Nous sommes en 2019 et la situation sur Terre est catastrophique. La couche d’ozone est en train d’être détruite par le gaz carbonique des voitures, l’industrie chimique et le pouch-pouch en cacanne. Résultat, la Terre cuit sous les rayons du soleil. La situation devient urgente. Nous n’avons pas d’autre planète où déménager sept milliards de personnes. Heureusement, la jeunesse se soulève pour dégager les tatas qui sont responsables.

Le mouvement des jeunes pour le climat, qui a commencé en Suède l’automne dernier à l’initiative de l’étudiante du secondaire Greta Thunberg, s’est rapidement répandu à travers le monde. Il a initié toute une génération à la mobilisation politique, en amenant des millions de jeunes à travers le monde à participer et organiser des grèves et des manifestations. Contrairement à l’idée reçue véhiculée par la presse à grand tirage, la jeunesse est loin d’être apathique et apolitique. Plutôt, elle refuse de simplement laisser son avenir aux mains des politiciens de carrière qui ne servent qu’à appliquer les diktats des grandes entreprises.

L’ampleur de la mobilisation, à la fois sur le plan géographique et du nombre de participants, démontre l’importance qu’a aujourd’hui acquise l’enjeu environnemental. L’immense manifestation du 27 septembre, qui a réuni 500 000 personnes à Montréal, a été la culmination d’une semaine de manifestations et de grèves à travers le monde. En tout, selon les organisateurs, environ 7,6 millions de personnes réparties dans 185 pays ont participé à la mobilisation. Il s’agit du mouvement mondial le plus important depuis les manifestations contre la guerre en Irak en 2003.

La classe dirigeante et les politiciens ne peuvent maintenant plus ignorer l’enjeu de l’environnement. Devant l’urgence de la situation et l’accumulation de preuves des changements climatiques, et surtout devant l’envergure impressionnante du mouvement pour le climat, ils commencent à être forcés de prendre position. Même le Parti conservateur du Canada a été obligé d’intégrer un plan climatique dans son programme électoral!

Le caractère intenable d’une position anti-écologiste se révèle dans les propos ridicules des chroniqueurs et politiciens de droite concernant le mouvement pour le climat. Dans les semaines ayant précédé la manifestation, Maxime Bernier, Sophie Durocher, Mario Dumont et consorts se sont lancés dans un déferlement d’attaques pathétiques et puériles contre la porte-parole du mouvement, Greta Thunberg : elle a des troubles de santé mentale, elle est « hystérique », elle est manipulée par ses parents, elle n’est pas une scientifique, elle devrait retourner à l’école, elle a pris tel ou tel moyen de transport polluant, etc. Ne pouvant plus nier les changements climatiques et la nécessité d’agir, ils sont à court d’arguments et impuissants devant un mouvement qui les dépasse, et s’en prennent à la messagère. Les vociférations de ces réactionnaires ne sont en fait rien de plus que les cris d’agonie des représentants les plus arriérés d’un système qui se meurt.

Mais l’aile la plus clairvoyante de la bourgeoisie comprend qu’il devient intenable de continuer à nier les changements climatiques, et qu’elle doit adopter un discours « vert » si elle souhaite maintenir ses appuis. Le Parti libéral du Canada en constitue le plus clair représentant. Ainsi, par pur opportunisme, les libéraux de Justin Trudeau se drapent dans le discours écologiste, alors même qu’ils déboursent des milliards de dollars des contribuables pour la construction d’un oléoduc. C’est dans cet esprit que le parti a recruté l’écologiste Steven Guilbeault, fondateur d’Équiterre, comme candidat. Justin Trudeau a même participé à la manifestation du 27 septembre à Montréal. S’il est capable de se mettre un « blackface », il faut croire qu’il est capable de se couvrir de vert également!

Mais les méthodes de lutte contre les changements climatiques proposées par la bourgeoisie sont au mieux insuffisantes, et au pire activement nuisibles. Elle aimerait bien que les efforts pour l’environnement soient redirigés vers les solutions individuelles, qui placent le fardeau sur les travailleurs (« lavez-vous moins, prenez moins l’avion, mangez moins de viande et nettoyez les parcs bénévolement, bande de pauvres! »). Mieux, elle adorerait pouvoir se remplir les poches en passant (« si vous n’achetez pas mes voitures électriques, vous êtes le problème! »). Et elle refuse catégoriquement de payer un seul sou pour régler la situation, raison pour laquelle elle privilégie les solutions comme les taxes sur l’essence ou la taxe sur le carbone, qui finissent toujours par retomber plus lourdement sur les travailleurs que sur les entreprises.

De même, l’attitude généralement positive des grands journaux et des leaders mondiaux envers Greta Thunberg en disent long sur leurs intentions. Traditionnellement, voyant la montée en popularité d’une jeune figure comme elle, la bourgeoisie libérale s’empresse de la prendre sous son aile, de l’acheter et de la rediriger vers des canaux sûrs, comme c’est arrivé avec Malala Yousafzai. Cette jeune Pakistanaise, militante pour l’éducation des jeunes filles aux sympathies socialistes, a fini par être récupérée par le circuit de l’ONU et de l’industrie des ONG. Elle a rencontré les Obama à la Maison-Blanche, obtenu le prix Nobel de la paix et étudie maintenant dans une grande université britannique, le contenu plus radical de son discours écarté. C’est certainement avec le même plan en tête que plusieurs institutions politiques importantes comme l’ONU et le Congrès américain ont invité Greta Thunberg à faire une allocution, ou que Justin Trudeau a rencontré Thunberg avant la marche du 27 septembre.

Heureusement, son discours dénonciateur reste inchangé pour le moment. Cela a mené à des scènes étranges, comme celle où les dirigeants mondiaux réunis pour écouter son allocution à l’ONU applaudissent poliment après que Thunberg les a violemment sermonnés.

Mais le mouvement garde toujours une ambiguïté qui en fait sa faiblesse. Malgré les appels à « changer le système » et les dénonciations virulentes de la classe politique au grand complet, on s’en tient à inviter ces mêmes politiciens à « en faire plus ». Ainsi, malgré la consonance radicale de beaucoup des propos tenus dans le mouvement, il demeure en grande partie inoffensif pour la classe dirigeante. Comme il n’a pas de programme clair et ne pointe pas du doigt directement les coupables, c’est-à-dire les capitalistes et leurs représentants, il est facile pour eux de récupérer le mouvement. Justin Trudeau peut alors s’inviter aux manifestations, et Andrew Scheer peut prétendre qu’il trouve les manifestants « inspirants »!

Le mouvement LGBTQ est un clair exemple de ce phénomène de récupération, avec la parade de la Fierté qui s’est transformée en une grande occasion de promotion pour les banques et les politiciens et une opération de relations publiques pour la police. Tant que la lutte contre les changements climatiques n’adoptera pas un discours révolutionnaire et socialiste clair, qui dénonce les grandes entreprises, les banques, les milliardaires et les politiciens à leur service comme les responsables de la destruction de l’environnement, tout le monde pourra sauter dans le train, au risque de le faire dérailler.

Le temps presse, et les tatas au pouvoir ont amplement démontré qu’ils ne vont jamais faire les efforts nécessaires pour régler la crise climatique. À l’inverse, les jeunes nous montrent le chemin. Avec les grèves scolaires pour le climat, les jeunes ont sorti la lutte contre les changements climatiques du cul-de-sac des petits gestes individuels et l’ont orientée vers un mouvement politique fondé sur l’action collective. Toute une génération a intégré l’idée que la lutte politique doit passer par des actions de masse comme les manifestations, les grèves, les occupations. Et comme les changements climatiques se déroulent à une échelle mondiale, les jeunes ont déjà compris la nécessité de mener la lutte à l’échelle internationale. Il ne leur reste qu’à s’approprier les idées socialistes, et rien ne pourra les arrêter. Sans le savoir, ils ont déjà planté les graines de la révolution mondiale.