Suite aux élections du printemps 2012, le PQ a avancé dans les sondages avec difficulté. Le fait qu’il ait brisé ses promesses électorales en augmentant les frais de scolarité et en maintenant la taxe santé lui a valu des reproches de tous les côtés. Les péquistes ont trouvé leur salut dans la « Charte des Valeurs Québécoises » qu’ils ont proposé l’été dernier. Cette action calculée leur a permis d’approcher leurs positions de celles de la défunte ADQ, (précurseur de la CAQ), en prenant le pari d’exploiter les peurs de la majorité francophone de la province. Au lieu de critiquer les trahisons électorales du PQ ou l’économie chancelante du Québec, les gens ont été aspirés dans un débat sur ce que les gens devraient porter sur leur tête quand ils travaillent pour la fonction publique. En forçant de manière démagogique le débat dans le cadre d’un scénario « eux contre nous », et se proclamant en continuité avec les traditions de la révolution tranquille, ils ont réussi à recevoir un niveau de support de la population qu’ils n’avaient pas eu depuis des années, et s’approchent à un jet de pierre de la majorité au gouvernement.

Les derniers sondages de Léger Marketing donnent le PQ en avance à 37% de support dont 45% au sein des électeurs francophones qui forment une forte majorité dans 80 des 125 comptés électoraux de la province. À leur suite, on retrouve les libéraux à 35% d’appui, dont seulement 23% provenant de l’électorat francophone. D’autres sondages ont même placé le PQ à 40%, ce qui est généralement suffisant pour obtenir la majorité des sièges. Malgré le fait qu’ils prétendent se battre pour les intérêts de tous les québécois, un gouvernement du PQ serait un désastre absolu pour les travailleurs et la jeunesse. La question est : dans l’intérêt de quels Québécois travaillent-ils ? Les riches ou les pauvres ?

Le PQ choisit la bourgeoisie

Les élections semblent avoir été déclenchées par un désaccord autour du budget présenté par le PQ, auquel se sont opposés les libéraux et la CAQ. Suivant les recommandations de la plus grande association de patrons de la province, le Conseil du patronat du Québec, qui prônait la réduction de la générosité de nos programmes sociaux, le budget du gouvernement proposait une suite de coupures dans les services sociaux, remplacés par des investissements dans des secteurs profitables comme l’exploitation des gaz de schiste. Le budget suggère d’augmenter le prix des garderies de 7$ par jour à 9$, de réduire le nombre de commissions scolaires, d’augmenter les tarifs d’Hydro-Québec et d’investir dans l’exploration du gaz de schiste sur l’île d’Anticosti. Les augmentations des tarifs des garderies et d’Hydro-Québec à elles seules coûteront 500$ par année à une famille d’un seul enfant. Le budget suggère de ré-ouvrir la convention collective des médecins de la province pour étaler les augmentations des deux prochaines années sur une plus longue période. Ces propositions ont causé un choc et ont été dénoncées par le mouvement ouvrier et les employé(e)s des garderies.

Comme les pressions de la crise économique empêchent le Parti Québécois de maintenir l’illusion qu’ils représentent à la fois les intérêts des capitalistes et des travailleurs, ils ont décidé, ce qui a changé les enjeux de la campagne, de recruter le milliardaire destructeur de syndicats Pierre-Karl Péladeau, qui se présentera dans la circonscription de Saint-Jérôme. Péladeau est l’actionnaire majoritaire de Québécor, le conglomérat médiatique qui contrôle près de 40% des médias de la province, ce qui inclut Vidéotron, TVA, plusieurs journaux et le réseau Sun. Sous sa gouvernance, la compagnie a envoyé ses employés en lock-out pas moins de 14 fois ! Il a aussi présidé à la création du réseau de droite Sun news qui est connu comme étant le « Fox news du Canada ». Les médias de Québécor étaient parmi les plus vicieux opposants du mouvement étudiant de 2012.

Le commissaire à l’éthique du Québec a enjoint à Péladeau de se départir de sa part de 700 millions de dollars dans Québécor. Cela a été proposé pour supposément éliminer la situation évidemment inquiétante au cours de laquelle un homme possédant les médias de la province serait également ministre au gouvernement. Ce Berlusconi québécois a rejeté cet avis et a dit qu’il placerait ses fonds dans une fiducie sans droit de regard. Nous devrions croire que parce qu’il ne pourra pas se servir de cet argent il n’aura aucune influence sur les médias du Québec ?

Cette décision trace une ligne claire entre ceux qui sont du côté du patronat et ceux qui sont du côté des travailleurs. La nomination de Péladeau a été accueillie favorablement par l’ancien chef du Bloc Québécois Gilles Duceppe, comme étant une excellente nouvelle, car il croit que « nous avons besoin de gens de tous les horizons. Une vraie coalition, c’est ce qu’il nous faut ». De même, l’ancien président de la CSN et chef de la SPQ-libre (syndiqués pour un Québec libre) Marc Laviolette a déclaré que Péladeau était une bonne prise pour le PQ. Jacques Parizeau, ex-premier ministre, a publié une lettre dans l’Aut’Journal supportant la nomination de Péladeau. Cette lettre était signée par plusieurs souverainistes notables et syndicalistes comme ex président de la CSN Gérald Larose et l’ex-premier ministre Bernard Landry.

De l’autre côté, la porte-parole parlementaire de Québec solidaire, Françoise David, a dénoncé Péladeau et a statué qu’ « aucun député de Québec solidaire ne s’assoira à côté de Pierre-Karl Péladeau ». Un scandale se prépare alors que le PQ a demandé des excuses pour des déclarations d’Amir Khadir, capturé par une caméra en train d’essayer de convaincre un électeur en lui disant « J’ai fait ce choix (de s’associer à la droite), une fois, il y a 35 ans, pour que l’Iran obtienne son indépendance de l’Amérique. Des millions de personnes de la gauche et de la droite avaient supporté l’Ayatollah Khomenei. Maintenant voyez ce que nous en récoltons aujourd’hui. L’histoire nous démontre que si on perd son âme, on perd ses objectifs. » On l’a cité aussi plus tôt disant « Les travailleurs ont des droits et ces droits doivent être protégés et améliorés, pas attaqués par des chefs corporatifs comme Pierre Karl Péladeau. » C’est un développement très positif, car cela rend très clair qui est de quel côté, et expose les traîtres aux yeux des travailleurs. Cela pousse les syndicats et Québec solidaire dans la même direction, et pourrait mener à une coalition de forces ouvrières contre les partis capitalistes. QS a lancé un appel à tous les travailleurs, syndicalistes et progressistes à rejoindre le parti qui est la seul option qui croit en la défense des travailleurs, des gens ordinaires et de la classe moyenne.

Le mouvement ouvrier doit riposter !

Ce scandale autour de Péladeau est un cadeau pour Québec solidaire. Au début de l’élection, le leadership de QS était malencontreusement engagé dans une voie qui le rendait difficile à distinguer du PQ. Dans le discours d’ouverture de leur campagne, la porte-parole Françoise David avait défini leur mission en disant « Nous allons parler de souveraineté. Un pays du Québec devrait être fondé sur des valeurs communes – l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, le sécularisme, mais ce n’est pas tout. Il y a aussi l’environnement, la justice sociale, la démocratie – nous discuterons de tout cela au cours des prochaines semaines.» Cela n’est pas très différent de ce qui sort de la bouche de Pauline Marois, et perpétue le mythe selon lequel les travailleurs québécois auraient des valeurs communes avec leurs employeurs. Les slogans électoraux du parti étaient aussi plus vagues que les années précédentes, ne proposant pas de s’adresser aux besoins de la population mais plutôt de « voter avec votre tête » ou « pour l’amour d’un Québec solidaire ».

La bonne nouvelle est qu’avec l’annonce de la candidature de Pierre-Karl Péladeau, QS a changé de cible et s’adresse maintenant à la classe ouvrière et aux syndicats. Leur plus récente campagne, « pour l’amour des travailleurs », appelle au combat pour une meilleure législation anti-briseurs de grève, un coup porté directement à Péladeau et au PQ. QS a aussi annoncé que plusieurs syndicalistes reconnus se présenteront pour le parti cette élection. Les commentaires de Françoise David sur la question sont à l’effet que « cela indique que Québec solidaire est du côté des travailleurs ». C’est un autre développement positif, et indique que le combat pour la classe ouvrière n’est pas qu’une note de bas de page dans la plate-forme mais bien la ligne directrice derrière l’opposition au gouvernement du PQ. Cela pourrait être le gage de réussite de QS. Si QS emprunte cette voie et amène les priorités des travailleurs et travailleuses et des étudiant(e)s à l’avant-plan et au cœur, cela pourrait mener la discussion loin du débat diviseur autour de la charte et donner un point de référence au mouvement ouvrier qui éloignerait les syndicats du PQ.

Il y a eu beaucoup de confusion au sein du mouvement ouvrier quant à leur relation avec le gouvernement du Parti Québécois. Il y a eu des efforts concertés par des chefs syndicaux de mettre un terme à la critique du gouvernement pour plutôt s’attaquer aux conservateurs fédéraux. Cela ne tient pas compte du fait que le PQ tient un agenda économique très similaire. La charte a décidément ajouté à cette confusion alors que certains syndicats se sont rangés en sa faveur, et d’autres, contre. Au moment où les travailleurs et la jeunesse avaient besoin de leur leadership pour combattre l’austérité et les attaques du patronat, il a déraillé vers le débat de la charte.

La réponse des syndicats à la nomination de Péladeau en est une de surprise et de dénonciation. La FTQ, le plus grand syndicat de la province, a dit que sa candidature serait une catastrophe pour les travailleurs québécois et qu’il était probablement l’un des pires employeurs que la province n’ait jamais connu. La CSN a aussi exprimé son dégoût et dit que cela était un signe sûr que le PQ n’a aucun plan pour réformer la loi sur le travail dans la province. Le président du syndicat a dit que si le Parti Québécois refusait de faire ainsi, ils tireraient leurs propres conclusions. Bien que quelques syndicalistes notables se soient joints à QS cette élection, la position générale des syndicats est encore peu claire et il faudra qu’ils se prononcent en faveur de QS, qui représente la seule option pro-travailleurs et anti-austérité. Ce qui est clair est que l’association du PQ avec Péladeau endommage sérieusement les liens ténus que le PQ avait avec la bureaucratie syndicale, ce qui ouvre la porte à un abandon du PQ par les syndicats et leur adhésion à Québec solidaire. Le fait que QS profiterait de cette situation a même été mentionné par plusieurs analystes politiques bourgeois.

Le mouvement étudiant

Récemment, l’ASSÉ, qui menait la grève étudiante en 2012, continue sa campagne contre l’austérité et le gouvernement. Loin d’être surpris par la dérive à droite du PQ, l’ASSÉ s’est concentrée sur la mobilisation contre l’austérité du gouvernement depuis qu’il a été élu. Ils ont de surcroît dénoncé la charte comme étant un « écran de fumée » pour l’austérité, et lancé une campagne appelée « Traîtres chez nous » un jeu de mots sur le slogan populaire de la révolution tranquille « Maîtres chez nous ».

Cette campagne contient des photos de ministres du PQ et la liste des mesures d’austérité qu’ils ont implantées. De plus, les associations-membres de l’ASSÉ tiennent des assemblées générales et des votes de grève d’un jour ou de manifestations contre l’austérité pour le 3 avril, une jambette prévue directement dans les derniers jours critiques de la course l’élection.

Malheureusement la position typique de l’ASSÉ est que « les élections ne changent rien » et que « les sondages sont des pièges ». On doit mentionner que durant la dernière élection, cela a contribué à la capacité du Parti Québécois et des leurs amis bureaucrate de la FECQ et la FEUQ, de gagner une portion significative du vote des « carrés rouges ». Il a été admis par la suite par l’ex-porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, qu’ils avaient été incapables de prendre le contexte électoral en compte et de répondre au désir honnête de centaines de milliers d’étudiants qui voyaient en l’élection une façon de renverser Charest. Ne faisons pas la même erreur, camarades ! Ce que nous disions à l’époque s’applique toujours, d’autant plus que le PQ a clairement été exposé pour ce qu’il est.

« Oui, vainquons Charest ! Cependant, nous ne pouvons pas faire confiance au PQ qui va adopter la même austérité. Le seul parti luttant pour l’éducation gratuite est Québec solidaire. La meilleure façon d’assurer la défaite des libéraux et une victoire pour la gratuité scolaire n’est pas de quitter la rue. Laissez-nous continuer la mobilisation car c’est la seule façon de gagner à la fois l’élection et la lutte ! Laissez-nous devenir plus actifs et faire de QS la voix politique du mouvement de masse de la jeunesse. »

Il n’est toutefois pas suffisant de savoir ce que nous ne voulons pas. Nous devons nous battre et rejoindre les masses qui combattent l’austérité et ont besoin de leadership. L’ASSÉ devrait se joindre à Québec solidaire et faire pression pour la gratuité scolaire et l’opposition à la charte.

Cette élection pose un grand défi au mouvement ouvrier, mais elle nous place aussi devant de grandes opportunités. Plus que jamais, il est urgent que le mouvement ouvrier organise une riposte contre le PQ. Les syndicats organisent plus de 40% de la force de travail de la province et représentent un pouvoir immense dans la société québécoise. Un immense potentiel existe et les membres de syndicats sont directement visés par les coupures poursuivies par les partis capitalistes. Une simple opposition vocale ne protégera personne des attaques du gouvernement du PQ. Nous avons besoin de mobilisation durant les élections. Maintenant que le PQ a dévoilé ses vraies couleurs, la situation crée une opportunité parfaite pour Québec Solidare et les mouvements ouvriers et étudiants de travailler main dans la main pour couper l’herbe sous le pied aux attaques du patronat du Québec.

À mesure que les dirigeants d’entreprise du Québec poursuivront la route vers l’austérité et que les politiciens distrairont et diviseront les travailleurs avec leur débat sur la charte, les perspectives pour cette élection seront très grises si on ne crée pas d’alternative. Un gouvernement Péquiste majoritaire serait un désastre pour les francophones comme pour les anglophones, travailleurs comme étudiants. Toutefois, personne ne souhaite le retour des détestés Libéraux et la CAQ, menée par le millionnaire François Legault, semble encore pire. La position du mouvement ouvrier n’est pas encore claire. Que feront-ils cette élection pour combattre l’austérité et les attaques sur le mouvement ouvrier ? La tâche du mouvement ouvrier et étudiant devrait être de se rallier à Québec solidaire, de mettre de la pression pour leurs demandes et transformer le parti en une véritable voix des travailleurs au parlement. Seulement ça et la mobilisation de masse dans les rues pourra combattre l’agenda des patrons que ce soit dans la rue, aux urnes ou en milieu de travail.