Ce texte, achevé en janvier 2008, est la quatrième partie du document « Perspectives Mondiales » qui sera discuté et amendé lors du Congrès mondial de la Tendance Marxiste Internationale, en août. Les autres parties seront mises en ligne dans les tous prochains jours.

La révolution iranienne

Il y a un potentiel révolutionnaire croissant en Iran. Ahmadinejad joue la carte de l’anti-américanisme pour détourner l’attention des masses. Cependant, après les révélations de la presse américaine sur l’état réel du programme nucléaire iranien, la possibilité de frappes aériennes contre l’Iran a certainement diminué – du moins pour le moment.

Cela ne convient pas du tout à Ahmadinejad. Sa base de soutien s’érode rapidement, en Iran, et son seul espoir était de pouvoir continuer à focaliser l’attention des masses sur les dangers d’une agression militaire. Il a fait une déclaration publique pour affirmer que les révélations de la presse américaine désignent Bush comme un menteur (ce qui est exact) et justifient complètement la politique de son régime (ce qui est faux).

Bien sûr, Ahmadinejad n’est pas capable de mener une lutte sérieuse contre l’impérialisme. Encore une fois, son objectif était de maintenir une tension pour détourner l’attention des masses iraniennes de leurs problèmes réels. A présent, il est peu probable que Bush puisse déclencher une offensive militaire. Ceci facilitera le développement d’un mouvement d’opposition des travailleurs et des étudiants iraniens – mouvement qui a déjà commencé et transformera toute la vie politique de la région dans la période à venir.

Les mullahs s’accrochent au pouvoir, mais leur base de soutien s’effondre. Le régime connaît un processus de lente décomposition interne. Après des décennies au pouvoir, les mullahs sont considérés – à juste titre – comme corrompus et répressifs. La jeunesse se révolte ouvertement. Malgré le puissant appareil répressif d’Etat, Ahmadinejad s’est fait huer et chahuter par les étudiants. C’est un symptôme très important. Il est classique qu’une révolution commence avec les étudiants. Ce fut le cas dans la Russie des années 1900-1903. L’agitation étudiante avait ouvert la voie à la mobilisation massive des travailleurs lors de la révolution de 1905. Ce fut également le cas dans l’Espagne des années 1930-1931. En mai 1930, Trotsky écrivait :

« Etant donné que la bourgeoisie se refuse, consciemment et obstinément, à prendre sur elle le soin de résoudre les problèmes imposés par la crise que traverse son régime ; étant donné que le prolétariat n’est pas encore prêt à se charger de résoudre ces problèmes – il n’est pas étonnant que l’avant-scène soit occupée par des étudiants… L’activité révolutionnaire ou semi-révolutionnaire des étudiants montre que la société bourgeoise traverse une crise très profonde…

« Les ouvriers espagnols ont manifesté un instinct révolutionnaire très sûr en donnant leur appui aux manifestations des étudiants. Bien entendu, ils doivent agir ainsi sous leur propre drapeau et sous la direction de leur propre organisation prolétarienne. Il est du devoir du communisme espagnol d’assurer cette action, et, à cet effet, il lui est indispensable d’avoir une politique juste… » (Problèmes de la révolution espagnole)

Ces lignes s’appliquent parfaitement à l’Iran d’aujourd’hui. Malgré les forces de sécurité du régime, les étudiants protestent et manifestent. Le 4 décembre 2007, 500 étudiants et militants de gauche ont pris part à un rassemblement illégal à l’université de Téhéran. Ils ont dénoncé les arrestations récentes, le climat d’intimidation – et achevé la réunion en chantant l’Internationale. Cela montre que les traditions révolutionnaires du mouvement étudiant iranien – qui remontent à décembre 1953 – sont bel et bien vivantes. Et comme symptôme, c’est encore plus important.

Lénine expliquait qu’il y a quatre conditions pour une révolution. Premièrement, le régime doit être en crise et divisé. Le régime iranien, dans une impasse complète, est profondément divisé. Il en est arrivé au stade que Tocqueville décrivait comme le plus dangereux, pour une autocratie : lorsqu’elle commence à réformer. A ce moment-là, une division s’ouvre entre les conservateurs et les réformistes. Ces derniers disent : « il faut réformer ou il y aura une révolution. » Les autres disent : « Si on réforme, il y aura une révolution ». Et tous ont raison. Cela fait un moment que l’Iran a atteint ce stade.

La deuxième condition, c’est une effervescence parmi les couches intermédiaires de la société, qui oscillent entre la révolution et le statu quo. Cette fermentation s’exprime dans les universités iraniennes – mais pas seulement. Les petits commerçants (bazaris), qui par le passé soutenaient les mullahs, sont eux aussi mécontents. La base de masse de la réaction s’étiole, cependant que les réserves sociales de la révolution grandissent de jour en jour.

Le troisième – et plus important – élément de l’équation, c’est la classe ouvrière. La puissante classe ouvrière iranienne est la force décisive de la révolution. Les travailleurs iraniens commencent à bouger. Il y a eu de grandes vagues de grèves, impliquant de nombreux secteurs de la classe ouvrière : conducteurs de bus, cheminots, travailleurs des chantiers navals, travailleurs du textile, de l’industrie sucrière et de l’industrie pétrolière – entre autres. Ces grèves commencent sur des mots d’ordre économiques, mais étant donnée la nature du régime, elles prendront inévitablement un caractère toujours plus politique et révolutionnaire.

En d’autres termes, toutes les conditions décrites par Lénine sont réunies en Iran – toutes sauf la dernière : le parti et la direction révolutionnaires. Nos camarades iraniens ont fait un excellent travail. Ils n’en sont qu’au début. Mais ils peuvent grandir rapidement au fur et à mesure que la révolution se développe. L’Iran est à un stade comparable à la veille de la révolution russe de 1905. N’oublions pas que les marxistes russes étaient eux aussi extrêmement faibles, à cette époque, et qu’ils ont grandi très rapidement une fois que la classe ouvrière est entrée en action.

Notre tendance est la seule qui ait détecté le potentiel révolutionnaire en Iran. La classe ouvrière iranienne a été vaccinée contre le fondamentalisme islamique. Elle est jeune, fraîche et libre de tous les préjugés et distorsions du réformisme et du stalinisme. Elle peut très rapidement s’orienter vers les idées révolutionnaires les plus avancées. La révolution iranienne dissipera l’atmosphère irrespirable de réaction qui empoisonne toute la région. Elle secouera le joug du fondamentalisme religieux et prendra résolument la voie du socialisme et du pouvoir ouvrier.

A ce stade, la révolution iranienne est la clé, au Moyen-Orient. Elle brisera les chaînes du fondamentalisme et de la réaction. Elle donnera un espoir et de nouvelles perspectives aux travailleurs et à la jeunesse du monde arabe, qui commencent à reprendre le chemin de la lutte des classes. Elle aura des répercussions majeures en Afghanistan, au Pakistan, dans toute l’Asie Centrale – et bien au-delà.

L’Afghanistan

En Afghanistan comme en Irak, les impérialistes n’ont pas atteint leurs objectifs fondamentaux. Le chaos règne, et ses répercussions ont déstabilisé le Pakistan. La guerre se poursuit et le nombre de soldats tués continue de croître. Les Américains voulaient s’appuyer sur la force aérienne, de façon à limiter les pertes en soldats. Mais c’est un échec. Les bombardements ont tué beaucoup de civils afghans. Telle est la façon dont le Pentagone pratique l’art subtil de gagner des amis et d’influencer des gens.

Les troupes sous commandement britannique se battent au sol dans la province d’Helmand. Elles subissent de lourdes pertes dans une guerre ingagnable. Les Talibans évitent de livrer bataille « à découvert ». Ils posent des bombes le long des routes et recourent à des attentats-suicides. Cette tactique « asymétrique » (de guérilla) très efficace est appliquée à Kaboul même. Le vice-président des Etats-Unis, Dick Cheney, a échappé de peu à un attentat-suicide.

Le général britannique David Richards aurait dit à ses collègues de Londres que l’OTAN faisait « tout ce qu’elle peut », en Afghanistan, parce qu’elle manque de troupes. Cependant, il est beaucoup plus facile de formuler le problème que de le résoudre. Où l’OTAN pourrait-elle trouver davantage de soldats ? En fait, il y aura de nouvelles défections parmi les alliés des Américains – et ce d’autant plus que le nombre de soldats tués augmente, et que cela affecte la politique intérieure des pays de la coalition. Cette question a déjà provoqué une crise politique en Italie. Ce ne sera pas la dernière.

Certains pays – comme la Grande-Bretagne, le Danemark et la Pologne – augmentent leurs forces en Afghanistan. Les Allemands sont sur place, mais leurs troupes sont confinées dans le Nord (où il y a très peu de combats) et n’ont pas le droit de quitter les casernes la nuit ! La guerre en Afghanistan est impopulaire, en Allemagne. En Italie, elle a pratiquement renversé le gouvernement, en février 2007.

Le manque de troupes signifie que les impérialistes devront compenser par la puissance de feu. En conséquence, davantage de civils seront tués, ce qui aggravera l’hostilité de la population. A l’inverse, les Talibans ont beaucoup d’argent, d’hommes et d’armes, financés par la culture du pavot.

L’économie de l’opium et l’insurrection se renforcent mutuellement. La drogue finance les Talibans, et la guerre encourage la culture du pavot, en particulier à Helmand, qui cette année devrait cultiver davantage de pavot – et produire davantage d’opium, dont vient l’héroïne, etc. – que tout le reste de l’Afghanistan.

Le trafic de drogue est très profitable : 320 milliards par an, à l’échelle mondiale. Le commerce de l’opium représente 1/3 de l’économie afghane. Le commerce de l’opium afghan est hors de contrôle. L’an passé, l’Afghanistan a produit l’équivalent de 6100 tonnes d’opium, soit 92% de la production mondiale. A l’époque des Talibans, au moins, ceux-ci exerçaient un certain contrôle. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, les chefs talibans et les trafiquants de drogue ne font qu’un.

Certains des plus importants barons de la drogue sont membres des gouvernements national et provinciaux. Il y a même parmi eux des proches d’Hamid Karzai. The Economist du 28 juin 2007 rapporte : « Toute la chaîne gouvernementale – qui est supposée impulser l’ordre légal – a été corrompue, du ministre de l’intérieur jusqu’au simple policer. Les policiers mal payés reçoivent des pots-de-vin pour faciliter le trafic. Certains payent leurs supérieurs pour obtenir des postes « lucratifs » comme le contrôle des frontières. »

Pakistan – la clé

Le Pakistan est un élément clé de la politique étrangère des Etats-Unis en Asie Centrale. Or le pays est en pleine crise, frappé par un effondrement économique, par le terrorisme, par des scissions au sein de l’Etat et par le chaos politique. Il est impossible de dire précisément sur quoi cela va déboucher. Mais une chose est claire : l’instabilité continuera de croître, et avec elle la polarisation politique et sociale, qui donnera une puissante impulsion aux tendances révolutionnaires et contre-révolutionnaires.

Les événements s’accélèrent, au Pakistan. Le général Musharraf a été obligé de quitter la tête de l’armée et d’organiser des élections. Cela pose les bases d’un tournant majeur, dans le pays. Les divisions et conflits, au sommet de la société, ouvrent une brèche dans laquelle s’engouffre le mécontentement accumulé des masses.

Les contradictions intolérables de la société pakistanaise et les mobilisations de masse ont fait plier la dictature. Comme nous l’avions anticipé, le retour de Benazir Bhutto a poussé des millions de travailleurs et de paysans dans les rues. Ce ne fut pas grâce, mais malgré la politique et la conduite de Benazir, qui était une alliée de l’impérialisme américain et cherchait à trouver un compromis avec Musharraf.

La dictature de Musharraf a été minée par ses propres contradictions et son propre pourrissement interne. Cette déchéance interne s’est exprimée par la crise de l’institution judiciaire, mais aussi par la crise de la Mosquée Rouge, etc. En conséquence, les impérialistes ont décidé de lâcher Musharraf et de préparer le retour de Benazir Bhutto. Le retour de Bhutto et de Nawaz Sharif, puis le retrait formel de Musharraf à la tête des armées, ont marqué le début de la fin de la dictature. Elle s’est effondrée sous son propre poids.

Depuis son indépendance formelle, en 1947, l’histoire du Pakistan a été chaotique. La faible bourgeoisie pakistanaise s’est montrée incapable de faire avancer cet immense pays. Le Pakistan reste embourbé dans la pauvreté la plus noire et l’arriération féodale. L’économie est en lambeaux et le pays n’avance pas : il recule.

La faiblesse du capitalisme pakistanais s’est manifestée par une extrême instabilité politique. De fragiles régimes « démocratiques » ont été renversés, à intervalles réguliers, par différents types de dictatures militaires. Le dernier dictateur, Zia-ul-Haq, a été assassiné (sans doute par la CIA). Musharraf, qui craint de subir le même sort, s’accroche désespérément au pouvoir. Mais le pouvoir lui glisse déjà des mains.

La proclamation de l’état d’urgence était un coup de bluff désespéré qui a plongé le pays dans le chaos politique, comme nous l’avions prévu. Cela ne faisait pas les affaires de l’impérialisme américain, pour qui le Pakistan est un pays stratégique du fait de la guerre en Afghanistan. Washington a mis la pression sur Musharraf pour qu’il s’attaque aux forces pro-Talibans qui ont traversé la frontière dans le but de lutter contre la coalition, au sud de l’Afghanistan.

Les pressions de tous côtés ont miné le régime de Musharraf. Son armée a subi des pertes sévères dans les zones tribales à la frontière avec l’Afghanistan, où elle a tenté en vain de déloger les militants. Par ailleurs, une fraction puissante de l’armée – et surtout des services secrets (ISI) – soutient les Talibans, Al Qaïda, et les protège.

Face à cela, Musharraf est impuissant. L’armée était sa seule base de soutien, mais elle s’est avérée instable. En conséquence, les stratèges de l’impérialisme américain ont tiré la conclusion que Musharraf ne leur était plus d’aucune utilité. Ils se sont alors tournés vers Benazir Bhutto.

Perspectives pour le Parti du Peuple Pakistanais (PPP)

Pour les avocats et les politiciens professionnels, la « démocratie » est un moyen d’acquérir des positions parlementaires ou ministérielles. Ils n’ont pas d’opposition de principe à l’égard de Musharraf, mais considèrent juste que l’armée se taille une trop large part du gâteau. Pour la « classe politique », toute la question se ramène à la lutte pour plonger son museau dans la mangeoire à sinécures.

Les capitalistes américains ont d’autres intérêts. Ils ont leur propre (et beaucoup plus grande) mangeoire chez eux. En dernière analyse, certes, la défense de ce qu’ils appellent les « intérêts américains » est directement liée à cette question. Mais pour protéger les « intérêts américains » – c’est-à-dire des grandes banques et multinationales américaines –, ils sont obligés de s’atteler à la politique étrangère.

La politique étrangère des Etats-Unis a deux départements : d’une part l’armée, la marine et l’aviation américaines ; d’autre part la diplomatie. La première utilise la force brute pour écraser ses ennemis. La deuxième combine la menace et la corruption pour obtenir le soutien de « gouvernements amis » – car l’amitié est aussi une marchandise qui, comme toute marchandise, peut être achetée.

Cependant, comme toute marchandise, des amis peuvent cesser d’être utiles, et leur prix peut considérablement chuter, sur le marché. Or, cela fait un moment que la valeur marchande de l’amitié de Musharraf est très faible. En conséquence, Washington cherche de nouveaux amis à Islamabad.

Benazir Bhutto n’a pas perdu une seule occasion de se présenter comme une « modérée » pro-américaine. Mais derrière Benazir et le PPP, il y a les masses qui réclament un changement. Elles sont loyales aux aspirations socialistes originelles du PPP et demandent roti, kapra aur makan – « du pain, des vêtements, un logement » – que le capitalisme pakistanais ne peut pas fournir. L’attitude des masses est apparue clairement lors du retour de Benazir au Pakistan : au moins deux millions de personnes sont descendues dans les rues. Il s’agissait, dans leur écrasante majorité, de travailleurs, de paysans et de pauvres.

Dans un premier temps, Washington a été soulagé de l’expulsion de Nawaz Sharif en Arabie Saoudite, en septembre 2007. Mais face aux mobilisations de masse provoquées par le retour de Benazir, les Américains étaient satisfaits du retour de Nawaz Sharif. La famille royale saoudienne demandait que le chef de la Ligue Musulmane puisse rentrer au Pakistan. La monarchie saoudienne veut à tout prix éviter une victoire électorale du PPP, et souhaitait que Musharraf s’appuie sur Nawaz Sharif pour maintenir Benazir à l’écart du pouvoir. Les impérialistes, eux, voulaient maintenir un équilibre entre Sharif et Bhutto. Ils voulaient les pousser à former une coalition – comme garde-fou face aux masses.

L’assassinat de Benazir Bhutto a complètement transformé la situation. Les masses sont entrées en action. Si les élections ont lieu, elles voteront massivement pour le PPP. A court terme, le « centre » l’emportera sous la forme d’un gouvernement du PPP, qui formera peut-être une coalition avec la Ligue Musulmane. Mais cet attelage s’avèrera incapable de régler les problèmes fondamentaux de la société pakistanaise. Le « centre » apparaîtra comme un immense zéro.

Crise du régime

Les impérialistes et la classe dirigeante pakistanaise n’avaient pas peur de Benazir Bhutto, mais ils sont terrifiés par les masses qui soutiennent le PPP. Celles-ci veulent un changement fondamental dans la société. Elles ne se contenteront pas de promesses et de discours creux.

Benazir voulait former une coalition avec Sharif car elle avait besoin d’une excuse pour ne pas mettre en œuvre une politique dans l’intérêt des travailleurs et des paysans. Mais les travailleurs et paysans pauvres n’accepteront aucune excuse. Ils feront pression pour que leurs revendications les plus urgentes soient satisfaites. Cela ouvrira une situation entièrement nouvelle dans la lutte des classes au Pakistan.

Les petites intrigues et manœuvres vont bon train, au sommet de l’Etat. Les journalistes et les commentateurs sont fascinés par ce « drame politique », qui fait penser à des chamailleries de nains de cirque. Tous les arrangements et combinaisons ne sont que l’écume visible d’un océan que travaillent de puissants courants, sous la surface. Or ce qui est décisif, ce n’est pas l’écume, mais les courants.

La crise, au Pakistan, n’est pas une crise politique superficielle, mais une crise du régime lui-même. Le capitalisme pakistanais – faible, pourri, corrompu jusqu’à la moelle – a mené un vaste pays de 160 millions d’habitants dans une terrible impasse. En plus d’un demi-siècle, la bourgeoisie pakistanaise s’est montrée incapable de faire avancer le pays. Elle est à présent dans une impasse complète, qui menace de l’entraîner dans les abysses.

Seules les masses, dirigées par la classe ouvrière, peuvent sortir le pays de ce cauchemar. Les masses sont le véritable héritage du PPP : ce sont les millions de travailleurs et de paysans, de jeunes révolutionnaires et de chômeurs qui sont descendus dans les rues après l’assassinat de Benazir Bhutto. Ils ne pleuraient pas un individu mais un idéal : l’idéal d’un Pakistan juste et authentiquement démocratique, d’un Pakistan sans riches ni pauvres, sans oppresseurs ni opprimés – un Pakistan socialiste.

Dans la période à venir, les masses devront retourner à l’école du PPP. Elles y apprendront quelques dures leçons. Mais les masses apprennent toujours à travers leur expérience. De quelle autre manière pourraient-elles apprendre ? La période à venir sera très turbulente. Un gouvernement du PPP sera immédiatement sujet à d’énormes pressions de tous côtés : les masses demanderont des mesures dans leur intérêt – et les impérialistes, les capitalistes et les grands propriétaires terriens demanderont des mesures dans l’intérêt des riches et des puissants. Le gouvernement sera pris en étau.

Nous sommes la seule tendance à avoir anticipé ces développements. Comme toujours, les sectes gauchistes se sont révélées incapables de comprendre comment les masses pensent et se mobilisent. A l’inverse, les marxistes participent au mouvement réel et vivant des masses, se battent pour les mêmes objectifs concrets et contre le même ennemi de classe. Nous ne donnons pas des leçons aux travailleurs comme à des petits enfants. Nous expliquons patiemment, étape par étape, en aidant les travailleurs à tirer leurs propres conclusions.

Les travailleurs et les paysans apprendront à distinguer les dirigeants qui défendent les intérêts du peuple de ceux qui les trahissent. Les marxistes du PPP s’opposeront à toute tentative de former une coalition avec la Ligue Musulmane. Nous demandons la mise en œuvre du programme original du PPP, un programme socialiste reposant sur l’expropriation des propriétaires terriens et des capitalistes. Nous avancerons les revendications transitoires nécessaires pour lier chaque lutte concrète à l’objectif de la transformation socialiste de la société.

Comme en Iran, les conditions classiques d’une révolution se développent, au Pakistan. Toute révolution commence au sommet par des scissions dans le vieux régime. Cette première condition existe déjà au Pakistan. Les classes moyennes sont complètement hostiles à la clique dirigeante. Cela se reflète partiellement dans le mouvement des avocats – qui comporte cependant des éléments contradictoires. Au cours des dernières années, il y a eu une poussée de la lutte des classes au Pakistan, avec de grandes grèves comme celles des télécommunications, des aciéries et des compagnies aériennes. Ces grèves n’ont pratiquement pas été mentionnées dans la presse internationale, mais elles sont d’une grande importance symptomatique. Elles indiquent un réveil de la classe ouvrière pakistanaise.

La dernière – et la plus importante – des conditions est la présence d’une organisation et d’une direction révolutionnaires. Existe-t-elle au Pakistan ? Oui, elle existe ! Les marxistes pakistanais de The Struggle ont grandi en nombre et en influence au cours des dernières années. Ils ont conquis une position après l’autre et sont parvenus à réunir autour d’eux de larges sections des militants de la jeunesse et du mouvement ouvrier. Ils sont présents et grandissent dans toutes les régions, toutes les nationalités et toutes les villes importantes.

Ils ont joué un rôle magnifique dans les luttes ouvrières. Avec le PTUDC – la Campagne pour la Défense du Syndicalisme au Pakistan, l’organisation syndicale la plus militante du pays –, ils ont remporté des victoires significatives, notamment contre la privatisation des aciéries. Au Cachemire, ils ont gagné au marxisme la majorité des militants étudiants. A Karachi et dans le Pachtounkwua (Frontière Nord-Ouest), ils ont gagné de nombreux adhérents de l’ancien Parti Communiste.

Nous étions les seuls, à gauche, à comprendre le rôle du PPP, et les seuls à prévoir la réaction des masses. Nos camarades sont intervenus dans les manifestations, distribuant des tracts et criant des slogans révolutionnaires. Ils ont été reçus avec enthousiasme par les travailleurs et les paysans, qui veulent la même chose que nous.

D’importants développements sont à l’ordre du jour, et nos camarades sont en bonne situation pour en profiter. L’alternative est parfaitement claire pour le Pakistan, l’Inde et tout le sous-continent : soit la réaction la plus noire l’emporte, soit la révolution socialiste triomphe. Le Pakistan pourrait bien avoir le privilège d’être le premier pays à rallumer la flamme du socialisme – qui embrasera aussi bien l’Asie Centrale que le sous-continent indien.