Pour combattre le « brain rot », détruisons le capitalisme!

Le « brain rot », la chute de l’attention et la dégradation culturelle sont le produit du capitalisme fondé sur l’exploitation de notre attention à des fins de profit. Seule une transformation socialiste de la société, plaçant la technologie sous contrôle démocratique, peut libérer l’humanité de cette aliénation.
  • Ramneet Manrai
  • jeu. 18 déc. 2025
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Alors que l’année 2026 approche, ChatGPT compte 700 millions d’utilisateurs hebdomadaires, et le jeune moyen passera 25 ans de sa vie à scroller sur un écran. Cette technologie, engendrée par la plus grande concentration de capital que l’humanité ait jamais connue, est à 100% motivée par le profit, et personne ne sait exactement ce qu’elle fera à nos cerveaux à long terme.

Des psychologues avertissent que les cas de « psychose liée à l’IA » sont en hausse. Ce diagnostic informel fait référence aux expériences de délires et de paranoïa après des interactions prolongées avec des chatbots de grands modèles de langage (« Large Language Model »; LLM). Des manchettes dignes de Black Mirror sont de plus en plus fréquentes. Un jeune de 16 ans a été conduit au suicide après s’être tourné vers ChatGPT, d’abord pour de l’aide scolaire puis pour du soutien émotionnel. Un autre article décrit un homme tombé dans la mégalomanie après avoir passé 300 heures à converser avec un chatbot – qui l’a convaincu qu’il avait découvert une nouvelle forme de mathématiques capable de faire planter Internet, de construire des champs de force, de léviter et peut-être même de parler aux animaux.

Le PDG d’OpenAI, Sam Altman, est allé sur X pour « exprimer son inquiétude » face à la dépendance émotionnelle croissante des utilisateurs envers ChatGPT. Mais des experts révèlent que les choix de conception manipulateurs de l’industrie alimentent en réalité de tels épisodes psychotiques. Afin d’augmenter l’intérêt accordé au contenu, les chatbots sont conçus pour faire preuve de flagornerie, pour couvrir l’utilisateur d’éloges excessifs et pour confirmer les croyances des utilisateurs, même au détriment de la véracité. Sans surprise, cela exploite des tendances addictives et manipule les utilisateurs pour le profit.

Mais de telles tactiques ne sont pas propres aux chatbots. Depuis des années, les plateformes de médias sociaux traquent nos comportements, compilent des données approfondies sur la façon d’influencer nos décisions, et les vendent aux agences de publicité les plus offrantes. Instagram, X et TikTok rivalisent pour voler notre attention dans la poursuite du profit. Plus nous passons de temps sur nos téléphones, plus ils collectent de données, et plus ils peuvent vendre de publicités. Ils exploitent des mécanismes neurobiologiques de base pour accaparer notre attention au maximum.

Ces entreprises exploitent la même psychologie qui rend les jeux de hasard addictifs pour vous garder accroché à votre téléphone. Le mécanisme « tirez pour actualiser » imite le fait de tirer sur le levier d’une machine à sous pour déclencher de la dopamine. Le « défilement infini » charge continuellement du contenu pour vous faire scroller plus longtemps. La « brume temporelle » supprime les horodatages sur les vidéos, transformant ce qui semble être des minutes en heures d’abrutissement hypnotique. La boucle sans fin du « doomscrolling » a eu un effet dévastateur sur la cognition et la culture de toute une génération.

Déclin cognitif et culturel

Une étude menée par des chercheurs de l’Université de Californie à Irvine a révélé que la durée d’attention moyenne en 2004 était de deux minutes et demie. Aujourd’hui, ce chiffre n’est plus que de 47 secondes, soit moins du tiers de ce qu’il était il y a deux décennies.

Dans la même période, la lecture par plaisir a chuté de 40%. L’année dernière, l’OCDE a rapporté que les niveaux de littératie sont « en déclin ou stagnants » dans la plupart des pays développés. Les scores en mathématiques, en sciences et en compréhension de lecture sont également en baisse à l’échelle mondiale.

Le changement cognitif le plus notable s’est produit au milieu des années 2010, lorsque les téléphones intelligents se sont largement répandus dans les pays développés. La personne moyenne passe maintenant sept heures par jour à fixer un écran, tandis que le « zoomer » moyen en passe neuf. Le sondage jeunesse Harvard 2025 a révélé que moins de la moitié des jeunes Américains ressentent un sentiment de communauté. En 2023, le même sondage a révélé que six jeunes sur dix trouvent « peu ou pas de but ou de sens » dans leur vie quotidienne.

L’ère de l’écran a inauguré une époque d’aliénation et de stagnation créative. La mode, le cinéma et les émissions de télévision des décennies passées sont recyclés à l’infini, reflétant un sentiment généralisé de nostalgie culturelle. Les livres deviennent moins complexes. Les chansons raccourcissent, deviennent plus répétitives, et leurs paroles se simplifient et véhiculent des émotions plus négatives. Ce n’est pas une surprise que le terme « brain rot » (pourrissement du cerveau) ait été l’expression de l’année 2024 d’Oxford.

Quelle est la solution?

Les jeunes ne sont pas inconscients de leur condition. Un sondage Harris de 2023 a révélé que 80% de la génération Z se sent trop dépendante de la technologie. 60% souhaitaient « pouvoir retourner à une époque où tout le monde n’était pas “connecté” ». Dans une tentative d’abandonner leurs écrans, les jeunes redonnent vie aux téléphones à clapet et forment des clubs « luddistes », en référence au mouvement du XIXe siècle des ouvriers britanniques qui brisaient les machines pour protester contre l’automatisation croissante.

La solution, cependant, n’est pas le boycottage individuel, mais l’organisation collective. L’intelligence artificielle a un potentiel immense pour augmenter la productivité collective de la société sur des bases saines, mais seulement si elle est mise en œuvre sous le contrôle démocratique des travailleurs. Une révolution socialiste exploitera cette technologie pour nous émanciper de nos corvées quotidiennes. Ce sera le bond de l’humanité du règne de la nécessité vers le règne de la liberté.