J’ai travaillé contre mon gré dans presque toutes les usines de ma petite communauté. Je m’endormais sur les chaînes de montage après minuit, je dépassais les quotas seul et avec une équipe, je palettisais les produits à la main lorsque la machine prévue à cet effet tombait en panne. Je suis tombé malade à force d’inhaler constamment des produits chimiques et de la poussière, mon dos m’a lâché pour un salaire de misère. Et quand je regardais autour de moi, je voyais la même chose partout. Toutes les personnes que je connaissais étaient prisonnières de l’esclavage salarié, et peu importe à quel point nous travaillions dur, nos vies ne s’amélioraient guère, voire empiraient.
Les personnes âgées se tuaient à la tâche, se saignaient à blanc et manquaient d’innombrables heures avec leur famille. Tout cela au nom du capital. J’ai vu une petite frange de la population s’enrichir tandis que le reste d’entre nous, les producteurs de tout, souffrions.
Un jour, alors que je travaillais dans un laboratoire où l’air était chargé d’acrylique, de vapeurs et de poussières fines, malgré une ventilation « à la pointe de la technologie », j’ai réalisé que ce n’était qu’une question de temps avant que je ne développe une maladie pulmonaire ou pire. Mes mains me faisaient mal à force de suivre le rythme de production. J’ai commencé à réfléchir sérieusement à mon avenir, me disant que je ferais peut-être ce travail jusqu’à ma mort. Pas d’avantages sociaux, pas de retraite, pas de sécurité, juste une lente agonie jusqu’à ce que je sois remplacé par quelqu’un de plus jeune, comme tant d’autres avant moi. Mais je savais aussi ce à quoi s’attendent les capitalistes. Que les travailleurs seront trop fatigués après avoir travaillé toute la journée pour réfléchir, étudier, s’organiser. C’est vrai, mais j’ai pris cela comme un défi. J’ai commencé à étudier dès que j’en avais l’occasion. Au travail, pendant les pauses et entre deux commandes, j’ai lu Le Capital tome I de Karl Marx. Ce livre a tout changé. Il expliquait non seulement ma souffrance, mais aussi celle de tous ceux qui m’entouraient. Il montrait que le capitalisme n’est pas éternel, qu’il s’agit d’un système historique fondé sur l’exploitation et qu’il peut être surmonté comme tous les systèmes qui l’ont précédé. Il m’a fait comprendre que notre souffrance n’est ni naturelle ni méritée, mais qu’elle est le fruit d’une construction artificielle. Et il m’a aidé à comprendre que la liberté ne signifie pas échapper au travail, mais le transformer en s’organisant avec d’autres travailleurs pour construire une société où notre travail profite à tous, et pas seulement à quelques-uns. C’est ce qui a fait de moi un communiste.