La presque totalité des groupes politiques de gauche, et du marxisme, et les presses nationales, n’ont cessé d’analyser la situation politique égyptienne comme ayant résulté dans un coup d’État militaire ayant forcé la démission du président Morsi.  Ces groupes propagent une analyse bornée, incapable de saisir les mouvements socio-historiques réels ayant mené à ces événements.  La démission de Morsi n’est pas un événement incombant à l’initiative des hautes sphères politico-militaires égyptiennes, mais le résultat d’un processus populaire, d’une gronde bouillante ayant mobilisé des millions et des millions de travailleurs-euses.  Il ne fait aucun doute que cette énorme frange militante de la population a prit conscience de son pouvoir politique, du pouvoir du peuple, dans le déroulement de l’histoire de leur pays.  Nous assistons présentement à une importante vague révolutionnaire, dont le prélude a été la révolution ayant destitué le président Mubarak.

Mais la présente révolution égyptienne ne tient pas qu’aux événements des deux dernières années; elle constitue le résultat d’un long processus socio-historique ayant mené à la cristallisation des oppositions des classes sociales en Égypte.  Depuis des décennies, les conditions de vie des travailleurs-euses ne cessent d’être réduites, les programmes sociaux se font progressivement démanteler, le pouvoir politique et l’immense majorité des capitaux se sont concentrés dans les mains d’une poignée de dirigeants, patrons, propriétaires, financiers et politiciens.

Lorsque l’on regarde la situation égyptienne comme le résultat d’une dynamique d’opposition se polarisant vers deux grandes classes sociales aux intérêts inconciliables, il ne fait aucun doute que nous assistons actuellement à une vague révolutionnaire portant les classes dominées dans une lutte contre la classe dirigeante.  L’issue de cette lutte n’est pourtant pas donnée d’avance.  Par ailleurs, l’analyse que la Tendance marxiste internationale a proposée suite à la destitution de Mubarak a prédit que la mise au pouvoir des Frères musulmans ne constituerait aucunement une résolution permanente à la crise égyptienne.  Cette prédiction, qui s’avère désormais confirmée, s’appuie sur une analyse historique des conditions de classes et de leurs luttes.

En 2011, la mise au pouvoir du président Morsi, du parti des Frères musulmans, s’est avérée comme l’unique solution à une possible réminiscence du régime Mubarak.  En effet, au deuxième tour des élections présidentielles, les Frères musulmans représentaient la seule alternative contre le représentant du régime Mubarak, Ahmed Shafiq.  Si les Frères musulmans avaient affiché leur sympathie pour la révolution égyptienne, ils ont pourtant bien caché leur agenda politique, lequel mettait de l’avant conservatisme social et politique économique néolibérale.  Comme de fait, la mise au pouvoir de Morsi a conduit les Frères musulmans à conclure des ententes politico-économiques avec les grands financiers et compagnies privées égyptiennes et multinationales.

Cette trahison des Frères musulmans, et le mot n’est pas fort, pouvait facilement est prédite, avant même le début de leur mandat.  Le contexte économique égyptien impose des contraintes puissantes sur les gouvernements.  Même un agenda de gauche ne pourrait faire le poids contre les impératifs et les contraintes des financiers et patrons.  Les gouvernements n’ont pas le choix d’implanter des mesures d’austérité, de couper dans les programmes sociaux,  de laisser se détériorer les conditions de vie des travailleurs, au risque d’amener le pays dans une crise économique aggravée.  Mais comme les travailleurs ne se laissent pas impunément contraindre à l’infini, l’austérité capitaliste ne peut que mener à une crise sociale.  La crise sociale révolutionnaire actuelle en est la démonstration évidente.

Il faut dès lors comprendre que les mesures d’austérité gouvernementale, et la crise révolutionnaire qui en suivit, trouvent leur source dans les fondements mêmes du capitalisme.  L’analyse marxiste permet de saisir que le capitalisme, en tant que système économique fondé sur la propriété privée des moyens sociaux de production, ne peut mener qu’à une opposition entre ceux qui possèdent (et dirigent) et ceux qui ne possèdent pas.  Les États des régimes capitalistes, comme l’État égyptien, doivent assurer la perpétuation du droit à cette propriété privée, et ce pour les classes possédantes.  Ainsi, il est tout à fait normal dans ces conditions que le gouvernement Morsi ait dû favoriser les intérêts bourgeois au détriment de l’immense majorité des travailleurs-euses.  La crise révolutionnaire égyptienne n’est que le contrecoup populaire porté contre les agents politiques du capitalisme.

La prise du pouvoir par l’Armée ne constitue que la réaction impromptue d’une partie de la classe dirigeante contre la montée menaçante du pouvoir du peuple égyptien.  Le peuple égyptien possède incontestablement le pouvoir, mais tant qu’il ne le saura pas, il continuera à élire de nouveaux gouvernements dans les balises du système capitaliste.  Le peuple égyptien ne peut sortir véritablement de la crise que s’il s’empare du pouvoir politique et économique.  Il faut que la démocratie radicale du peuple égyptien prenne le pas sur la démocratie parlementaire de la minorité dirigeante.  Il faut que cette vraie démocratie se dote d’organes politiques de lutte, de conseils de travailleurs, de comités de défense de la lutte, et d’un programme révolutionnaire.

Mais pour que cette idée révolutionnaire s’empare de la conscience de la majorité du peuple, il faut que cette idée soit propulsée de façon organisée, par des militants actifs et conscients de la nécessité du renversement du capitalisme.  Ce leadership et cette organisation doivent être construits.  Sans eux, le mouvement révolutionnaire pourrait fort bien s’essouffler.  Il n’y a donc pas de temps à perdre.

La discussion que nous avons eu à Montréal a permit de faire ressortir l’interdépendance de la situation égyptienne avec les vagues de révoltes au Brésil, en Turquie, en Grèce, etc.  Durant les dernières semaines, d’immenses révoltes ont éclaté partout sur le globe.  Le contexte révolutionnaire ou pré-révolutionnaire n’est pas encloîtré dans les frontières égyptiennes, il s’étend à l’échelle mondiale.  L’analyse marxiste nous permet de comprendre ces différents événements, apparemment isolés, comme la conséquence d’un capitalisme mondialisé.

Les économies nationales sont toutes interconnectées.  La crise économique mondiale de la dette entamée en 2008 persiste, sans résolution.  Cette crise prend ses sources dans les fondements mêmes du capitalisme.  Il faut que les travailleurs, de partout sur le globe, prennent conscience de la nécessité de s’unir pour renverser le pouvoir de la classe dirigeante et renverser le capitalisme.  Il faut que soit mit de l’avant, en Égypte et partout ailleurs, un programme socialiste visant la nationalisation de l’économie et sa mise sous contrôle démocratique des travailleurs-euses.  Cette alternative est l’unique solution viable et permanente à la crise actuelle du capitalisme mondial.

La lutte en Égypte n’est donc pas isolée des luttes au Québec.  Les mesures d’austérité du gouvernement Charest ayant mené à la grève étudiante de 2012 contre la hausse des frais de scolarité n’est que l’expression particulière de la crise mondiale du capitalisme.  Nos luttes ici font directement écho à la seconde révolution égyptienne.  Si le capitalisme est mondial, la révolution socialiste ne peut que l’être tout autant.  Il faut garder les yeux ouverts sur l’Égypte, apprendre des luttes là-bas et ailleurs, pour bien nous préparer aux prochaines luttes qui éclateront au Québec et au Canada.  Il faut construire l’organisation des idées révolutionnaires, ici et maintenant, au Québec et au Canada.

Joignez-vous à la lutte !

En support à la révolution égyptienne !

Pour un socialisme international !