Le PQ a-t-il vraiment un « préjugé favorable » envers les travailleurs?

Derrière sa prétention à avoir un « préjugé favorable envers les travailleurs », le PQ se range systématiquement du côté du patronat lorsqu’il s’agit de briser des grèves ou d’appuyer des mesures antisyndicales. Cette hostilité envers le mouvement ouvrier traverse toute l’histoire du parti. Seule une indépendance totale vis-à-vis des partis capitalistes permettrait à la classe ouvrière de se défendre efficacement contre l’austérité et les attaques à venir.
  • Hélène Bissonnette
  • mar. 9 déc. 2025
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Image : Parti Québécois / X

En fin de règne et plus impopulaire que jamais, la CAQ n’a plus rien à perdre et est à l’offensive contre les travailleurs. En plus des coupes en santé et en éducation, elle s’en prend directement aux syndicats avec la loi 14, permettant au gouvernement de grandement limiter le droit de grève, et le projet de loi 3, qui vise à s’ingérer dans le fonctionnement et les finances des syndicats. 

Bien qu’elle mène la charge, la CAQ n’est toutefois pas seule à attaquer. Sans surprise, le Parti libéral du Québec, largement réputé comme parti du patronat, soutient l’offensive. Même chose pour le Parti conservateur d’Éric Duhaime, volubile sur sa haine des syndicats. Ce qui pourrait en surprendre certains, toutefois, c’est l’attitude du Parti québécois ces dernières semaines à l’égard du mouvement ouvrier. 

Le PQ, en tête des sondages, se vantait plus tôt cette année de toujours garder « un préjugé favorable envers les travailleurs », référant à la fameuse phrase de René Lévesque. 

Mais ces paroles sonnent creux à la lumière des grèves récentes à la STM. Affirmant que « la prise d’otage » avait assez duré, Paul St-Pierre Plamondon s’était dit prêt à travailler avec tous les partis pour faire adopter la loi 14 en accéléré et ainsi briser la grève le plus rapidement possible. Magali Picard, présidente de la FTQ, parlait récemment du fait que ses membres voulaient « arracher la tête » à PSPP pour ses propos.

Récemment, le parti a aussi dénoncé cette dernière, elle qui a « osé » ne pas serrer la main au ministre du Travail Jean Boulet lors d’une commission parlementaire. Le 25 novembre, le PQ a présenté conjointement avec la CAQ une motion à cet effet. PSPP a ensuite dit, en point de presse : « Je constate que dans les derniers jours, la FTQ a utilisé des mots comme “paralyser le Québec”, “grève sociale”, “guerre”, “quasiment une dictature d’extrême droite”, et j’en passe. Et on n’est pas d’accord avec cette approche-là. » PSPP a même boycotté le congrès de la FTQ où il était invité!

Le chat sort du sac. Le parti a « un préjugé favorable envers les travailleurs »… tant et aussi longtemps que ceux-ci ne se battent pas trop fort pour leurs intérêts. 

C’est un aperçu de ce qui attend la classe ouvrière avec un gouvernement péquiste : un parti qui s’affirme en faveur des travailleurs, mais prend le côté du patronat quand ça compte vraiment. Le parti vient d’ailleurs tout juste de s’opposer, avec les autres partis, à une motion de Québec solidaire contre les hausses de loyer au-delà de l’inflation. 

Mais il n’y a rien de nouveau dans tout cela. 

Le PQ a pris le pouvoir pour la première fois en 1976 à une époque de mobilisations de masse des travailleurs. En l’absence d’un vrai parti ouvrier au Québec, il a réussi à canaliser la colère ambiante et à gagner l’appui des dirigeants syndicaux en présentant un programme de réformes. Pour acheter la paix des classes en vue de son futur référendum, le parti a fait certaines concessions au mouvement ouvrier. 

Mais rapidement après le référendum de 1980, alors qu’une énorme crise économique frappait, la classe bourgeoise a exigé de tous les gouvernements des coupes et autres mesures pro-patronales. Le PQ a répondu « oui » et fait payer les travailleurs pour la crise. 

Le René Lévesque qui disait avoir un « préjugé favorable envers les travailleurs » est le même qui a implanté une vicieuse austérité au début des années 80 et imposé l’infâme « Loi matraque » en février 1983 afin de briser une grève des enseignantes – une des lois de retour au travail les plus répressives de l’histoire du Québec. 

Les dirigeants syndicaux, ayant fait confiance au PQ, et n’ayant pas construit un parti qui peut lui faire contrepoids, lui ont laissé le champ libre pour attaquer la classe ouvrière. 

Depuis cette époque, le parti s’est pleinement intégré à l’establishment capitaliste québécois. De l’austérité brutale de Lucien Bouchard avec son « déficit zéro » aux lois spéciales pour briser la grève des infirmières en 1999 et celle des travailleurs de la construction en 2013, le bilan du PQ est limpide. Le parti défend le point de vue de la classe capitaliste contre la classe ouvrière. 

PSPP, comme l’ont fait les Lévesque, Parizeau, Bouchard, Marois avant lui, cherche d’ailleurs à rassurer les sommets capitalistes que son parti, malgré son projet indépendantiste, est digne de confiance pour gérer le capitalisme. Présentant récemment un volet du « Livre bleu » d’un Québec du PQ, PSPP a expliqué vouloir « rendre la fiscalité du Québec plus compétitive » et construire un « environnement d’affaires parmi les plus intéressants au monde ». Il a aussi évoqué le besoin de « rassurer » les marchés financiers. Le parti parle aussi depuis un certain temps de vouloir réduire la « bureaucratie » de l’État. 

Nous connaissons bien ce langage. C’est celui de la classe dominante. C’est le même langage que parlent la CAQ et les libéraux, et qui se traduit ainsi : cadeaux aux grandes entreprises, mesures d’austérité et attaques sur les syndicats. Dans un contexte de crise économique, il n’y a d’ailleurs pas d’autre avenue sous le système capitaliste : un gouvernement péquiste devra poursuivre ce que la CAQ a commencé. 

Pendant longtemps, les syndicats ont donné un soutien, explicite ou tacite, au PQ, ce qui n’a participé qu’à désarmer le mouvement syndical. À ce jour, la classe ouvrière québécoise n’a toujours pas de parti qui lui est propre. Québec solidaire, quant à lui, avait ce potentiel, mais s’est transformé en pâle copie du PQ qui ne suscite presque aucun attrait chez les travailleurs.

Aujourd’hui encore, des illusions sont entretenues sur la possibilité qu’un gouvernement péquiste prenne le côté des travailleurs. Même après que le parti se soit très clairement prononcé en faveur de bafouer le droit de grève des employés de la STM, Magali Picard a insisté sur le besoin que les travailleurs contiennent leur colère pour maintenir le « dialogue » avec le PQ – et même le Parti libéral! – en vue des prochaines élections. C’est une erreur. 

Nous sommes entrés dans une époque de lutte irréconciliable entre les patrons et les travailleurs, dans laquelle les premiers n’accepteront plus aucun compromis. Ce que la CAQ nous sert actuellement n’est qu’un avant-goût de ce qui s’en vient à mesure que le système capitaliste s’enfonce dans la crise. Le mouvement ouvrier ne pourra jamais vaincre si ses dirigeants attendent que le capitalisme et ses représentants lui soient favorables.

Nous sommes en guerre. Le mouvement ouvrier doit maintenir une totale indépendance des partis capitalistes, et cesser d’entretenir l’illusion d’un « dialogue » avec eux. La tâche de construire un véritable parti par et pour les travailleurs est encore brûlante d’actualité.

Par-dessus tout, il y a urgence de s’armer de la perspective de renverser le système capitaliste et de lutter pour la seule solution qui puisse améliorer la vie des travailleurs : le socialisme.