Trois semaines après la tournée d’excuses du pape au Canada, une action collective mentionnant 101 victimes d’agressions sexuelles a été déposée contre 88 prêtres ou membres du personnel du diocèse. Une plaignante en particulier, F., accuse le Cardinal Ouellet d’agressions sexuelles répétées. Cela vient détruire la prétention de l’Église selon laquelle les agressions ne sont le fait que de quelques « pommes pourries ».

Suite à ces révélations, l’Église a réagi par un bref communiqué du pape affirmant qu’il n’y aurait pas d’enquête. En 2021, suite à une première lettre de la victime, le pape avait nommé le père Jacques Servais, qui connaissait bien le Cardinal Ouellet et avait déjà travaillé étroitement avec lui, pour enquêter sur l’agression. Il avait fini par conclure qu’« il n’y a aucun motif fondé pour ouvrir une enquête pour agression sexuelle de la personne F. de la part du Card. M. Ouellet » et que « ni dans le rapport écrit et envoyé au Saint-Père, ni dans le témoignage via Zoom que j’ai recueilli par la suite en présence d’un membre du Comité diocésain ad hoc, cette personne n’a porté une accusation qui fournirait matière à une telle enquête ». Pourtant la victime avait décrit en grands détails les attouchements inappropriés qu’elle avait subis!

Rien de nouveau sous le soleil

Ce refus du Vatican d’enquêter et de rendre justice aux victimes n’est pas nouveau. On ne compte plus les scandales liés à la pédophilie et aux abus sexuels au sein de l’Église catholique. Depuis des décennies, les victimes ont commencé à rompre le silence sur les horreurs qu’elles ont subies aux mains des prétendus représentants de Dieu sur terre, dans une trentaine de pays. En Irlande seulement, depuis 2002, plus de 14 500 personnes se sont déclarées victimes d’abus sexuels commis par des prêtres. L’Archevêché de Montréal a reçu depuis 2021 pas moins de 58 plaintes d’abus, dont 33 sont des abus sexuels. 

À ces horreurs s’est ajoutée l’année dernière la découverte de fosses communes sur les sites d’anciens pensionnats autochtones, dont 70% étaient directement administrés par l’Église catholique. Cette révélation a offert une preuve irréfutable de l’ampleur des abus et de la violence perpétrés par le clergé sur les enfants autochtones au Canada, et forcé le pape à venir au Canada cet été pour présenter ses excuses.

Le Vatican continue à prétendre que tout cela n’est que le fait de quelques éléments isolés. Lorsqu’il a présenté ses excuses aux Autochtones en juillet dernier, le pape a affirmé que « l’Église, au Canada, a commencé un nouveau parcours après avoir été blessée et choquée par le mal perpétré par certains de ses enfants » (nous soulignons).

Or, le cas Ouellet montre bien que le problème n’est pas le fait de « certains » de ses membres, mais remonte jusqu’aux plus hauts échelons de l’institution. Le cardinal est très haut placé dans le clergé : il conseille le pape sur les nominations épiscopales et il a déjà même déjà été considéré comme un des favoris lors du conclave (la nomination du pape) en 2013. Il n’y a rien de surprenant à ce que l’Église cherche à taire l’affaire et refuse toute enquête sérieuse. C’est la même attitude adoptée face au reste des dénonciations à travers le monde. 

Et c’est la même attitude adoptée face aux victimes autochtones. Les larmes de crocodile du pape François lors de sa tournée d’excuses n’ont rien apporté de concret aux populations autochtones. Les survivants des pensionnats attendent toujours 21 des 25 millions de dollars promis par l’Église en 2005. En ce qui a trait aux agressions sexuelles, la justice papale ne vaut pas mieux que la justice bourgeoise.

L’Église et le capitalisme : même combat

La violence sexuelle coule de source dans une institution aussi profondément misogyne et patriarcale. Le pape François a beau maintenant tenter de présenter une image « moderne », plus accueillante pour les personnes LGBTQ+ et les femmes, l’Église enseigne depuis près de deux millénaires que les femmes et les enfants sont les serviteurs de l’homme.

Après des décennies de scandales, cependant, les dorures du Vatican se ternissent et les fondations de l’édifice se fissurent. Les jeunes se détournent de plus en plus de cette institution pourrie. Le déclin de l’Église catholique correspond au déclin du capitalisme, dont elle a historiquement été l’un des piliers. 

Bien qu’elle soit née bien avant le capitalisme, l’Église s’y est parfaitement adaptée. Extrêmement riche, possédant sa propre banque ainsi qu’une véritable fortune immobilière, le Vatican a tout intérêt au maintien du statu quo capitaliste. De plus, les valeurs conservatrices du clergé s’accordent parfaitement avec l’éthique capitaliste. Comme expliquait Lénine : « À ceux qui peinent toute leur vie dans la misère, la religion enseigne la patience et la résignation ici-bas, en les berçant de l’espoir d’une récompense céleste. » Les capitalistes, dépendants d’un afflux constant de main-d’œuvre bon marché, ont trouvé des alliés chez les curés, qui demandent aux femmes de faire des enfants à répétition.
Tant que nous serons sous le capitalisme, sous une société de classe avec des institutions comme le clergé formées de parasites en tout genre qui s’enrichissent sur le dos des opprimés et se protègent entre eux, il n’y aura pas de justice pour les victimes d’agressions sexuelles. Pour véritablement lutter contre la violence et rendre justice aux victimes, nous devons renverser le capitalisme, et l’Église qui lui donne sa bénédiction. C’est la seule façon de protéger une fois pour toutes les femmes et les opprimés des Cardinal Ouellet de ce monde.