Le 28 avril dernier, la CAQ a dévoilé en grande pompe son Plan pour une économie verte 2030, censé contenir les actions du gouvernement pour réduire les émissions de GES et lutter contre les changements climatiques. Si le plan ne fait pas grand-chose pour le climat, il représente une manne pour les entreprises privées du secteur industriel. Sous prétexte de subventionner la transition écologique, le gouvernement entend offrir 1,34 milliard de dollars d’argent public aux entreprises les plus polluantes du Québec. Au fameux « la guerre, c’est la paix » d’Orwell, la CAQ pourrait maintenant ajouter : « financer les pollueurs, c’est lutter contre les changements climatiques »!

Faire confiance aux pollueurs capitalistes?

Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, défend cette décision en disant que « pour chaque dollar qu’on investit », la CAQ compte « regarder quelle efficience il produit en termes de réduction de GES » et puis « choisir les investissements les plus probants, qui donnent le plus de résultats ». Voilà de bien belles paroles, mais que compte faire le gouvernement si, avec l’argent qu’on leur a donné, les entreprises ne réduisent pas véritablement leurs émissions? Compte-t-il reprendre l’argent? Pénaliser les entreprises? Et si oui, comment? Aucun détail n’est fourni dans le plan à ce sujet. Nous pouvons donc présumer qu’il s’agit simplement de distribuer des chèques en blanc aux entreprises les plus polluantes, en attendant que quelques-unes d’entre elles se découvrent enfin une conscience environnementale. Ici, la CAQ ne fait qu’agir en bon serviteur des capitalistes : elle fait complètement confiance aux pollueurs, comme si tout ce qui leur manquait pour sauver la planète, c’était d’un peu plus d’argent.

Mais ces entreprises manquent-elles vraiment d’argent pour faire la transition? Regardons les chiffres. Le plus grand pollueur au Québec est la cimenterie McInnis, qui a rejeté environ 1,2 million de tonnes de CO2 dans l’atmosphère durant l’année 2020. La compagnie mère qui possède majoritairement la cimenterie, Votoratim Cimentos, s’est vantée d’avoir fait en 2021 des profits records de 1,6 milliard de dollars. La compagnie Valero Energy, qui possède la raffinerie Jean-Gaulin à Lévis, deuxième plus grand émetteur de GES au Québec, a quant à elle rapporté des profits d’environ 930 millions de dollars. Ces parasites sont donc déjà assis sur des montagnes d’argent. Si leurs richesses colossales ne les ont jamais stimulés à investir dans la réduction des GES, pourquoi supposer que quelques millions de plus feront la différence?

Urgence d’agir

En plus d’offrir des cadeaux aux pollueurs, le « plan » de la CAQ, n’est dans les faits même pas un plan, mais un demi-plan. Il s’agit d’une version actualisée de celui présenté en novembre 2020, pour lequel il était prévu que le gouvernement fasse des ajustements chaque année. Or, comme nous l’avions écrit à ce moment, ce plan était à la base très flou et largement insuffisant, et cette nouvelle version n’est pas du tout venue améliorer les choses. 

Même s’il fonctionnait à merveille et que les entreprises coopéraient, il ne concernerait quand même que la moitié des réductions d’émissions nécessaires pour atteindre la cible du gouvernement de 37,5% de réduction en 2030 par rapport au niveau de 1990. Comme si ce n’était pas assez, il faut rajouter à cela que cette cible, à la base, était déjà inférieure à la recommandation du GIEC. La CAQ se félicite avec ses demi-mesures et ses promesses vides, mais le Québec n’a actuellement même pas atteint 3% de sa cible insuffisante. Cette attitude  ne pourrait pas être plus déconnectée de la réalité.

L’heure n’est plus aux promesses lointaines, mais aux changements radicaux immédiats. Les récents rapports du GIEC sont catégoriques : les changements climatiques ne sont plus une menace lointaine, ils sont déjà bien enclenchés et là pour rester. De plus, au stade où nous en sommes, nous n’avons presque plus de marge de manœuvre pour renverser la vapeur. Même si nous atteignions l’objectif de limiter l’augmentation de la température à 1,5°C, ce qui n’est pas du tout en voie d’être réalisé au rythme actuel, les effets à long terme du réchauffement auraient tout de même des conséquences catastrophiques : élévation du niveau de la mer, destruction des écosystèmes, augmentation de l’insécurité alimentaire, acidification des océans, augmentation de la fréquence et de l’intensité des évènements météorologiques extrêmes, etc. Les vagues de chaleur et les immenses feux de forêt auxquels nous avons assisté en Amérique du Nord l’été dernier sont un exemple parmi d’autres de ce qui nous attend si nous n’entamons pas une transformation radicale de notre économie dès maintenant.

Une solution : nationalisation!

Ce n’est certainement pas avec des cadeaux aux pollueurs que nous accomplirons cette transformation radicale. Gabriel Nadeau-Dubois a affirmé récemment que le plan de la CAQ consistait à appliquer le principe du « pollueur-payé », à la place du « pollueur-payeur ». Mais comment arriver à faire payer les pollueurs? 

En ce moment, le gouvernement a beau avoir des normes environnementales, il ne les applique pas vraiment. Il a récemment été révélé que durant la dernière décennie au Québec, des 45 426 infractions aux normes environnementales recensées, seulement 4119, soit 9% d’entre elles, se sont soldées par des sanctions où les entreprises ont véritablement payé une amende. Cela est un exemple parmi tant d’autres du pouvoir qu’ont les entreprises sur le gouvernement sous le capitalisme. Les gouvernements capitalistes comme celui de la CAQ sont complètement vendus aux intérêts des grandes entreprises. Et lorsqu’ils osent essayer d’imposer des normes plus strictes et des sanctions mieux appliquées, les entreprises brandissent toujours la menace de fermer leurs usines et de délocaliser leur production. C’est pour cette raison que les gouvernements font tout pour ne pas trop déranger leurs intérêts et n’osent pas appliquer leurs propres normes.

Pour faire payer les pollueurs, nous devons donc reprendre possession de ces grandes entreprises polluantes, en les mettant sous le contrôle démocratique des travailleurs. Le principe que nous devrions mettre de l’avant devrait être celui du « pollueur-nationalisé »! Tant que nous ne prendrons pas cette mesure radicale, nous nous retrouverons démunis face à eux.

Au final, on ne peut pas contrôler des entreprises privées qu’on ne possède pas. Cela est bien illustré par le fait que même si l’immense majorité des Québécois sont actuellement très préoccupés par la lutte aux changements climatiques, les capitalistes, qui sont responsables de la vaste majorité de la pollution, ne se préoccupent toujours que d’une seule chose : le profit. 

Les riches actionnaires ne cessent de justifier leur position privilégiée en prétendant qu’ils amènent de la richesse et de l’innovation pour le bien-être de tous, qu’ils « prennent des risques », qu’ils ont de « l’initiative ». Mais s’ils ne sont même pas capables de trouver par eux-mêmes des moyens de fonctionner sans détruire l’environnement, pourquoi mériteraient-ils à la base d’être aux commandes de l’économie et de faire des profits faramineux? Émettre des millions de tonnes de GES représente une « prise de risque », certes, mais une prise de risque pour la classe ouvrière, pour tous les opprimés et les plus vulnérables qui seront les premiers à ressentir les effets du dérèglement climatique – pas pour les capitalistes! 

Socialisme ou désastre environnemental

Le dernier document dévoilé par le GIEC le mois dernier était consacré aux moyens concrets par lesquels nous pourrions accomplir la transition. Ce qu’il démontre, c’est qu’en théorie, rien ne nous empêche d’aller de l’avant avec des mesures comme l’électrification à grande échelle, la construction d’infrastructures axées sur la durabilité et l’efficacité énergétique, la réorganisation des villes pour promouvoir plus d’espaces verts et limiter les déplacements inutiles, etc. La classe dirigeante n’a aucune excuse : toutes les solutions sont là, élaborées par les experts, prêtes à être mises en place. 

Le seul hic, c’est que ces mesures nécessitent une coordination étroite entre tous les secteurs de l’économie, ainsi qu’entre tous les pays. Or, les fondements mêmes du système capitaliste sont exactement à l’opposé de cela : à la place d’une économie planifiée harmonieusement dans l’intérêt de tous, nous avons une économie laissée à l’anarchie du marché et au profit, et à la place d’une collaboration entre les nations, nous avons la division du monde en États concurrents, les plus puissants accumulant toutes les richesses et écrasant les plus pauvres sous des dettes insurmontables.

Nous n’avons donc pas le choix : pour éviter le désastre environnemental et réparer les pots cassés, nous devons avoir recours à des mesures comme les nationalisations, dans une perspective de transformation socialiste de la société. Faire confiance aux capitalistes ne fonctionne pas. Au Canada, alors que nos dirigeants ont misé sur des mesures d’« incitation » comme le marché du carbone, les émissions totales n’ont baissé que de 1% depuis 2005, et les émissions du secteur de l’énergie fossile ont quant à elles augmenté de 20% durant la même période.

Les parasites capitalistes ont fait leur temps. Ce ne sont pas eux qui devraient être au pouvoir, mais bien les travailleurs, qui créent déjà toute la richesse et font déjà fonctionner toutes les entreprises. Pour sauver notre planète et notre qualité de vie, nous devons plus que jamais lutter pour unir la classe ouvrière, chasser les capitalistes du pouvoir, et établir un véritable contrôle ouvrier démocratique sur l’économie. C’est seulement de cette façon que nous pourrons finalement implanter un « plan vert ».