Cinq syndicats, représentant au total 175 000 travailleurs de la construction au Québec, sont entrés en grève dimanche à minuit, suite à l’échec des négociations. Il s’agit de la première grève provinciale de la construction depuis 20 ans. Le chef syndical Yves Ouellet a dit, «Nous avons le droit de grève et nous allons la faire.» La construction s’est arrêtée partout au Québec, malmenant le portefeuille des patrons.

La grève a transformé plusieurs des plus grands projets à travers la province en sites abandonnés. Sont inclus les chantiers du futur CHUM, de l’amphithéâtre pro-hockey de Québec et le chantier hydroélectrique à 8,5 milliards de la Romaine. Au lieu du bruit des marteaux, des perceuses et de l’équipement lourd, on entend les chants et les encouragements des travailleurs de la construction sur les piquets de grève.

Le coeur de la dispute est que les patrons veulent forcer les travailleurs à être payés moins pour travailler plus. Les patrons veulent réduire le salaire des heures supplémentaires de temps double à temps et demi, ce qui représenterait une coupe d’environ 3000 dollars par an dans les salaires. Par la même occasion ils veulent introduire la semaine de six jours et la journée de 14 heures. Les travailleurs ne peuvent accepter cette baisse de leur niveau de vie. De plus, les patrons n’ont offert qu’une augmentation d’un cent, alors que les syndicats demandaient trois sous la première année et 2,75 les deux années suivantes.

Le secteur de la construction au Québec représente près de 15 % du PNB et 51 milliards en investissement. Cette grève porte un coup dur à l’économie du Québec, mais c’est un risqué que les capitalistes étaient prêts à assumer pour arracher des concessions aux travailleurs. Dans les périodes plus stables, les patrons ont été capables de trouver un compromis avec les travailleurs, ce qui explique que l’on n’ait pas vu de grève depuis 1986. Cette fois-ci, l’économie mondiale est en mauvais état. La classe dirigeante se doit d’extraire tout le profit possible de la classe ouvrière.

Yves-Thomas Dorval, du conseil du patronat du Québec a dit, «[e]n 2013, l’inflation au Québec sera d’un pour cent. La croissance économique sera de deux pour cents, mais les syndicats demandent 3.7 pour cent. Il n’y a aucun autre domaine où ils demandent plus que la croissance ou l’inflation.» (Italique Ajouté). C’est l’agenda adopté partout au pays par la classe dirigeante – les travailleurs devront être forcés d’accepter des coupures dans leurs conditions de vie. C’est la réalité du capitalisme d’aujourd’hui, qui n’arrive plus à fournir au peuple de meilleures conditions de travail.

Jusqu’à récemment, le gouvernement provincial du PQ disait qu’il revenait aux patrons de la construction et aux syndicats d’aboutir à une entente. La ministre du travail Agnès Maltais a dit, «Ce sera réglé par la négociation.» Mais, à mesure que la grève continue, et que des projets de valeur sont mis sur la glace, la patience du PQ s’effrite. Alors que cet article était en train d’être écrit, la première ministre Pauline Marois a menace d’adopter une loi spéciale si les négociations entre patrons et syndicats n’aboutissaient pas. Le gouvernement de Marois est pris entre deux camps ; d’un côté ils doivent faire face à la pression de la classe dirigeante qui ne veut plus continuer à perdre de l’argent à cause de la grève. Le maire de la ville de Québec, Régis Labeaume, a dit qu’il n’hésiterait pas à légiférer la fin de la grève. Mais d’un autre côté, forcer le retour au travail pourrait gravement endommager le faible appui au gouvernement minoritaire de Marois. Nous avons vu comment des actions lourdes des gouvernements pouvaient provoquer des réactions ; l’an passé le parti libéral du Québec s’est brûlé les doigts avec l’imposition de la loi 78, et plus récemment, une grève sauvage des gardiens de prison d’Alberta a causé des ondes de choc dans cette province. De plus, le gouvernement Marois doit faire attention de ne pas être vu comme étant proche des patrons corrompus de la construction, un scandale qui a destitué deux maires de Montréal et remis en question la légitimité de tout l’appareil politique de la province.

Le résultat de cette grève pourrait être significative pour tout le mouvement ouvrier non seulement au Québec, mais aussi dans le reste du Canada. Il s’agit de l’une des plus grandes grèves au Québec dans l’histoire récente et les patrons veulent l’utiliser pour passer un message au reste du mouvement ouvrier ; s’ils peuvent forcer un secteur aussi important que celui de la construction à accepter des coupures, il sera plus difficile pour de petits syndicats de combattre des attaques similaires sur leurs conditions de travail. De l’autre côté, la victoire des travailleurs de la construction pourrait encourager les travailleurs d’autres secteurs et leur montrer qu’il est possible de combattre et vaincre l’agenda d’austérité du capitalisme. C’est pour cela que cette grève ne concerne pas seulement les cinq syndicats en grève et leurs 175 000 travailleurs, mais tout le mouvement ouvrier.

En conséquence, il est pertinent pour tout le mouvement ouvrier – cela inclut les associations ouvrières comme étudiantes, Québec Solidaire et le NPD – de montrer leur appui complet à cette grève. En plus des annonces d’appui, des actions concrètes devraient être posées, comme des manifestations en solidarité ou des visites sur les piquets de grève. C’est seulement avec une telle unité que nous pourrons vaincre les patrons de la construction.