Nous en sommes au cinquième jour de la grève illimitée dans les CPE affiliés à la CSN. Les travailleuses de CPE affiliées à la FTQ et à la CSQ menacent d’entrer en grève illimitée le jeudi 9 décembre. Avec l’opinion publique fermement du bord des travailleuses, il s’agit d’une excellente occasion de montrer que le gouvernement Legault peut être vaincu.  Il ne faut pas reculer!

La CAQ montre son vrai visage

La grève représente le premier bras de fer majeur entre la CAQ et les travailleurs et travailleuses depuis son arrivée au pouvoir. Cela n’a pas pris de temps avant que ce gouvernement de patrons montre son vrai visage. 

La propagande antisyndicale de la CAQ n’est même pas originale. Dans une publicité affichée dans divers médias, la CAQ affirme qu’elle offre un salaire « pouvant dépasser » 30$ l’heure aux éducatrices qualifiées, et ajoute que « malgré tout, les éducatrices sont en grève », sous-entendant qu’on a affaire à des bébés gâtés. Puis, c’est la propagande patronale habituelle : « ce sont les Québécoises et les Québécois qui paient leurs augmentations de salaire avec leurs taxes et leurs impôts ».

La publicité de la CAQ.

Les enfants gâtés du public pour qui « nous » payons les salaires : nous avons tous déjà entendu ça. 

En plus, au stade actuel, la grève ne porte même pas sur ce que la CAQ offre en salaire aux éducatrices. L’enjeu principal est plutôt le salaire des employés de soutien, pour qui le gouvernement offre un maigre 9,3% d’augmentation – ce qui serait insuffisant pour les amener au même niveau que le personnel de soutien dans le réseau de la santé. Si la CAQ se surprend que les éducatrices soient en grève en ce moment alors que le litige porte sur les employés de soutien, c’est qu’elle n’a sûrement jamais entendu parler du concept de « solidarité ».

Au sujet des salaires des employés de soutien, la CAQ montre pourquoi elle s’obstine à ne pas vouloir satisfaire les demandes syndicales.

François Legault a affirmé la semaine dernière : « Je demande aux syndicats de venir à la table, d’être raisonnables et de comprendre que les augmentations de 20% c’est pour les éducatrices, ce n’est pas pour les 550 000 employés de l’État québécois. »

De même, commentant les propos de la présidente du Conseil du Trésor Sonia Lebel, Radio-Canada explique que « selon elle, son gouvernement ne peut tout simplement pas offrir des avancées comparables au personnel de soutien des CPE sans s’exposer à des revendications salariales équivalentes des autres syndicats d’employés de soutien de la fonction publique qui vont vouloir rouvrir leur convention collective. »

Voilà donc de quoi il s’agit au fond. Si la grève dans les CPE l’emporte, cela enverrait un exemple intolérable que la CAQ peut être vaincue. D’autres secteurs du mouvement ouvrier seraient inspirés et demanderaient aussi un rehaussement de leurs salaires et conditions de travail. 

La CAQ essaie constamment de se présenter comme le défenseur de la « nation ». Mais chaque fois que les travailleurs de la « nation » réclament leur dû, on voit vraiment de quel bord le parti se trouve.

On en a eu un bon exemple quand Legault a affirmé, répondant à des questions du porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois, « Lui, ça fait son affaire, d’aller faire un grand discours à la Michel Chartrand pour dire : “C’est effrayant, on traite mal les éducatrices!” »

En l’espace de quelques semaines, Legault s’est porté à la défense de Maurice Duplessis, puis a traité GND de Michel Chartrand (le grand syndicaliste socialiste et révolutionnaire) comme si c’était une insulte. Nous voyons bien que la « défense de la nation » chez la CAQ, c’est la défense des intérêts des patrons et le mépris des travailleurs. GND a pris le commentaire de Legault comme un compliment, ce qui est à son honneur.

À mesure que la CAQ se discrédite en attaquant les travailleuses et travailleurs, une chose deviendra claire : il y a deux Québecs. Il y a le Québec des patrons : celui de Legault, des grands médias, des riches qui se soucient davantage des profits que des CPE et autres services publics. Et il y a le Québec des travailleurs : celui des enseignantes à bout de souffle, des infirmières, des travailleurs « essentiels » payés à des salaires minables, des gens qui tiennent à bout de bras les CPE et CHSLD. Les intérêts de ces deux groupes sont irréconciliables.

La lutte jusqu’au bout!

La grève des CPE a polarisé le Québec entre ceux qui appuient la CAQ, et la majorité qui se trouve derrière les travailleuses. Une victoire serait une victoire pour toute la classe ouvrière!

La pression sera immense pour que les syndicats flanchent. Mais le rapport de force est clairement de notre bord. L’ajout des affiliés de la CSQ et de la FTQ ce jeudi 9 décembre va donner encore plus de momentum au mouvement. 

Certains signes sont cependant un peu inquiétants. Très peu semble avoir été fait par les trois syndicats pour contrer la propagande caquiste dans les médias. Les mensonges de Legault devraient être répondus sur la place publique pour s’assurer que la population sache que le gouvernement ment.

De même, plutôt que de mettre l’accent sur une mobilisation du reste du mouvement syndical et des parents, les trois syndicats impliqués ont appelé à ce que François Legault intervienne directement pour régler le conflit. En plus, la déclaration demandant son intervention était signée conjointement avec des représentants des partis d’opposition, dont le Parti libéral du Québec, celui-là même qui a contribué à saigner les CPE avant que la CAQ n’arrive au pouvoir!

Nous ne croyons pas que demander l’intervention de Legault soit la voie à suivre. S’il intervient, cet ancien patron d’Air Transat et grand partisan des lois spéciales ne le fera pas pour défendre les travailleuses. 

Ce qu’il faut pour l’emporter, c’est de mobiliser la classe ouvrière plus large. Les trois grandes centrales doivent appeler leurs membres à venir sur les piquets pour démontrer leur appui aux travailleuses. Une manifestation de masse doit être organisée au plus vite pour donner à tous la chance d’envoyer le message que nous sommes derrière les travailleuses!

Il est intéressant d’observer qu’après avoir affirmé que la loi spéciale était sur la table, le gouvernement est revenu en arrière depuis quelques jours. En effet, Lebel et Legault affirment qu’une loi spéciale n’est pas sur la table chaque fois qu’on leur pose la question. Le gouvernement voit bien que la grève est populaire, et ne veut pas mettre de l’huile sur le feu. Mais ne soyons pas naïfs : ce n’est qu’une question d’apparences. La loi est sans doute déjà rédigée, et la CAQ la mettra au vote s’il le faut. Comme nous l’expliquions dans notre dernier article, le mouvement syndical dans son ensemble doit être prêt à lancer un mouvement de défiance. Dans le contexte où les CPE sont au bord du naufrage, un tel défi lancé à la CAQ sera immensément populaire. Il faut se préparer à défier la loi spéciale si nous voulons gagner!

Legault et les commentateurs de droite dans les médias disent qu’il est impossible qu’on offre aux employés de soutien la même chose qu’aux éducatrices. Mais rien n’est impossible a priori. La « possibilité » ou « l’impossibilité » d’obtenir une victoire ne peut que se vérifier dans une lutte syndicale menée jusqu’au bout. Tout le mouvement syndical doit appuyer les éducatrices et le personnel. Une victoire serait une bouffée d’air frais pour le mouvement, et contribuerait à relancer la lutte de classe au Québec. Tous derrière les travailleuses des CPE!