Hausse de la norme sur le nickel dans l’air : La CAQ met les profits des minières avant notre santé

À la veille du temps des fêtes, alors que l’attention était tournée vers l’annonce des nouvelles mesures sanitaires concernant la COVID-19, la CAQ a annoncé en douce son intention de quintupler la concentration de nickel jugée acceptable dans l’air. Les habitants de Limoilou et d’autres quartiers avoisinant le port de Québec, où la qualité de l’air est particulièrement inquiétante, se sont mobilisés contre cette décision absurde qui ne vise qu’à plaire aux compagnies minières.

  • Hantz Vius
  • mer. 9 mars 2022
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À la veille du temps des fêtes, alors que l’attention était tournée vers l’annonce des nouvelles mesures sanitaires concernant la COVID-19, la CAQ a annoncé en douce son intention de quintupler la concentration de nickel jugée acceptable dans l’air. Les habitants de Limoilou et d’autres quartiers avoisinant le port de Québec, où la qualité de l’air est particulièrement inquiétante, se sont mobilisés contre cette décision absurde qui ne vise qu’à plaire aux compagnies minières.

Les normes

La norme sur la concentration de particules de nickel admis dans l’air a été établie au Québec en 2011 et fixée à 12 nanogrammes par mètre cube (ng/m³) en moyenne par année. En 2013, cette valeur a été changée pour 14 ng/m³ en moyenne par jour. Maintenant, sous la pression des minières et sans prendre en compte les conséquences réelles sur la vie des travailleurs, la CAQ vise à changer la norme pour cinq fois sa valeur actuelle, la portant à 70 ng/m³ admis par jour.

Depuis la révision des normes en 2013, les compagnies minières font pression sur le gouvernement pour les alléger. Une de ces entreprises, Glencore Canada, emploie 23 lobbyistes au Québec dans ce but. Leurs efforts additionnés à ceux de l’Association minière du Québec sont supposés « faire connaître les préoccupations de Glencore face à la difficulté » – lisez plutôt leur manque de volonté – à respecter les normes établies.

Cette décision pourrait avoir des conséquences graves dans les lieux aux concentrations élevées de nickel dans l’air. Selon le Directeur régional de santé publique de la Capitale-Nationale, « [l]’analyse de risque démontre que chez des personnes en bonne santé, les concentrations de nickel dans l’air pourraient favoriser le développement de problème d’allergie, d’asthme et de dermatite de contact chez une certaine partie de la population hypersensible (ayant développé une allergie) au nickel (de 10 à 20% de la population). » Et selon l’United States Environmental Protection Agency, la présence de nickel dans l’air accroît les risques de cancer du poumon, et ce dès le seuil de 2 ng/m³.

Limoilou visé

Le quartier de Limoilou, à Québec, pourrait être particulièrement affecté. Depuis 2013, la concentration de nickel dans l’air y dépasse de deux à huit fois la norme, et a même atteint 14 et 20 fois la norme à l’occasion. Alors que dans le reste du Canada la concentration de nickel se maintient généralement autour de 3 ng/m³, dans Limoilou elle s’élève en moyenne à 12 ng/m³.

Crédit : Initiative Table citoyenne Littoral Est

Et la source de la mauvaise qualité de l’air dans Limoilou n’est pas un mystère. En fait, un rapport du ministère de l’Environnement du Québec de 2013 admettait que la haute concentration en nickel et en autres métaux lourds dans ce secteur était due aux activités du Port de Québec. Les coupables sont donc connus. Malgré cela, aucune mesure réelle n’est prise pour rectifier cette situation qui met tous les habitants des quartiers avoisinant le port à risque de maladies comme le cancer. En fait, depuis l’adoption des normes en 2013, les plus de 100 dépassements n’ont fait l’objet d’aucune sanction.

Le relâchement proposé des normes affecterait donc directement la basse-ville de Québec, un secteur particulièrement pauvre et ouvrier. Déjà, les disparités socio-économiques entre la haute et la basse-ville signifient que les habitants de cette dernière vivent six ans de moins que leurs concitoyens. Encore une fois, ce sont les pauvres et les travailleurs qui paient – de leur vie – pour les décisions des plus nantis.

Quelle science la CAQ écoute-t-elle?

La CAQ prétend que cette décision est basée sur de nouvelles connaissances scientifiques à propos du risque que représente le nickel pour la santé, mais il n’en est rien. La Direction régionale de la santé publique (DRSP) de la Capitale-Nationale admet que « la justification est plutôt économique ». Le ministère de l’Environnement et le ministère de la Santé en vantent les « impacts positifs » pour les entreprises.

La décision est supposément basée sur l’avis d’experts « indépendants ». Mais l’une des principales expertes en question est la titulaire d’une chaire financée par des intérêts privés parmi lesquels figurent des compagnies minières comme Rio Tinto, Glencore Canada et Eurometaux. Difficile de qualifier de tels avis d’« indépendants ».

De plus, le rapport principal sur lequel la CAQ base sa décision recommande une limite maximale de 40 ng/m³ sur une période de 24 heures pour prévenir des problèmes de santé chez les travailleurs qui respireront l’air pollué de nickel. Pourtant la norme proposée par la CAQ établirait la limite à 70 ng/m³ par jour. En fin de compte, la CAQ n’écoute même pas sa propre science!

La seule excuse restante pour justifier cette décision bidon est que, prétendument, permettre de relâcher plus de particules de nickel dans l’air attirerait les investissements, c’est-à-dire plus d’exploiteurs. Mais selon le même rapport, il est « peu probable » que des projets soient créés en réponse à cet allègement dans les 10 prochaines années. Les seuls impacts seront donc la détérioration de la santé des travailleurs qui seront exposés à un plus fort dosage de cette substance cancérigène… et bien sûr l’enrichissement des compagnies minières, qui n’auront pas à dépenser un sou pour rendre leurs installations moins polluantes. 

Ainsi, ce n’est pas surprenant que Glencore Canada, qui entrepose son nickel au port de Québec avant de l’envoyer en Norvège ou en Ontario, soit particulièrement intéressée à augmenter la limite acceptée.

Saper les normes sur la santé et la sécurité au travail et dans les communautés pour plaire au patronat devient caractéristique du gouvernement de Legault. C’est la même chose qu’on a vu avec le projet de loi 59 qui réforme la Loi sur la santé et la sécurité du travail pour réduire les protections offertes aux travailleurs. Legault s’identifie de plus en plus, en paroles et en gestes, à Duplessis qui semble être son modèle.

Une attaque contre tous

ll est clair que la CAQ a choisi le camp des minières dans ce dossier. Malgré l’opposition de Québec solidaire à l’Assemblée nationale et des 18 directeurs régionaux de santé publique du Québec, Legault ne flanche pas. Les travailleurs ne peuvent pas compter sur ce gouvernement des patrons pour prendre des décisions respectant leur santé. C’est avec des méthodes combatives de lutte de classe que nous pouvons nous défendre contre les attaques de la CAQ. Il faut se mobiliser pour obliger les compagnies minières et autres à respecter des normes rigoureuses de qualité de l’air.

Des habitants de Limoilou ont déjà commencé à s’organiser dans cette direction, mais cette attaque concerne tout le Québec. La lutte doit être liée non seulement au mouvement ouvrier de la ville de Québec, mais aussi avec le reste de la province. Les compagnies minières et portuaires qui ne peuvent ou ne veulent pas adapter leurs installations pour les rendre sécuritaires doivent être nationalisées sous le contrôle démocratique des travailleurs. Québec solidaire ainsi que les syndicats doivent organiser cette lutte vitale.

Friedrich Engels qualifiait les situations où les travailleurs « sont nécessairement exposés à une mort prématurée et anormale » de meurtre social. Combien de travailleurs et de pauvres mourront du cancer à cause de cette décision dangereuse de Legault? Sous le capitalisme, les profits de la minorité d’exploiteurs déterminent ce qui est produit, et comment – la vie humaine est secondaire. Il faut en finir avec le capitalisme pour le remplacer par le socialisme, un système où l’économie est gérée de façon démocratique en fonction des besoins humains, et non de la logique meurtrière du profit.