Avec la réduction du nombre d’étudiants internationaux admis au pays, les universités se trouvent privées d’une source de revenus considérable. Négligées par le financement public depuis longtemps, elles tentent alors de trouver des raccourcis pour sauver de l’argent. Sans surprise, les étudiants paient : ces manœuvres se font ressentir sur la qualité de l’enseignement et des services offerts.
Récemment, l’Université Laval annonçait qu’elle fermerait ses trois cafétérias « bas prix » dirigées par des étudiants. À la place, elle laissera des entreprises privées s’installer sur le campus pour faire du profit, ce qui détournera de l’argent qui allait dans les poches de la communauté étudiante vers l’université. Alors que les jeunes sont de plus en plus précarisés, réduire l’offre alimentaire accessible est reçu comme un pied de nez aux groupes étudiants, qui dénoncent avec des pétitions ce scandale.
Mais cet événement n’est pas le seul indice de la crise de l’enseignement supérieur à venir. Des mesures plus subtiles se glissent à même notre corpus. En effet, des collègues de classe et moi discutions hier de nos choix de cours: certains étaient en colère, parce que 3 des 4 cours obligatoires recommandés pour la session d’hiver sont offerts seulement en ligne, une augmentation comparée à l’an dernier.
C’est ridicule, considérant que plusieurs études relèvent que les cours à distance, notoirement peu dynamiques, nuisent à l’apprentissage. Toutefois, nous n’avons pas le choix de sélectionner ces cours à un moment ou à un autre de notre parcours, et nous payons pour eux le même montant que pour des cours présentiels. Paradoxalement, les cours à distance sont de moindre coût que les présentiels, puisqu’ils permettent de payer moins cher l’enseignant responsable. C’est un moyen pour l’université d’épargner qui affecte la qualité de l’enseignement.
Autre point saillant de la discussion : des tableaux publicitaires sur le campus font maintenant la promotion de la compagnie de fast fashion Shein – une collaboration commerciale ouverte. Nous avons ri de la situation, mais une étudiante pointait que ça « feel dystopique ». En effet, quand une institution censée partager le savoir et élever la connaissance de la société fait la promotion d’une compagnie qui détruit la planète et emploie du cheap labour dans des conditions exécrables, elle peut sembler aller à l’encontre de ses valeurs.
Dernière outrance, une semaine plus tôt, pendant la construction de nouveaux « logements étudiants » sur le campus, nous apprenions que le loyer moyen d’un studio y serait de 1000$. Quel étudiant normal pourrait se payer ça?
Devant tout ça, on peut se demander : Mais à quoi pense l’Université Laval?
La réalité, c’est que la haute direction de l’université a pour seule valeur le profit : ses actions des derniers mois sont motivées par la rentabilité plutôt que par le bien être des étudiants. Une de mes collègues a fait le constat dans la discussion, que « les universités sont gérées comme des entreprises et l’éducation comme de la marchandise. » C’est exact. Mais ce que les étudiants veulent, c’est apprendre –- sans un obstacle posé par le capitalisme. La crise du système démasque que nos intérêts s’opposent à ceux des possédants de l’université. Nous voulons des logements et de la nourriture abordables, de l’enseignement de qualité sur le campus. Unis, les étudiants ont tout à gagner d’une lutte contre le capitalisme et l’austérité, pour une réelle démocratie étudiante.