Publié à l’origine le 25 novembre.
Les hôpitaux du Canada, déjà en crise en raison du sous-financement et du manque de personnel, croulent sous le poids d’une augmentation des infections respiratoires chez les enfants. La semaine dernière, les hôpitaux de l’Ontario ont signalé que le nombre d’enfants âgés de 5 à 17 ans admis aux urgences pour des maladies respiratoires avait triplé et que le nombre d’enfants âgés de 4 ans et moins avait doublé par rapport à la moyenne saisonnière pré-pandémique. D’autres provinces font état d’augmentations similaires dans le contexte d’une triple vague de grippe, de virus respiratoire syncytial (VRS) et de COVID-19. Plus d’enfants ont besoin de soins intensifs qu’il n’y a de lits disponibles. Pourtant, les gouvernements ont refusé d’adopter les mesures de santé publique les plus élémentaires, telles que l’obligation de porter un masque et des jours de congé de maladie payés pour les travailleurs.
Les enfants malades envahissent les unités de soins intensifs
En date du 15 novembre, il y avait en Ontario 114 patients pédiatriques nécessitant des soins intensifs, mais seulement 112 lits disponibles. Une semaine plus tôt, le nombre d’enfants nécessitant des soins intensifs était de 122. Les hôpitaux pour enfants du sud de l’Ontario se sont préparés à transférer des adolescents vers des hôpitaux pour adultes ou des cliniques spécialisées et ont réduit le nombre d’interventions chirurgicales prévues en réponse à ce que l’hôpital pour enfants McMaster de Hamilton a qualifié de « difficultés extrêmes » dans les services d’urgence, les soins intensifs et les services de soins hospitaliers. L’hôpital pour enfants CHEO d’Ottawa a décrit « une augmentation sans précédent de la demande » dans sa salle d’urgence.
Les médecins qui ont parlé à la CBC ont déclaré que la situation est différente de tout ce qu’ils ont vu auparavant. « C’est quelque chose dont je n’ai pas l’habitude », a déclaré le Dr David Carr, médecin urgentiste à Toronto. « Les patients pédiatriques nécessitent rarement une admission, du moins par rapport à nos patients adultes », a-t-il ajouté. « Habituellement, vous voyez un enfant, il a une infection de l’oreille ou un mal de gorge, il rentre chez lui. » Le Dr Joe Wiley, chef du service de pédiatrie de l’Oak Valley Health à Markham, a déclaré que le nombre d’enfants arrivant pour des maladies respiratoires était sans précédent, avec « des volumes beaucoup plus élevés et beaucoup plus tôt dans la saison typique de la toux et du rhume que je n’ai jamais connu » et des collègues d’autres hôpitaux décrivent des pressions similaires.
Pour les parents, le manque de ressources pour aider leurs enfants peut être terrifiant. Une mère d’Oakville, Keri Graham, a raconté le calvaire qu’elle a vécu après que son fils Tyler, âgé de trois ans, a reçu un diagnostic de VRS et a eu du mal à respirer. Les médecins de l’hôpital Trafalgar d’Oakville n’ont pu trouver un lit dans l’unité de soins intensifs et prévoyaient d’envoyer Tyler dans une unité de soins intensifs à Buffalo, dans l’État de New York, jusqu’à ce qu’une place se libère à la dernière minute au London Health Sciences Centre. « C’était terrifiant de voir que le système n’avait aucun lit dans tout l’Ontario », a déclaré Graham à CityNews. « Ottawa, London, Hamilton, Toronto, partout et il n’y avait rien de disponible, littéralement pas un seul lit. » Elle a ajouté : « C’était un tourbillon complet de panique, de stress et d’inquiétude face à l’inconnu. »
D’autres provinces, dont la Colombie-Britannique, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Manitoba, ont rapporté des données similaires. Selon l’autorité provinciale des services de santé, le nombre de visites aux urgences de l’hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique à Vancouver était de 20% supérieur à la normale pour les mois d’automne. L’Hôpital de Montréal pour enfants a signalé que le nombre de patients était plus de deux fois supérieur au nombre de lits dans sa salle d’urgence et que le nombre d’enfants malades, dont ceux atteints de maladies respiratoires, était plus élevé que d’habitude. L’IWK Health Centre de Halifax, le principal hôpital pour enfants du Canada atlantique, et l’hôpital pour enfants de Winnipeg ont tous deux enregistré une hausse du nombre d’enfants admis pour des problèmes respiratoires.
Au-delà des hôpitaux, il existe d’autres indicateurs de la recrudescence des maladies chez les enfants. Les écoles publiques d’Edmonton ont signalé ce mois-ci des taux élevés d’élèves absents pour cause de maladie. Les 7 et 8 novembre, au moins 75% des 213 écoles locales ont signalé que plus de 10% de leurs élèves étaient absents des classes pour cause de maladie. Le 9 novembre seulement, plus de 20 000 élèves d’Edmonton étaient absents. Un taux d’absence de 10% ou plus oblige une école à avertir les services de santé de l’Alberta, qui enquêteront sur l’existence d’une éclosion.
Les médecins ont établi un lien entre l’augmentation des maladies respiratoires chez les enfants et l’abandon de toutes les mesures de santé publique visant à réduire la propagation de la COVID-19, comme l’obligation de porter le masque et la distanciation sociale. En l’absence du port du masque et de la distanciation, les enfants sont exposés à davantage de germes. Un autre facteur peut être l’affaiblissement de la réponse immunitaire dû à un syndrome post-COVID-19. Parallèlement, les pénuries de médicaments tels que le Tylenol et l’Advil pour enfants font que de plus en plus de parents sont incapables de contrôler la fièvre de leurs enfants à la maison, ce qui nécessite alors des visites aux urgences.
Aucun leadership de la part des bureaucrates
Les réponses des bureaucrates des écoles et du gouvernement au déluge d’enfants malades vont de l’inaction à jeter de l’huile sur le feu. Les médecins ont demandé le rétablissement du port du masque obligatoire dans les écoles et autres lieux publics, mais les commissions scolaires renvoient la balle aux responsables de la santé publique.
La présidente du conseil scolaire d’Edmonton, Trisha Estabrooks, a par exemple déclaré en réponse à l’augmentation massive des absences des élèves pour cause de maladie : « Nous n’envisageons pas l’obligation de porter le masque, car nous continuons de croire que les décisions liées à la santé doivent être prises par le médecin-chef de la santé et par les services de santé de l’Alberta. » Les seules mesures prises par les services de santé de l’Alberta (AHS) ont été dans la mauvaise direction, à cause de la première ministre Danielle Smith. La réponse de Smith à la crise a été de congédier le conseil d’administration de l’AHS et de déclarer publiquement qu’il n’y aura pas de recours au port du masque obligatoire dans les écoles en réponse à la recrudescence des maladies respiratoires.
Dans chaque province et territoire, l’histoire est la même : les responsables refusent d’adopter de nouvelles mesures. Aucune province ni aucun territoire n’a rétabli l’obligation de porter un masque. Le Dr Kieran Moore, médecin hygiéniste en chef de l’Ontario, s’est contenté de dire qu’il « recommandait fortement » le port du masque dans tous les lieux publics intérieurs, y compris les écoles, mais n’a pas voulu émettre un mandat exigeant le port du masque. Quelques jours plus tard, Moore a souligné sa propre hypocrisie et son manque de leadership en apparaissant sans masque lors d’une fête en intérieur dans une vidéo largement diffusée. Pourtant, les bureaucrates comme Moore n’agissent que selon le bon vouloir des premiers ministres provinciaux comme Doug Ford, qui a lui-même refusé de porter un masque à l’Assemblée législative le lendemain du jour où Moore a « fortement recommandé » le port du masque dans tous les espaces publics intérieurs. Les dirigeants provinciaux, en particulier ceux qui sont sous l’emprise des voix anti-vaccins, ont des raisons politiques de ne pas soutenir l’obligation de porter le masque.
Pas de jours de congé de maladie payés, soins de santé toujours sous-financés
La pression du milieu des affaires est la principale raison pour laquelle, plus de deux ans après le début de la pandémie, la plupart des provinces n’ont toujours pas amélioré ou augmenté le nombre de congés de maladie payés offerts aux travailleurs. L’Ontario n’oblige toujours pas les employeurs à offrir aux travailleurs des jours de congé de maladie payés. L’un des catalyseurs du récent mouvement de désobéissance des travailleurs de l’éducation de l’Ontario à l’égard de la loi de retour au travail à été la tentative du gouvernement de Doug Ford d’imposer un contrat qui aurait réduit les jours de congé de maladie payés.
Au Québec, les travailleurs ont deux jours de congé de maladie payés, comme avant la pandémie. Les travailleurs de l’Île-du-Prince-Édouard ont droit à une journée entière de congé de maladie, mais seulement s’ils travaillent de façon continue depuis au moins cinq ans. L’année dernière, la Colombie-Britannique est devenue la seule province à instaurer cinq jours de congé de maladie payés, une réponse directe à la pandémie.
Une nouvelle loi fédérale qui est entrée en vigueur le 1er décembre oblige les employeurs à accorder aux travailleurs 10 jours de congé de maladie payés par an. Mais cela ne s’applique qu’aux secteurs réglementés par le gouvernement fédéral, tels que les banques, les télécommunications et les transports interprovinciaux, qui représentent à peine 6% des travailleurs canadiens. Le Decent Work and Health Network, une organisation à but non lucratif regroupant des travailleurs du secteur de la santé, affirme dans un rapport publié en 2022 que près de 60% des travailleurs au Canada n’ont pas de jours de congé de maladie payés. Parmi les travailleurs qui gagnent moins de 25 000 dollars par an, ce chiffre monte à 70%.
Le Globe and Mail a établi un lien entre l’absence de congé de maladie payé et les groupes d’affaires qui se sont opposés à tout changement qui profiterait aux travailleurs :
« Le gouvernement de la Colombie-Britannique a légiféré sur les jours de congé de maladie payés en réponse à une étude qui a révélé que 75% des travailleurs seraient en faveur de cinq jours de congé de maladie payés. La même étude a révélé que seulement 28% des employeurs de la C.-B. appuieraient la nouvelle loi.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui défend les intérêts des petites et moyennes entreprises, s’est opposée à la loi fédérale sur les congés de maladie et a exhorté les provinces à ne pas suivre l’exemple d’Ottawa […] La FCEI soutient depuis longtemps que les employeurs ne peuvent pas se permettre de payer des congés de maladie, surtout si l’on tient compte des difficultés financières que beaucoup d’entre eux ont connues pendant la pandémie. »
Au lieu de légiférer pour améliorer les congés de maladie payés, les provinces ont cherché à subventionner les employeurs en utilisant les fonds publics pour payer les salaires des travailleurs qui tombent malades :
« Certaines provinces ont prolongé le financement gouvernemental pour couvrir temporairement les pertes de salaire des travailleurs qui étaient malades de la COVID-19 ou qui devaient s’isoler à cause de cette maladie. Ces programmes ont utilisé des fonds publics pour alléger le fardeau des employeurs, qui paient habituellement les jours de congé de maladie payés de leur propre poche. Mais le financement a déjà expiré, ou le sera bientôt.
Le fonds COVID-19 de l’Île-du-Prince-Édouard destiné aux travailleurs prend fin le 31 décembre, et celui de l’Ontario – qui rembourse aux employeurs jusqu’à 200 dollars par jour pour un maximum de trois jours de maladie par employé pendant la durée du programme – prend fin le 31 mars. À ce jour, le gouvernement de l’Ontario n’a pas dit s’il avait l’intention de prolonger cette politique. »
Avec l’assèchement de ces fonds, les patrons réclament une fois de plus davantage d’aide aux entreprises pour décharger sur le public le fardeau financier que représente le paiement des congés de maladie aux travailleurs. Le Globe and Mail cite Michelle Eaton, vice-présidente des affaires publiques de la Chambre de commerce de l’Ontario, qui affirme que l’Ontario devrait continuer à rembourser les employeurs pour les congés de maladie. Mais pourquoi le public devrait-il continuer à renflouer les employeurs privés aux frais des contribuables? Pour les capitalistes, la raison en est simple : ils souhaitent maximiser leurs propres profits en socialisant les pertes. C’est ce même raisonnement qui a poussé les gouvernements capitalistes à mettre en œuvre des décennies de coupes dans le financement des soins de santé publics afin de préparer le passage à la privatisation.
L’absence de congé de maladie payé pour la plupart des travailleurs montre à quel point les politiques de santé publique ont peu changé malgré la pandémie, mais c’est loin d’être le seul exemple. L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), organisme à but non lucratif, signale que les dépenses de santé au Canada, qui augmentaient en moyenne de 4% par an avant la pandémie de COVID-19, ont augmenté de 13% en 2020. La pandémie est à l’origine de cette hausse sans précédent des dépenses de santé, qui était nécessaire pour empêcher l’effondrement du système. Depuis, les dépenses ont à nouveau baissé. Les derniers chiffres de l’ICIS montrent que les dépenses en soins de santé ont augmenté de 7% en 2021, mais seulement de 0,8% en 2022.
Le refus des gouvernements provinciaux d’améliorer ou de développer de manière significative les soins de santé dans la foulée de la pandémie représente certainement l’un des plus grands scandales de l’histoire du Canada. Il n’y a pas eu d’expansion majeure des unités de soins intensifs, ni de préparation aux futures vagues de COVID-19 ou d’autres maladies respiratoires comme le VRS et la grippe. Au contraire, la plupart des travailleurs n’ont toujours pas de congés de maladie payés; les gouvernements du Québec, de l’Ontario et de l’Alberta ont imposé des réductions de salaire aux travailleurs de la santé; et les conditions de travail infernales incitent les infirmières à quitter la profession en grand nombre. Le système de santé public du Canada s’effondre, et les gouvernements capitalistes sont heureux d’aggraver la crise pour favoriser leurs objectifs de privatisation.
Les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour non seulement protéger les soins de santé publics, mais aussi pour les améliorer et les étendre et pour lutter en faveur de politiques telles que les congés de maladie payés pour tous. Au moment de la rédaction de cet article, les travailleurs de l’éducation de l’Ontario avaient mis fin à leur grève et votaient sur un accord de principe. Mais leur volonté de défier la loi spéciale de retour au travail a forcé Ford à battre en retraite et montre comment les travailleurs peuvent lutter pour améliorer leurs conditions de travail et défendre les soins de santé.
Tous les travailleurs doivent exiger des jours de congé maladie payés afin de réduire la propagation des maladies respiratoires. Pour mettre fin au désastre du capitalisme en matière de santé publique, nous devons protéger et étendre les soins de santé publics. Nous devons lutter pour un contrôle démocratique des travailleurs sur les politiques de santé et de sécurité sur nos lieux de travail et dans nos communautés, afin de décider des mesures nécessaires, comme le port du masque. Par-dessus tout, nous devons nous battre pour un système socialiste qui protégera les travailleurs, les enfants et les plus vulnérables au lieu de les sacrifier sur l’autel du profit.
Des congés de maladie payés pour tous les travailleurs, maintenant!
Défendons les soins de santé publics!
Pour le contrôle des travailleurs sur la santé et la sécurité!