L’épidémie de COVID-19 s’est rapidement propagée dans le monde entier, entraînant dans son sillage un bouleversement social, politique et économique sans précédent. Malgré le délai, le Canada en ressent lui aussi les effets.

À l’heure actuelle, plus de 190 personnes ont été diagnostiquées avec le virus au Canada. Il s’agit probablement d’une sous-estimation considérant l’absence de tests à grande échelle. Le chiffre réel est sans doute beaucoup plus élevé et en hausse. La majorité des cas ont jusqu’à présent été recensés en Ontario et en Colombie-Britannique. Toutefois, l’Alberta et le Québec ne sont pas loin derrière, suivis de près par la Saskatchewan, le Manitoba et les Maritimes. Le virus n’a fait pour le moment qu’une seule victime, bien que ce chiffre risque lui aussi d’augmenter. Comme l’a montré l’Italie, la situation peut devenir critique en quelques jours. Selon certains analystes, l’Amérique du Nord pourrait n’avoir que quelques semaines de retard sur l’Italie, voire quelques jours. 

Face à cette situation, le gouvernement fédéral a fermé la Chambre des communes et le Sénat pour une période de cinq semaines. Justin Trudeau est lui-même en isolement après avoir appris que sa femme a contracté la COVID-19. L’Ontario et le Québec ont fermé la plupart des écoles publiques, tandis qu’un certain nombre de provinces déconseillent fortement la tenue de rassemblements de plus de 250 personnes. La Colombie-Britannique a demandé aux médecins à la retraite de reprendre le travail en prévision de la pression accrue sur les services de santé. Ces mesures ne sont sans doute qu’un début. 

Les répercussions économiques

La propagation du virus au Canada a fait réagir les marchés. Au cours du « lundi noir », l’indice composé S&P/TSX a chuté de 10,3%, ce qui représente la plus forte baisse en un jour depuis 1987. Les actions du secteur pétrolier ont été particulièrement frappés. Des sociétés comme Meg Energy Corp. et Cenovus ont chuté de plus de 50%. Trois jours plus tard, le TSX a de nouveau chuté, cette fois de plus de 12%, la pire chute depuis la Seconde Guerre mondiale. Le prix du baril de pétrole, quant à lui, est passé de plus de 50 dollars il y a une semaine à un peu plus de 30 dollars aujourd’hui.

L’effondrement des chaînes d’approvisionnement mondiales, combiné à l’effondrement du prix du pétrole, ne fait que confirmer le fait que le Canada entrera en récession au cours de la prochaine période. En Alberta, les producteurs de sables bitumineux ont déjà annoncé de fortes réductions des investissements de capitaux. Parmi eux, des entreprises comme Cenovus et Seven Generations Energy ont annoncé des réductions allant respectivement jusqu’à 600 millions de dollars et 200 millions de dollars. D’autres secteurs, en particulier ceux qui sont liés au commerce mondial, annonceront des réductions similaires dans les prochains jours.

Comme en 2009, l’État s’est vu forcé d’intervenir. Jeudi, la Banque du Canada a annoncé une injection de plusieurs milliards de dollars dans le marché pour le maintenir à flot. Cette annonce est intervenue quelques heures seulement après une annonce similaire de la Réserve fédérale d’une injection de 1500 milliards de dollars sur le marché américain. Cependant, même une telle mesure a été insuffisante.

Vendredi, la Banque du Canada a annoncé qu’elle allait également abaisser son taux directeur à 0,75%, lui qui était à 1,75% depuis un peu plus d’une semaine. De plus, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il offrirait 10 milliards de dollars de crédit à des entreprises ciblées, tandis que les banques auraient accès à 300 milliards de dollars de fonds d’urgence. Résultat, les marchés boursiers ont partiellement rebondi. Toutefois, cela est probablement temporaire compte tenu de l’incertitude profonde qui règne sur le marché mondial.

Qu’en est-il des travailleurs?

Cependant, le gouvernement a fait preuve de moins d’intérêt pour les travailleurs canadiens que pour les grandes entreprises. 

À l’heure actuelle, la majeure partie du Canada n’est malheureusement pas préparée à une forte augmentation des cas de COVID-19. En Ontario, les hôpitaux sont déjà surchargés, alors que de nombreux patients sont traités dans les couloirs. Une étude a révélé que cinq hôpitaux du Grand Toronto ont dépassé leur capacité de 100% presque chaque jour de la première moitié de 2019. Dans les Maritimes, où la population est beaucoup plus âgée (et donc plus à risque), les salles d’urgence des hôpitaux ont fermé ces derniers mois en raison de mesures d’austérité. 

Selon une étude de l’OCDE réalisée en 2018, le Canada se classe 35e sur 42 pays pour le nombre de lits d’hôpitaux par habitant, avec seulement 2,5 par 1000 habitants. Même une légère augmentation des admissions à l’hôpital mettrait à l’épreuve les limites du système de santé canadien, obligeant les médecins à choisir entre ceux qui reçoivent des soins et ceux qui n’en reçoivent pas. 

Malgré cela, les effets du COVID-19 pourraient être atténués si le gouvernement prenait d’autres mesures, telles que l’octroi de congés de maladie payés aux travailleurs ou la mise en place de tests universels de dépistage du virus, ce qui permettrait d’alléger la pression sur les hôpitaux. Cependant, même cela n’a pas été fait. 

Mercredi, le gouvernement fédéral a dévoilé un plan d’un milliard de dollars pour lutter contre la COVID-19. Sur ce total, seulement 5 millions de dollars sont allés directement aux travailleurs. De plus, ce chiffre est destiné aux prestations d’assurance-emploi, auxquelles plus de 60% des chômeurs ne sont pas éligibles. Et pour ceux qui sont éligibles, les prestations ne correspondent qu’à 55% de leur revenu perdu sur une période limitée. Quant aux congés de maladie, le gouvernement fédéral n’a rien offert du tout. 

En Ontario et en Colombie-Britannique, où les cas de COVID-19 sont les plus nombreux, les travailleurs se voient actuellement offrir peu ou pas de congés maladie – et encore moins des congés maladie payés. De ce fait, beaucoup de travailleurs n’auront d’autre choix que d’aller travailler, même s’ils sont malades, ce qui favorise la propagation du virus.

Pour ajouter l’insulte à l’injure, de nombreux gouvernements provinciaux ont décidé de fermer les écoles et les garderies pour arrêter la propagation de l’infection, mais n’ont pris absolument aucune disposition pour que les employés provinciaux ou autres travailleurs puissent s’occuper de leurs enfants. Ces gouvernements ont pris la décision de décréter ces fermetures, et sont donc tenus de prendre les mesures nécessaires pour faire face aux répercussions. Cela devrait commencer par offrir un remplacement intégral de salaire aux travailleurs qui sont obligés de s’occuper de leurs enfants. Cependant, cela n’a pas été fait non plus.

En outre, le gouvernement a effectué trop peu de tests de dépistage du virus, ce qui rend difficile l’isolement des personnes atteintes du virus avant qu’ils ne le propagent. À Montréal, une femme a rapporté qu’on lui avait refusé à plusieurs reprises un test alors qu’elle présentait des symptômes semblables à ceux d’une pneumonie. Des histoires comme la sienne ne sont pas inhabituelles. En comparaison, la Corée du Sud effectue 20 000 tests par jour, et dispose même de stations de test au volant. À cet égard également, le gouvernement canadien est loin derrière. 

Un produit du capitalisme

La pandémie de COVID-19 n’est pas simplement un produit de la nature, mais un produit du capitalisme. En réalité, il n’y a aucune raison pour qu’une société moderne soit autant menacée par un virus comme la COVID-19 – et pourtant elle l’est. Malgré nos progrès industriels, scientifiques et techniques, des millions de vies risquent aujourd’hui d’être perdues à cause du parasitisme d’une minorité.

Au Canada, des décennies de sous-financement de nos besoins les plus fondamentaux, tels que les lits d’hôpitaux, ont maintenant mis des dizaines de milliers de personnes inutilement en danger. Et où est passé cet argent? Il est allé dans les poches des banquiers, qui l’ont ensuite pris pour jouer à la bourse. Aujourd’hui, après avoir perdu cet argent (dans une crise qu’ils ont créée), ils en réclament encore plus, juste au moment où les travailleurs canadiens en ont le plus besoin – non pas pour jouer avec, mais pour survivre. Trudeau, comme Harper avant lui, est maintenant prêt à donner aux banquiers tout ce qu’ils veulent, et peut-être à donner les restes à la classe ouvrière – peut-être. 

Et si cela signifie que le virus peut se propager? Eh bien! Les politiciens et les hommes d’affaires peuvent s’isoler aussi longtemps qu’ils le souhaitent, même si tous les autres ne le peuvent pas. L’important pour eux est de garder les gens au travail, et de maintenir la production et les profits en expansion, quel qu’en soit le coût. 

La COVID-19 a maintenant amplifié cette logique cruelle, la logique du capitalisme. Elle apparaît maintenant au grand jour. La crise qui vient, bien que dévastatrice, entraînera un saut dans la conscience au Canada comme jamais auparavant. Les attitudes et les préjugés tenaces seront ébranlés du jour au lendemain. Rapidement, une nouvelle période de lutte des classes verra le jour, au cours de laquelle la classe ouvrière « réglera ses comptes » avec ceux qui l’ont entraînée dans cette tragédie. C’est l’ère qui se profile à l’horizon. 

S’adressant à la nation ce vendredi, Trudeau a encouragé un « effort d’Équipe Canada » pour lutter contre la COVID-19. En 2009, les travailleurs canadiens se sont également sacrifiés pour l’ « équipe », pour ensuite découvrir qu’un seul camp devait se sacrifier. Ils ne seront pas dupes une deuxième fois.