Photo : FIQ Mauricie Centre du Québec/Facebook

Des centaines d’infirmières menacent de démissionner en bloc le 27 février au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-Centre du Québec (CIUSSS MCQ) si la direction va de l’avant avec les attaques sur leurs conditions de travail. Une véritable lutte s’annonce, car la direction demeure campée sur sa position.

Crise dans les hôpitaux au CIUSSS MCQ

Comme dans le reste du réseau de la santé au Québec, la région de la Mauricie-Centre du Québec est dans un état critique. 

L’Hôpital Sainte-Croix de Drummondville fait face à des fermetures de lits et à des bris de services. Selon les infirmières sur place, « l’hôpital se vide de lits, toutes les chambres et étages se vident et nous, autant physiquement que psychologiquement aussi ».

Même son de cloche du côté du Centre multiservices de santé et de services sociaux du Haut-Saint-Maurice à La Tuque où les lits de surveillance cardiaque ont été fermés ainsi que d’autres départements. Les patients doivent être envoyés à plus d’une heure et demie de route vers Shawinigan ou Trois-Rivières. Au lieu de s’attaquer au nœud du problème, la direction du CIUSSS a plutôt choisi de s’attaquer aux horaires de travail et d’éliminer les quarts de 12 heures, ce qui a soulevé une vague de colère auprès des infirmières concernées qui redoutent une augmentation du temps supplémentaire obligatoire (TSO).

Le Centre hospitalier affilié universitaire régional (CHAUR) de Trois-Rivières présentait quant à lui des taux d’occupation de 130% en date du 23 février, une situation intenable. On se rappelle qu’il y a un an, un homme était tragiquement décédé dans une ambulance après 1h40 d’attente dans le garage faute d’avoir été pris en charge. 

Partout, les infirmières et les autres travailleuses de la santé portent à bout de bras les services de soins de santé et dénoncent les conséquences directes sur les patients qui ne reçoivent pas les soins requis. 

Nouvelles attaques de la direction

Face aux graves problèmes qui touchent l’ensemble du CIUSSS, la direction a décidé de s’en prendre aux infirmières travaillant du lundi au vendredi à l’extérieur des services 24/7 pour combler les manques.

La direction a annoncé qu’à partir du 27 février, toutes les infirmières du secteur Drummond, peu importe leur milieu de travail, seront forcées de travailler au moins une fin de semaine sur trois. La mesure sera ensuite élargie à l’ensemble de la région. Le hic, c’est que pour y parvenir, les infirmières se verront retirées de leur milieu de travail et déplacées vers d’autres départements dans lesquels elles n’ont peu voire pas d’expérience. Donc, une infirmière travaillant en psychiatrie pourrait se retrouver en CHSLD ou à l’urgence. De plus, leur retrait de leur milieu de travail signifie qu’il y aura des coupes dans les services. Il y aura donc des impacts directs sur les patients. Selon un employé du CIUSSS : « Ça va faire allonger les listes d’attente, ça va faire en sorte que les gens vont attendre pour des services. »

Ça ne s’arrête pas là, la direction est aussi en train de travailler sur une fusion entre différents départements, ce qui risque de chambouler davantage les horaires et les conditions de travail.

Ainsi, la direction a décidé de faire payer les infirmières pour son incompétence et sa mauvaise gestion.

Déclenchement de la mobilisation

La colère des infirmières concernées ne s’est pas fait attendre. Dès le lendemain, des groupes se sont organisés afin de riposter aux attaques. Une infirmière a fait une vidéo devenue virale qui explique l’impact pour les personnes touchées :

En assemblée générale le 14 février, avec près de 800 participantes, les professionnelles en soins ont courageusement adopté à 95% un plan d’action comprenant la menace de démission en bloc, l’arrêt des statistiques avec des mesures de compensation pour celles qui iront jusqu’au bout, dont la constitution d’un fonds de défense syndicale local d’un million de dollars pour les sanctions et amendes qui pourraient découler du refus d’être déplacée. De plus, un pacte de solidarité a été voté entre les infirmières pour les protéger des conséquences, par exemple sur l’octroi de postes dans le futur dans le cas où il y aurait une perte d’ancienneté.

Patricia Mailhot, présidente par intérim du Syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie-Centre du Québec – FIQ a déclaré : « Je n’ai jamais senti une telle mobilisation. Les infirmières sont tellement rendues au bout qu’elles n’ont plus peur de dire ce qu’elles pensent et de prendre action. »

C’est la détermination des membres qui a poussé l’exécutif local à mettre de l’avant des moyens combatifs. La présidente elle-même le reconnait : « On ne pensait pas que les membres étaient rendues là, mais avec le premier plan d’action qu’on a proposé, on s’est fait dire ‘‘heille, le syndicat, allez faire vos devoirs, on n’est pas rendu là!’’ » 

Ce n’est pas surprenant. Cela fait des années que la colère s’accumule face au temps supplémentaire obligatoire, à la surcharge de travail et aux horaires instables. Les infirmières ont fait de nombreux sit-in dans le passé pour dénoncer les mauvaises conditions. Cette attaque était celle de trop qui a fait dire à toutes : « C’est assez! »

Toutefois, l’exécutif national de la FIQ brille par son absence. La présidente Julie Bouchard n’a pas endossé les moyens de pression et insiste pour demeurer à la table des négociations pour les prochaines conventions collectives malgré l’évidente mauvaise volonté du gouvernement.

La présidente du Conseil du trésor Sonia Lebel a d’ailleurs annoncé les nouvelles offres ridicules du gouvernement mercredi le 22 février dernier. L’offre de 9% sur cinq ans demeure sur la table, mais le gouvernement se dit prêt à ajouter 7% seulement aux professionnelles travaillant dans les milieux 24/7. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement utilise ce genre de tactique de division. Le comité de négociation ne doit pas tomber dans le piège.

Implications politiques

Les infirmières comprennent très bien les implications des attaques de la direction sur les conventions collectives. Ceci n’est qu’un premier recul sur leurs conditions de travail qui sera suivi de nombreux autres si rien n’est fait pour s’y opposer. 

La mobilisation s’est lancée sur plusieurs fronts. Les signatures pour la démission en bloc s’accumulent rapidement. La population est derrière les infirmières.

L’hypocrisie de la présidente directrice générale Natalie Petitclerc a aussi été dénoncée. Elle qui est là depuis moins d’un an avait ironiquement déclaré dans ses débuts qu’elle allait « avoir l’obsession d’améliorer la santé et le bien-être » des employés.

Anecdote cocasse, dans ses affichages de postes, le CIUSSS MCQ a inscrit fournir du café gratuit à ses employés. Des centaines de personnes ont écrit à l’employeur pour savoir où se le procurer et ont dénoncé dans les médias la mauvaise publicité. Évidemment, c’était faux. En fait, rien n’est gratuit pour les infirmières, qui doivent non seulement payer leur café, mais aussi le stationnement, leur uniforme et leur permis de pratique.

Ce mouvement a le potentiel de donner le ton à la mobilisation qui pourrait rapidement se propager à d’autres régions.

Face à cette menace d’escalade, la CAQ n’a pas hésité à donner son appui à la direction du CIUSSS MCQ. Le ministre de la Santé Christian Dubé a affirmé que la décision était légale selon la convention collective, donnant en même temps le feu vert aux autres directions de faire les mêmes attaques.

Cela risque d’entraîner encore davantage de départs vers le privé, qui profite bien de la détérioration des conditions de travail dans le public. Comme des vautours, les cliniques privées et les agences de placement n’attendent que ça, mais cette fois-ci, les infirmières ont décidé de se tenir debout et de confronter leur direction.

Pour la CAQ, c’est un scénario fort indésirable alors que les négociations pour les nouvelles conventions collectives ne font que commencer. Une lutte est inévitable. Une victoire des infirmières dans le CIUSSS MCQ a le potentiel de déclencher un mouvement national et pourrait défier la CAQ.

Tout le mouvement ouvrier devrait regarder avec intérêt ce qui va se passer au CIUSSS MCQ.

Comment s’assurer la victoire

Pour s’assurer de la victoire, le mouvement doit être propagé aux autres travailleuses de la santé. Il faut briser l’isolement des infirmières. Il est clair que si la direction réussit à imposer cette attaque, plus d’attaques suivront sur d’autres secteurs d’activités. Pour l’instant, seule l’APTS MCQ a déclaré sa solidarité. Les autres centrales syndicales doivent suivre.

L’exécutif national de la FIQ en particulier doit cesser de se croiser les bras. Il devrait mobiliser l’ensemble des membres.

Toute l’expérience des dernières années montre que le gouvernement ne bougera pas d’un pouce tant que la menace sérieuse d’une grève ne sera pas sur la table. Le sit-in à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont en janvier dernier a montré à l’inverse que les infirmières peuvent forcer la main patronale si elle refuse de travailler.  La FIQ et les syndicats de la santé doivent dès maintenant préparer une grève. Les infirmières ont prouvé qu’elles sont prêtes. Il leur manque seulement une direction.

Une victoire pour un, c’est une victoire pour tous!
Préparons la grève!