendre leur emploi.

Diviser pour mieux régner

Incapable de remplir l’assiette des travailleurs et de leur famille, le gouvernement Berlusconi cherche à les diviser par une campagne raciste et nationaliste de grande envergure. Les travailleurs immigrés souffrent d’une double oppression, toujours plus lourde. Les sans-papiers sont emprisonnés. Les titres de séjours sont retirés au bout de six mois de chômage. Prochainement, les immigrés devront passer un examen sur « les valeurs de notre civilisation », pour accéder à la « citoyenneté italienne ». En l’absence d’une riposte syndicale et politique à la hauteur de l’agression, la campagne de criminalisation des immigrés a marqué des points, y compris dans la classe ouvrière. Récemment, les 2000 ouvriers agricoles de Rosarno, en Calabrie, se sont révoltés contre leurs patrons, qui sont les mafieux de la « ‘Ndrangheta », la mafia calabraise. La grève de ces travailleurs immigrés s’est rapidement transformée en une véritable insurrection. Le ministre de l’intérieur, Maroni, a envoyé l’armée à Rosarno pour arrêter les meneurs et déporter les autres travailleurs dans des villes du Sud du pays. Cela a permis à la mafia de recruter une nouvelle vague de travailleurs immigrés, qui travaillent dans des conditions inhumaines, pour des salaires de misère.

Si le nombre de grèves et de mobilisations augmente régulièrement, il manque au mouvement ouvrier une stratégie syndicale et une alternative politique claires. La CGIL – l’équivalent de la CGT française – a prévu une grève générale, pour le 12 mars, mais ses mots d’ordre sont trop vagues. Il ne suffit pas de se dire « contre la crise » et de demander une meilleure indemnisation du chômage technique. Il faut expliquer comment en finir avec le chômage et par quel système remplacer le capitalisme en crise. Des milliers de salariés italiens sont spontanément montés sur les toits de leurs usines, dans l’espoir d’être écoutés. La CGIL pourrait lancer une campagne nationale appelant les travailleurs à occuper les usines menacées de fermeture et lutter pour leur nationalisation. Malgré la politique autoritaire et raciste de Berlusconi, avec lequel le Parti Démocrate cherche à nouer un « dialogue », il y a clairement l’amorce d’une radicalisation, chez les travailleurs. Lors du dernier congrès de la CGIL, un courant de gauche a recueilli 15 % des voix (300 000).

Le rôle du PRC

Bien qu’il ait été discrédité par sa participation au gouvernement Prodi, entre 2006 et 2008, le Parti de la Refondation Communiste (PRC) demeure une force politique majeure, à la gauche du Parti Démocrate. Toutes les conditions d’un redressement et d’une croissance du parti sont réunies. Le courant marxiste du parti, autour du journal Falce Martello, et une partie importante de la base du parti luttent pour défendre l’orientation vers la gauche qui s’était dégagée du congrès du parti, en 2008. Alors que ce congrès avait été marqué par la défaite des dirigeants liquidateurs (Bertinotti, Vendola) et pour l’affirmation d’une ligne d’indépendance vis-à-vis du Parti Démocrate, le nouveau secrétaire général, Paolo Ferrero, n’a pas tenu ses engagements. Par exemple, lors des élections régionales à venir, le PRC s’est allié au Parti Démocrate dans 10 régions sur 13. En outre, dans les 3 régions où cette alliance n’a pas été constituée, c’est suite à un refus du Parti Démocrate ! La base du parti réagit vivement à ce virage droitier, mais la lutte pour consolider le sursaut militant de 2008 n’en est qu’à ses débuts. Il faut armer le PRC d’une politique authentiquement communiste. Les marxistes de Falce Martello y joueront tout leur rôle.