Si l’on regarde l’époque où le mouvement populaire poussait pour la nationalisation, on s’aperçoit que ces pressions arrivaient au moment même où les luttes sociales s’exacerbaient. Qu’est-ce que cela veut dire ? Lorsque les travailleurs commencent à lutter dans leur milieu de travail et que la division entre l’employeur et l’employé devient évidente, le travailleur commence alors à comprendre que c’est lui en fait le producteur et qu’il peut paralyser tout le système s’il s’unit à ses compères. Rappelons-nous que dans les années soixante à soixante-dix, le Québec avait un très haut taux de grèves. Ces combats ont permis l’éveil d’une conscience de classes qui elle à son tour a dévoilé au grand jour l’exploitation des patrons et l’appropriation du travail collectif des employés aux mains de gens qui ne produisent rien. Les travailleurs de par leurs actions solidaires en sont venus aux conclusions qu’ils devaient s’approprier les moyens de production. Le titre du manifeste de la CSN le démontre bien : Comptons que sur nos propres moyens. Bref, la lutte bouleverse le concept de propriétés privées des moyens de production.

Malheureusement, le mouvement des travailleurs québécois n’a pas réussi à faire aboutir ses revendications. L’une des principales causes de cet échec est sans l’ombre d’un doute l’arrivée du P.Q sur la scène politique. Cela peut paraître contradictoire, car le P.Q sous Lévesque a réalisé la nationalisation de certains secteurs telle l’assurance-automobile et n’oublions pas que Lévesque est perçu comme le père d’Hydro-Québec. Le P.Q a également fait des lois en faveur des travailleurs comme la loi anti-briseur-de-grève ou des lois qui favorisent la syndicalisation ou même des projets pour rendre l’éducation plus accessible. Ces victoires sont-elles attribuables au P.Q ou à leur chef ? La réponse est non, ces victoires se sont les travailleurs qui ont combattu corps et âmes pour les acquérir, le P.Q n’a finalement été que davantage un frein au mouvement en mettant la question nationale en priorité. Lévesque voulait montrer à la bourgeoisie américaine, canadienne, française, etc. qu’il serait un bon gestionnaire et qu’il ne nuirait pas aux intérêts des « big business » Donc, Lévesque a contribué à l’échec du mouvement ouvrier.

Cette idée que l’on croyait presque disparue est tranquillement en train de faire une réapparition, mais de façon embryonnaire. Après de longs débats souvent épineux, lors du congrès de mars, Québec Solidaire a proclamé d’une façon un peu confuse être en faveur de la nationalisation. Les membres ont voté pour qu’à long terme, Q.S vise à la socialisation des activités économiques notamment en favorisant un système québécois basé sur une économie publique forte (société d’État et nationalisation des grandes entreprises dans certains secteurs stratégiques), une économie sociale à promouvoir et à développer (coop, communautaire, entreprise d’économie sociale) tout en maintenant une certaine place au secteur privé à baliser, particulièrement les P.M.E. Au niveau de ce que Québec Solidaire entend nationaliser la réponse reste floue, mais ouverte. Tentons de comprendre pourquoi un parti ouvrier devrait nationaliser des secteurs et des industries, quels sont ces secteurs et finalement, comment procéder. Nous vivons dans un système où les moyens de production comme les bureaux, les magasins, les banques, les usines, etc. sont détenus par de petits groupes d’individus qui eux ne travaillent pas ! Ces propriétaires ne font que trop souvent empocher le profit créé par les travailleurs. Tout parti se disant représenter la majorité de la population (les travailleurs) se doit d’offrir un programme qui va avantager ceux-ci. Québec Solidaire s’est engagé dans cette voie en proposant la gratuité scolaire, la réduction de la semaine de travail, l’augmentation du salaire minimum, la loi anti « lock-out » et la gratuité des transports en commun. Si Q.S veut réaliser l’ensemble de ce programme, il doit s’approprier démocratiquement et sous le contrôle des travailleurs les principaux leviers économiques qui sont les plus grandes compagnies québécoises. Sinon, le Québec coulerait vers une période de profonde crise économique, car avec la majorité des profits concentrés entre les mêmes mains, l’État québécois se retrouverait en position d’incapacité face à ses citoyens. Cela amène un autre problème ; comment indemniser ces propriétaires ? La réponse est fort simple, ces gros patrons qui étaient si réticents à payer leurs impôts, ces patrons qui ont sali notre environnement et ceux qui n’ont pas consenti à accorder la vraie part qui était due aux travailleurs. Ces patrons ne doivent recevoir aucune compensation, sauf à l’exception des petits actionnaires ! La classe ouvrière doit se réapproprier ce qui lui a été enlevé. Pour l’identification de ces compagnies, Jean Charest nous a facilité la tâche en nous offrant sur un plateau une liste exhaustive qui selon lui contient les 150 compagnies les plus indispensables au Québec.

Au vingtième siècle, avec la montée de plusieurs régimes totalitaires, nous sommes en droit de nous demander en quoi ici, au Québec, nous sommes immunisés de la bureaucratie et de régimes restreignant la liberté ? Le premier rôle de la nationalisation n’est pas de remettre aux mains de l’État les compagnies privées, mais de bien les restituer aux travailleurs et de s’assurer que les travailleurs les gèrent de façon démocratique. Les travailleurs n’ont aucun intérêt dans l’instauration d’une bureaucratie qui les empêcherait de bénéficier du fruit de leur dur labeur. La démocratie ouvrière immunise le peuple contre la bureaucratie. Un autre aspect débattu va selon que le parti des travailleurs devrait laisser place à l’entreprise privée. Il est clair que la priorité d’un tel parti est davantage dans l’appropriation de secteurs économiques qui rendront possible les différentes mesures sociales, donc il est plus que farfelu de penser que la socialisation des activités économiques passe par la nationalisation de petites compagnies. En outre, les principaux exploiteurs de ces compagnies sont les grandes banques qui leur chargent des taux d’intérêt complètement indécents, ils seraient les premiers à bénéficier du progrès de ces nationalisations démocratiques. Québec Solidaire dans leur programme ont adopté une double position sur la nationalisation dans certains secteurs stratégiques pour prévenir cette bureaucratie ou cette concentration des pouvoirs. Les membres au congrès ont voté pour que certains secteurs soient placés sous contrôle public (participation majoritaire de l’État) incluant au besoin la nationalisation complète. Cette double position manque partiellement sa cible, car ce n’est pas en laissant la place aux intérêts privées que nous nous assurerons que les nationalisations voulues resteront dans la voie du progrès social. Inclure la participation du privé, c’est préserver la logique du profit au sein d’une compagnie que l’on veut orienter pour les besoins des gens. C’est garder les éléments les moins démocratiques pour tenter de préserver une démocratie, ça ne fait pas de sens ! Nous savons qu’ils n’auront pas le choix s’ils veulent vraiment accomplir les changements proposés de transférer à la collectivité de façon démocratique la propriété des moyens de production des plus grandes entreprises appartenant à une entreprise privée. Pour se faire, comme nous l’avons vu au début se sera le travail des ouvriers à construire le socialisme !