Le combat pour sauver Postes Canada est un combat contre le capitalisme

Les problèmes de Postes Canada sont un problème du système capitaliste. À moins de mettre en place une solution socialiste qui consiste à retirer la propriété de ces entreprises privées de livraison des mains des capitalistes, Postes Canada doit leur faire concurrence.

  • Joel Bergman
  • ven. 30 mai 2025
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Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) est engagé dans une lutte à mort avec la direction de Postes Canada.

À chaque période de négociation, la direction fait pression pour couper les avantages sociaux, le temps de travail, les retraites, etc. L’année dernière, le conflit a atteint de nouveaux sommets. Face à l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations depuis plus d’un an, les postiers ont fait grève pendant 32 jours à l’automne dernier. Il s’agit de la plus longue grève postale depuis 1981. Mais la direction a refusé de bouger et la grève n’a pris fin que lorsque le ministre du Travail a ordonné aux travailleurs de reprendre le travail.

Cette ordonnance de retour au travail a retiré aux travailleurs leur droit de grève pendant une période de cinq mois au cours de laquelle une commission spéciale d’enquête sur les relations de travail, dirigée par William Kaplan, a été créée pour examiner la situation de la poste et proposer de prétendues « solutions ».

La commission d’enquête sur les relations de travail

Le rapport de Kaplan, publié le 15 mai, affirme que « le contexte opérationnel a foncièrement changé » avec un déclin du courrier et une concurrence accrue de la part des entreprises privées, en particulier d’Amazon.

Le résultat de cette situation est que Postes Canada a enregistré des déficits chaque année depuis 2017, le plus important étant de 841 millions de dollars l’année dernière. L’insolvabilité n’a été évitée qu’en janvier de cette année, grâce à un prêt d’un milliard de dollars accordé par le gouvernement à Postes Canada.

Selon Kaplan, le problème auquel est confrontée Postes Canada est que ses concurrents ont des « coûts de main-d’œuvre moins élevés » et « n’ont pas de conventions collectives limitant l’exercice des droits de gestion ».

On touche là au cœur du problème.

Le capital trouve toujours un moyen de maximiser ses profits, en réduisant les coûts afin d’offrir les mêmes services pour moins cher. Cela prend la forme d’investissements dans des machines et des pratiques permettant d’économiser de la main-d’œuvre ou d’une intensification du travail. En investissant dans de nouvelles méthodes – en utilisant l’IA par exemple – Amazon peut faire plus avec moins de travailleurs. Et en l’absence de syndicat, l’entreprise utilise des méthodes permettant d’intensifier le processus de travail, en tirant davantage de travail de sa main-d’œuvre. Il est ainsi arrivé que des travailleurs soient contraints d’uriner dans des bouteilles parce qu’ils n’avaient pas le droit d’aller aux toilettes.

Postes Canada ne peut pas rivaliser avec cela sans écraser le syndicat, licencier des milliers de personnes et condamner les travailleurs restants à des salaires de misère, avec des avantages sociaux massivement réduits, des retraites amputées et des horaires brutalement soumis aux besoins du marché.

Comme Kaplan l’explique : « Sans ajustements immédiats lui permettant de se concentrer de manière abordable et efficace sur la livraison de colis sept jours sur sept, sa part de marché et ses pertes continueront d’augmenter et elle ne retrouvera pas sa viabilité financière à court, moyen ou long terme. »

Pour ce faire, Kaplan suggère d’utiliser des travailleurs à temps partiel et d’adopter des horaires dynamiques de type Amazon avec des heures instables. Il plaide en faveur de « transformations en profondeur, éventuellement en modifiant les régimes de pension et de retraite. »

Le rapport de Kaplan est une acceptation sobre des pressions du marché capitaliste. Les suggestions sont brutales, certes, mais le capitalisme est brutal, surtout dans sa période de déclin. Alors que le système se dégrade, le capital cherche à extraire des profits par tous les pores de notre société et les services publics sont tous pris pour cible.

Nous l’avons vu avec la privatisation rampante du système de santé et la privatisation d’Hydro One en Ontario. Déjà, Postes Canada a été contrainte de vendre ses divisions logistique et informatique en 2024 pour aider à payer ses dettes. Lentement mais sûrement, le capital démantèle les services publics. Alors que Kaplan prétend vouloir maintenir Postes Canada en tant que service public, la conclusion logique de ce processus est la privatisation de Postes Canada.

La position de la direction syndicale

À juste titre, le STTP se concentre sur la protection des conditions de travail de ses membres et résiste aux attaques.

Mais cela ne peut se faire en vase clos. S’il est vrai qu’il y a une mauvaise gestion à Postes Canada, les problèmes financiers n’ont pas été inventés. La réalité est que sur le marché capitaliste, Postes Canada est perdante et que cela ne peut pas durer éternellement.

En réponse à ce problème, la direction nationale du STTP soutient que Postes Canada ne devrait pas avoir à « rivaliser avec les entreprises de messagerie existantes et nouvelles, avec leurs emplois à la demande et leurs salaires et conditions de travail inférieurs aux normes ».

Mais c’est là le nœud du problème. Nous vivons sous le capitalisme. Les problèmes de Postes Canada sont un problème du système capitaliste. À moins de mettre en place une solution socialiste qui consiste à retirer la propriété de ces entreprises privées de livraison des mains des capitalistes, Postes Canada doit leur faire concurrence.

Pour tenter de surmonter ce problème, les dirigeants du STTP ont proposé que Postes Canada mette en place une « banque postale », que les postiers effectuent des visites de routine auprès des personnes âgées et que des marchés artisanaux et des centres communautaires s’installent dans les bureaux de poste.

Mais ces suggestions ne sont qu’un aveu du fait que Postes Canada n’est pas concurrentielle en tant que service de livraison. Suggérer de transformer le bureau de poste en banque ou en marché artisanal ne rendra pas l’activité centrale plus rentable. Par conséquent, dans le cadre du capitalisme, ces propositions ne sont qu’une tentative d’éviter le problème central et se révèlent utopiques.

La solution socialiste

Les tentatives de la direction, appuyées par le rapport Kaplan, pour « amazonifier » les conditions de travail à Postes Canada ne représentent que l’un des aspects de l’assaut capitaliste général.

Ironiquement, Purolator, bien qu’étant une société privée, appartient à Postes Canada! À un moment donné, Postes Canada a également détenu la majorité des actions d’Intelcom, la principale entreprise de livraison utilisée par Amazon. Cela signifie que les gestionnaires de Postes Canada ont travaillé à la destruction de Postes Canada.

En ce qui concerne l’autre principale concurrence à laquelle Postes Canada est confrontée, les grandes sociétés d’investissement américaines telles que Blackrock et Vanguard sont les principaux actionnaires de FedEx, DHL et UPS. Cela signifie que le capital financier américain sape directement les services publics au Canada. Et lorsque les travailleurs ont tenté de lutter contre cette situation, le gouvernement canadien s’en est systématiquement pris à eux! Autant pour l’« équipe Canada »!

C’est la logique irrationnelle du système capitaliste.

Alors que les dirigeants du STTP affirment qu’ils « ne devraient pas avoir à rivaliser » avec Amazon, la seule façon d’y parvenir serait de développer une stratégie qui aille au-delà du système capitaliste.

La majorité des travailleurs d’UPS et de Purolator sont syndiqués, de même qu’une partie des travailleurs de FedEx et de DHL. Au lieu de laisser les capitalistes monter les travailleurs de chaque entreprise les uns contre les autres, les syndicats devraient former un front commun et exiger des salaires, des avantages sociaux et des retraites de qualité pour tous. Ce front commun pourrait lutter pour la syndicalisation de tous les livreurs. Il va sans dire qu’Intelcom et tout autre service de livraison à bas prix non syndiqué devraient être immédiatement syndiqués. Au lieu d’un nivellement par le bas des salaires et des conditions de travail, nous avons besoin de salaires élevés garantis, de retraites et d’avantages sociaux de qualité, ainsi que d’horaires stables.

Si l’une de ces entreprises tente de fermer ses portes en réponse à une campagne syndicale, comme l’a fait Amazon avec son réseau de distribution au Québec, le mouvement syndical doit exiger qu’elle soit nationalisée. Les travailleurs seraient bien mieux servis si toutes ces entreprises passaient sous le contrôle de l’État.

Au lieu de ce nivellement par le bas, nous avons besoin d’un service postal efficace, planifié de manière rationnelle et appartenant à l’État, qui englobe toutes les livraisons de lettres et de colis. C’est la seule façon de briser la logique capitaliste qui détruit Postes Canada et les emplois syndiqués.

Mais comme le démontre Postes Canada, le fait d’avoir une entreprise publique ne résout pas tous nos problèmes comme par magie. Les bureaucrates non élus qui gèrent les services publics comme des entreprises privées ont manifestement failli à leur tâche. Les postiers savent mieux que quiconque comment fonctionne la poste et Postes Canada devrait être gérée de façon démocratique sous leur contrôle. De cette façon, les travailleurs pourraient élire les gestionnaires et les garder responsables afin de s’assurer que les conditions de travail sont protégées et que le service postal fonctionne de la manière la plus efficace possible. 

Cela nous amène à la question de la flexibilité du travail et du travail le week-end. Les postiers craignent à juste titre que la livraison le week-end n’ouvre la porte à des attaques accrues contre leurs conditions de travail, rendant la vie familiale encore plus difficile. Mais avec le contrôle ouvrier sur les horaires, les horaires de week-end pourraient être mis en place de manière équitable pour satisfaire la demande des consommateurs pour une livraison le lendemain tout en respectant les besoins des travailleurs. Cette discussion ne peut avoir lieu que si l’on s’assure que le capital n’a pas son mot à dire sur la gestion de la poste. 

En dernière analyse, la poste est un service public qui accroît l’efficacité et la productivité de l’économie dans son ensemble. Elle n’a donc pas besoin de fonctionner comme une entreprise rentable. En outre, les déficits de Postes Canada ne sont qu’une goutte d’eau par rapport aux cadeaux de dizaines de milliards de dollars que reçoivent les entreprises canadiennes chaque année.

Le STTP et le mouvement syndical dans son ensemble ont grand besoin d’une vision socialiste plus large qui nous permette de proposer une solution de rechange à la folie du marché capitaliste.

C’est précisément ce que les communistes du STTP défendent au sein du syndicat et dans le mouvement syndical en général. Rejoignez-nous pour nous aider à transformer notre syndicat en un syndicat qui ne se contente pas de lutter pour ses membres, mais qui se bat pour une nouvelle société – où nos emplois seront garantis et où les richesses de la société seront gérées démocratiquement pour répondre aux besoins de la population.