À la fin du mois de mai, l’avocat Breen Ouellette, de la Colombie-Britannique, a soulevé des allégations selon lesquelles des travailleurs sociaux auraient obligé des jeunes filles autochtones à recevoir un stérilet. Selon M. Ouellette, des enfants de moins de 10 ans ont non seulement été forcées à subir cette procédure, mais n’ont même pas bénéficié d’un suivi médical. Cette pratique viole non seulement les lois de la Colombie-Britannique et du Canada, mais aussi de nombreux codes internationaux relatifs aux droits de la personne.

Aussi choquantes que soient ces allégations, elles sont loin d’être des cas isolés. La contraception et la stérilisation forcée ou sous la contrainte sont des problèmes répandus chez les femmes autochtones du Canada depuis des décennies. En fait, une section entière du rapport final de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) est consacrée aux stérilisations forcées. 

Tout au long du 20e siècle, les gouvernements, tant provinciaux que fédéraux, ont mené une politique active d’eugénisme. Le gouvernement fédéral a administré des contraceptifs expérimentaux à des femmes autochtones avant qu’ils ne soient approuvés pour un usage général. L’Alberta et la Colombie-Britannique ont adopté des lois telles que la Sexual Sterilization Act (nom commun des lois adoptées par ces provinces en 1928 et 1933, respectivement), qui permettaient au gouvernement de stériliser les personnes jugées « mentalement déficientes » ou inaptes à élever des enfants. Bien que ces lois ne visaient pas explicitement les Autochtones, les femmes inuites, métisses et des Premières nations étaient toutes visées de manière disproportionnée. Rien qu’entre 1966 et 1970, plus de 1 000 femmes autochtones ont été stérilisées par des médecins du gouvernement. Entre 1971 et 1974, les hôpitaux fédéraux de l’Ontario, des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon, du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta ont stérilisé 580 femmes, dont 95% étaient autochtones. Ces taux étaient particulièrement élevés dans les collectivités du Nord. En 1976, entre 25 et 30% des femmes autochtones âgées de 30 à 50 ans ont été stérilisées dans certaines régions de l’actuel Nunavut. Dans la collectivité inuite de Naujaat, près de 50% des femmes de cette tranche d’âge ont été stérilisées.

Ces lois ont finalement été abrogées dans les années 1970. Cependant, le problème ne s’est pas éteint pour autant. Si le gouvernement n’encourage plus ouvertement ces pratiques, elles n’ont jamais cessé et les allégations persistent encore aujourd’hui. 

Un recours collectif intenté en Saskatchewan, alléguant des cas de stérilisation forcée ou sous la contrainte aussi récents qu’en 2018, a été signé par 100 femmes (principalement autochtones). Le document énumère une longue liste de cas où des femmes ont subi une ligature des trompes sans consentement libre et éclairé. Dans certains cas, des femmes autochtones ont été poussées à signer des formulaires de consentement alors qu’elles étaient allongées sur une table d’opération ou en plein milieu de leur accouchement. Dans d’autres cas, le personnel de santé a refusé aux femmes autochtones de les laisser partir, voire de revoir leur nouveau-né, tant qu’elles n’auraient pas accepté de se faire stériliser. D’autres encore ont été physiquement forcées par des médecins de se faire opérer alors qu’elles suppliaient de ne pas le faire. 

Le premier ministre Justin Trudeau, fidèle à son habitude, a reconnu ces cas, mais n’a rien fait pour y remédier. Le gouvernement fédéral n’a présenté aucun plan concret pour empêcher de futures stérilisations, indemniser les victimes ou même entamer une enquête exhaustive sur l’ampleur de la crise. Il a carrément refusé de rendre la stérilisation forcée explicitement illégale! Les libéraux n’ont rien d’autre à offrir aux Autochtones que des paroles vides.

Les mesures gouvernementales telles que l’Enquête nationale sur les FFADA – aussi bien intentionnés que soient nombre de ses participants – n’ont été qu’un moyen pour le gouvernement canadien de se sauver la face à la lumière de son rôle dans la violence contre les femmes autochtones. M. Ouellette a lui-même démissionné de l’enquête en 2018 (il était alors le 24e représentant officiel à le faire), invoquant à la fois l’ingérence du gouvernement fédéral et le fait qu’il n’avait pas assez d‘argent, de temps ou de pouvoir pour faire son travail. Il a déclaré à l’époque : « Je ne peux pas continuer à participer à un processus qui se précipite vers l’échec. »

Étant donné son manque de volonté manifeste de trouver une solution, on ne peut pas faire confiance au gouvernement canadien. L’État qui a commencé cette violence contre les femmes autochtones ne sera pas celui qui y mettra fin, puisque son intérêt à écarter les Autochtones comme obstacle à l’exploitation de la terre reste le même. Les pratiques génocidaires du gouvernement canadien n’ont pas cessé, elles ont simplement changé de forme. Le traitement barbare des femmes autochtones est l’une des expressions les plus claires de ce fait. La seule façon de mettre véritablement fin au racisme est d’abolir le système actuel qui l’encourage. La réconciliation est impossible sous un gouvernement qui continue de traiter les Autochtones comme des animaux. La seule façon d’avancer est de renverser le capitalisme dans son ensemble.