À cause de leur place prédominante dans les métiers de la santé et de l’éducation, beaucoup de femmes constituent notre première ligne de défense contre le virus, le tout dans des conditions atroces. Et en plus de cela, au Québec comme ailleurs, sous les coups de la pandémie et de la crise économique, ce sont d’abord les femmes qui voient leurs conditions de vie reculer, sur le marché du travail comme à la maison. Des décennies d’avancées pour la condition des femmes sont en train d’être piétinées sous nos yeux. C’est le système capitaliste qui est la cause de ces reculs.

Tenir à bout de bras la santé et l’éducation

Mondialement, les femmes occupent la forte majorité des postes dans le domaine de la santé, ce qui signifie qu’elles ont un risque d’exposition au virus plus élevé. L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) estime que les femmes représentent 70% des travailleurs et travailleuses en santé dans le monde. Pour ce qui est des soins de longue durée plus spécifiquement, 95% des postes sont occupés par des femmes.

Ces travailleuses sont non seulement plus à risque de contracter le virus, mais elles doivent généralement se plier à de longs quarts de travail de 12 heures et plus et exécuter leur travail avec un manque d’équipement de protection personnel et d’autres ressources. Elles doivent aussi faire face à un manque de personnel et une charge de travail accrue. L’utilisation du temps supplémentaire obligatoire pour les infirmières est un phénomène bien connu qui a massivement empiré depuis mars dernier. Encore récemment, un sit-in a été organisé par les travailleuses des urgences de l’hôpital Notre-Dame pour protester contre leurs conditions intenables. Ces conditions sont entièrement dues à l’austérité massive des dernières décennies et les traitements de faveur envers le secteur privé en santé.

Les travailleuses de la santé ne sont pas les seules à subir les contrecoups de la pandémie. Elle touche aussi grandement au secteur de l’éducation, majoritairement occupé par des femmes. Ce sont elles qui, à tous les niveaux de scolarité, ont dû s’arranger avec un plan de la rentrée dessiné sur un coin de table par le gouvernement de la CAQ.

Il n’est pas nouveau de voir les travailleuses en éducation s’épuiser pour satisfaire des attentes difficilement atteignables. Les coupes en éducation au fil des dernières années ont rendu le travail des enseignantes beaucoup plus difficile et le métier moins attrayant. Si bien qu’en 2017, on annonçait que le nombre de nouveaux étudiants en éducation n’avait jamais été aussi bas depuis 15 ans. On savait aussi depuis longtemps que les classes québécoises étaient trop grosses et les écoles mal ventilées. La COVID a simplement exposé les faiblesses criantes déjà existantes, dont les femmes font avant tout les frais. En raison de la gravité de la pénurie d’enseignantes, des enseignantes enceintes sont actuellement forcées de travailler!

François Legault a récemment demandé aux Québécois de faire preuve « d’empathie » envers les travailleurs essentiels. Si son gouvernement suivait son propre conseil, il n’essayerait pas d’enfoncer dans la gorge des travailleuses de la santé et de l’éducation une convention collective à rabais, il aurait mis les fonds nécessaires pour réduire la taille des salles de classe et créer un environnement sécuritaire dans les écoles, aurait donné des masques N95 aux employées de la santé qui le réclament depuis des mois, aurait offert une double prime de risque aux travailleuses qui se trouvent au front. Le gouvernement Legault n’a aucune leçon d’empathie à donner à qui que ce soit.

Premières victimes des pertes d’emplois

Et pendant que des milliers de femmes se démènent au front dans des conditions atroces, des milliers d’autres ont été poussées au chômage. En effet, 68% des emplois perdus au Québec entre octobre 2019 et octobre 2020 étaient occupés par des femmes, selon un rapport de l’Observatoire québécois des inégalités (OQI) et de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) de décembre dernier. Cela correspond au double des emplois perdus par les hommes durant cette même période. Ces pourcentages ne tiennent pas compte des femmes qui ont quitté « volontairement » le marché du travail face à l’obligation de s’occuper de leurs enfants confinés, ou même d’autres membres de leurs familles.

Ce n’est pas surprenant lorsque l’on regarde les secteurs de l’économie qui ont particulièrement été touchés par les mesures sanitaires. La restauration, le tourisme, le milieu culturel et même le commerce de détail sont tous des secteurs majoritairement occupés par des femmes. Avec la fermeture définitive ou partielle de ces commerces et services, ce sont les femmes qui sont principalement touchées par ces licenciements.

Face à cette situation, le ministre du Travail Jean Brunet déclare : « Il faut aider ces femmes-là à se requalifier. Les femmes, c’est un potentiel immense dans le contexte de relance économique. » Ce sont pourtant les employeurs qui sont responsables des mises à pied, et non les travailleuses. Et ça devrait être à elles de se « requalifier »? Ces paroles du ministre ont été suivies d’un appel aux employeurs à faire un effort pour intégrer les femmes sur le marché du travail. On devrait donc faire confiance aux mêmes employeurs qui licencient davantage les femmes pour qu’ils « fassent un effort »? Non, aucune confiance ne peut leur être accordée.

Retour à la maison

Que ce soit à cause du télétravail ou de pertes d’emploi, des milliers de femmes se voient prises à la maison avec le fardeau des tâches domestiques sur le dos. Malgré les avancées, les femmes se consacrent encore davantage que les hommes à s’occuper des enfants. Selon Statistique Canada, 64% des femmes affirment qu’elles sont responsables de l’éducation à la maison de leurs enfants pendant la pandémie, contre 19% des hommes. Cette augmentation des responsabilités est surtout un problème pour les familles qui ne peuvent pas se permettre financièrement de manquer des heures de travail, comme les familles monoparentales, dont la majorité sont supportées par des femmes. Cette situation a également empiré avec la fermeture de centaines de garderies en milieu familial – 800 ont fermé entre mars et octobre, 300 de plus que l’an dernier. Le manque de places en garderies fait que même des travailleuses essentielles sont forcées de rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants!

Plus tragique encore est le sort des victimes de violence conjugale. Avec le confinement, les familles qui vivent en présence d’une personne toxique ou violente sont plus à risque de subir de la violence conjugale. En plus,  leurs contacts avec l’extérieur étant limités, les occasions pour ces familles de demander de l’aide le sont tout autant. Être constamment en présence de son abuseur signifie de ne pas avoir de moment privé pour appeler une amie, un parent ou même la police (bien que celle-ci soit réputée ne pas être de grande utilité dans ces situations). Le rapport de l’OQI et de l’ASPQ déjà mentionné indique également qu’avec le confinement, deux fois plus de cas de violence et d’exploitation sont rapportés chez les femmes de 18 à 34 ans.

Les pertes d’emploi chez les femmes représentent aussi un danger pour celles qui vivent avec une personne violente. La perte d’emploi ou même une coupe dans les heures de travail peuvent forcer une personne à demeurer dans une situation dangereuse ou à tolérer la maltraitance pour éviter la rue, où les femmes et les minorités sexuelles en général sont encore plus exposées au risque d’agressions. En mars, le gouvernement Legault avait promis 24 millions de dollars pour couvrir les besoins urgents des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence. En novembre, les maisons n’avaient pas encore vu un sou de cet argent. Alors que la crise économique s’installe, on peut être sûr que les services de ce genre ne seront pas épargnés par l’austérité que la CAQ va certainement implanter.

Pas d’émancipation des femmes sous le capitalisme

La pandémie nous rappelle de façon tragique la place précaire qu’occupent les femmes sous le capitalisme. En l’espace d’un an, la condition des femmes a été rejetée des décennies en arrière. Malgré de grandes avancées obtenues au prix de chaudes luttes, la logique même du capitalisme menace constamment de faire reculer les conditions de vie des femmes. L’oppression des femmes, les préjugés sur le rôle des femmes dans la société, jouent un rôle important dans la quête de profits des patrons. Le système capitaliste s’appuie notamment sur le rôle des femmes à la maison pour compenser les coupes dans les services sociaux. Les patrons cherchent constamment à éviter d’avoir à payer pour les besoins spécifiques des femmes.

Aucune avancée des femmes n’est garantie sous le capitalisme. Il faut constamment défendre nos acquis contre les patrons qui ne s’empêcheront pas de les jeter par la fenêtre à la première occasion pour sauver leurs profits. Le mouvement ouvrier, femmes et hommes, a un rôle clé à jouer ici.

Mais depuis le début de la pandémie, la direction du mouvement syndical québécois, c’est le moins qu’on puisse dire, a mis la pédale douce sur la mobilisation contre le gouvernement caquiste. Dans ce contexte, les travailleurs ont subi recul après recul, à commencer par les travailleuses. Ce n’est pas pour rien que nous revendiquons depuis le début de la pandémie que tout travailleur et toute travailleuse forcé de cesser de travailler à cause des mesures sanitaires reçoive son plein salaire, que les travailleurs essentiels reçoivent une double prime de risque et qu’il y ait un financement immédiat et massif en santé, entre autres. Ces mesures auraient grandement aidé à limiter le recul de la condition des femmes.

La pandémie aura montré que la lutte pour l’émancipation des femmes est intrinsèquement liée à la lutte contre le système capitaliste et ses effets désastreux. Ultimement, l’émancipation de tous les exploités et les opprimés n’est pas possible dans le cadre d’une économie motivée par le profit, dominée par une poignée de riches qui laissent dormir des sommes inimaginables d’argent dans leurs comptes de banque alors que les services publics craquent de partout. Ces sommes pourraient être utilisées pour financer un système d’éducation, un système de santé, des garderies et un filet social de grande qualité capables de répondre aux besoins des femmes, et des travailleurs en général. Cela n’est possible que par une planification socialiste et démocratique de l’économie par les travailleuses et les travailleurs.