L’ère Trump et l’agonie du statu quo libéral

Trump, dans sa charge populiste contre le libéralisme et son système organisé d’hypocrisie, est en train de mettre en danger les illusions dont dépend le capitalisme. Il met à nu la dictature du Capital sous laquelle nous vivons réellement.

  • Benoît Tanguay
  • ven. 31 janv. 2025
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La nouvelle ère Trump commence en force. Le nouveau président américain a immédiatement adopté une série de décrets, et a réussi à faire adopter un cessez-le-feu à Gaza avant même de prendre le pouvoir. 

Le discours inaugural de Trump était traversé d’un optimisme grandiloquent, parlant d’un nouvel « âge d’or » américain, de la « destinée manifeste » des États-Unis et même de la conquête de Mars. 

Cela contraste fortement avec l’air ranci et l’atonie qui régnaient au sein du gouvernement démocrate de Biden. L’aile libérale de la classe dirigeante américaine est à bout de forces, discréditée et en banqueroute politique complète. 

Cela reflète un phénomène planétaire de défaite du libéralisme – quelque chose que l’on connaît bien ici, avec le discrédit complet de Trudeau et du PLC, de même que des partis libéraux provinciaux. 

L’aile hypocrite, souriante, bien-pensante et politiquement correcte de la classe dirigeante, celle qui s’assure de la diversité et de l’inclusivité parmi ses sbires, celle qui fait flotter un drapeau arc-en-ciel au-dessus de ses bidonvilles – cette aile vient de subir une défaite historique, qui marque un tournant.

Et ce qu’elle craignait le plus est en train de se produire avec Donald Trump – pas la dictature fasciste, qu’elle annonçait à grands cris d’orfraie sans réellement y croire. Pire pour elle : Trump détruit les apparences de démocratie que l’establishment libéral avait soigneusement travaillé à construire sur des décennies.

Le règne sans partage des milliardaires ne pourrait pas se maintenir longtemps s’il devait recourir uniquement à la force brute pour garder les travailleurs enchaînés et exploités. Le Capital maintient sa domination d’autant plus efficacement qu’il garde les masses envoûtées par l’illusion de la démocratie.

Et Trump, dans sa charge populiste contre le libéralisme et son système organisé d’hypocrisie, est en train de mettre en danger cette illusion. Il met à nu la dictature du Capital sous laquelle nous vivons réellement.

Cela s’est bien vu lors de la cérémonie d’inauguration présidentielle, où les techno-milliardaires Musk, Bezos et Zuckerberg étaient bien visibles pour montrer qui la nouvelle administration représente vraiment – une administration que Musk a dépensé 250 millions de dollars à faire élire.

Dans ses dernières déclarations avant de quitter le pouvoir, Biden a dénoncé « l’oligarchie » en train de se former. En réalité, ce qu’il dénonce, c’est que cette oligarchie sorte de l’ombre. Les élections aux États-Unis, comme dans les autres démocraties bourgeoises, sont toujours déterminées par le chéquier plutôt que par les urnes. Seulement, les oligarques qui soutiennent les démocrates se gardent bien de s’en vanter.

De même, les journaux libéraux ont écrit sur les menaces ouvertes d’annexer Panama, le Groenland et le Canada que Trump agissait de façon « impérialiste ». C’est bien vrai, mais cela n’est pas fondamentalement différent de lorsque les États-Unis ont envahi l’Irak et l’Afghanistan. Leur reproche est surtout que, contrairement à George W. Bush, Trump n’a pas eu la décence de se justifier par la « défense de la démocratie ». 

Trump fait aussi tomber le masque hypocrite du « progressisme » que les libéraux avaient placé soigneusement sur l’horrible visage raciste et sexiste du capitalisme. Il a suffit que Trump prenne le pouvoir, annonçant une charge réactionnaire contre le « wokisme », pour que les entreprises se mettent une après l’autre à abandonner leurs multiples initiatives vides et symboliques de « diversité, équité et inclusion » ou leurs programmes environnementaux totalement inefficaces.

Les « politiques identitaires » axées sur le langage, la représentation et la symbolique, qui ont dominé la gauche dans les dix dernières années se révèlent maintenant pour ce qu’elles sont : des artifices totalement contre-productifs pour combattre l’oppression, qui n’ont fait que servir de caricature à la droite et nourrir un retour de flamme réactionnaire sans améliorer d’un iota la condition des personnes opprimées. 

Que l’arrivée au pouvoir de Trump serve de leçon aux mouvements de lutte contre le racisme, le sexisme et les autres formes d’oppression : il faut abandonner ces méthodes libérales totalement discréditées. Beaucoup de gens craignent avec raison les attaques que Trump a annoncées sur les personnes trans et les immigrants. Seule une lutte de masse fondée sur les méthodes et un programme révolutionnaires permettra de stopper cette offensive réactionnaire.

Toutefois, il faut souligner que ce n’est pas pour rien que le libéralisme est un échec. C’est la crise historique du capitalisme qui a mis le libéralisme à genoux, et la droite MAGA hérite de la même crise. Elle n’aura pas non plus de solution.

Trump est un charlatan. Bientôt, les millions de gens à qui il a promis un remède miracle viendront cogner à sa porte quand ils réaliseront qu’il est incapable de soigner les innombrables maux du capitalisme.  

Ses tarifs risquent plutôt de faire remonter l’inflation, voire de déclencher une crise économique. 

Les déportations de masse auront des conséquences économiques graves, sans compter l’opposition de masse qu’elles risquent de provoquer. 

Et sa moquerie des institutions détestées de la démocratie bourgeoise, qui renforce sa popularité actuellement, va se transformer en son contraire. Les millions de gens qui rient avec lui vont finir par se rendre compte que la blague est à leurs dépens quand ils verront les milliardaires s’enrichir encore plus grossièrement alors qu’eux continueront à s’appauvrir. Trump scie la branche sur laquelle il est assis.

Le statu quo libéral a mis longtemps à mourir. Le conservatisme MAGA n’aura pas la chance d’avoir une mort aussi lente et tranquille. Les masses réaliseront rapidement l’ampleur de l’arnaque et se retourneront brusquement vers la gauche. Les communistes doivent être prêts à les accueillir et à les organiser.