
Après avoir lancé un nouvel assaut intensifié sur Gaza, Israël est soudainement confronté à une série de dénonciations de la part de ses plus proches alliés en Occident, y compris le nouveau premier ministre canadien, Mark Carney.
Certains y voient une victoire pour la Palestine, ou un soudain réveil humanitaire des dirigeants occidentaux. Mais qu’est-ce qui se cache vraiment derrière ce changement?
Changements géopolitiques
Après près de deux années de soutien aveugle à Israël, les puissances occidentales ont maintenant changé de ton face à ce qui est appelé l’opération « Chariots de Gédéon », le plan d’Israël d’occuper la bande de Gaza et de déplacer la population de façon permanente.
On peut le constater dans la presse avec des grands titres tels que « La guerre à Gaza doit cesser » et « Le silence honteux de l’Occident sur Gaza » qui sont maintenant chose courante. Ces titres proviennent des poids lourds de la presse impérialiste occidentale, tels que The Economist et le Financial Times.
Ce changement se remarque également au sein de l’establishment politique. Le 19 mai, Mark Carney, Keir Starmer et Emmanuel Macron ont publié une déclaration commune condamnant les opérations d’Israël à Gaza, le blocage de l’aide humanitaire aux Palestiniens et l’expansion des colonies en Cisjordanie. Le lendemain, l’Union européenne a annoncé qu’elle ouvrirait une enquête sur son accord commercial avec Israël. La Grande-Bretagne a également rompu ses négociations commerciales avec Israël et imposé des sanctions à une poignée de colons et d’entreprises de Cisjordanie.
Le régime d’Israël n’a pas pris ces critiques à la légère. Netanyahou a accusé Carney, Starmer et Macron de soutenir le Hamas. Un incident plus dramatique s’est produit lorsque des soldats de l’armée israélienne ont tiré des coups de feu en direction d’une délégation diplomatique en visite à Jénine, en Cisjordanie, qui comprenait deux Canadiens. Tout cela a semblé cimenter un nouveau ton, plus froid, dans les relations entre l’Occident et Israël.
Trump contre Netanyahou
Ce changement d’attitude a été mené par Donald Trump, qui a fait preuve de beaucoup moins de patience que Joe Biden à l’égard des frasques de Netanyahou. Trump n’est pas un pacifiste, mais il reconnaît les nouvelles limites de l’impérialisme américain. Il est déterminé à éviter d’être entraîné dans un nouveau bourbier comme l’Afghanistan ou l’Irak. Il veut imposer un accord de paix à Gaza et se retirer entièrement de la région, pour mettre fin aux « guerres éternelles » des États-Unis.
Netanyahou, quant à lui, poursuit une politique visant à se maintenir politiquement en vie et à éviter la prison. Cette politique va à l’encontre des intérêts de l’impérialisme américain dans la région. Il a rompu le cessez-le-feu mis en place par Trump pour satisfaire les fanatiques d’extrême droite qui soutiennent son gouvernement. Il a tenté de provoquer une guerre régionale en entraînant l’Iran dans un conflit militaire direct.
Netanyahou a ainsi prouvé à Trump qu’il est prêt à sacrifier les intérêts de l’impérialisme américain pour arriver à ses propres fins.
La récente visite de Trump au Moyen-Orient a envoyé un message clair. Il a négocié un accord de paix avec les Houthis et la libération du dernier otage américain par le Hamas, le tout sans la participation d’Israël. L’accord de paix avec les Houthis n’impose d’ailleurs aucune restriction aux attaques contre Israël.
Trump a également négocié des accords commerciaux significatifs avec de nombreux États du Golf et levé les sanctions contre la Syrie, qu’Israël bombarde. Ce qui symbolise sans doute le mieux la rupture entre Trump et Netanyahou, est le fait qu’il négociera un accord nucléaire avec l’Iran, l’ennemi juré d’Israël.
Historiquement, le soutien inconditionnel de l’Occident à Israël reposait sur le fait que ce pays était un allié fiable dans la région. Mais l’insouciance de Netanyahou met ce statut en péril. La tournée de Trump au Moyen-Orient, qui a ostensiblement évité Israël, a montré qu’il était prêt à chercher de nouveaux points d’appui dans la région, ce qui a donné aux autres dirigeants occidentaux le feu vert pour adopter un ton plus ferme avec Israël également.
L’hypocrisie de l’impérialisme occidental
Mais il ne s’agit là que d’opportunisme politique. Alors qu’au moins 45% de la population canadienne considère qu’Israël commet un génocide, il est dans l’intérêt direct des politiciens de s’en laver les mains.
Derrière toutes ces belles paroles, aucune mesure réelle n’a été prise à l’encontre d’Israël. Ironiquement, la menace de « mesures concrètes » de la déclaration commune est tout à fait abstraite. La Grande-Bretagne a mis fin aux négociations commerciales, mais ses accords antérieurs avec Israël restent en place, et ses minuscules sanctions n’auront pas d’impact significatif. L’Union européenne aurait besoin d’un accord unanime des 27 pays membres pour annuler son accord commercial, ce qui n’arrivera pas.
Malgré leurs déclarations d’indignation, les pays impérialistes occidentaux restent les principaux fournisseurs du génocide. Alors que le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, condamnait l’assaut israélien comme étant « moralement injustifiable », des avions de surveillance britannique continuaient à survoler Gaza, fournissant des renseignements à l’armée israélienne. S’ils étaient réellement animés par des préoccupations humanitaires, ces dirigeants pourraient immédiatement prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux livraisons d’armes, d’équipement et d’argent à Israël.
Carney n’a rien fait d’autre que d’échanger quelques paroles acerbes avec Netanyahou. Les contrats militaires préexistants resteront en place, aucune sanction n’a été imposée à Israël et l’accord de libre-échange entre le Canada et Israël restera en vigueur. Si l’on compare ce traitement aux mesures prises à l’encontre de la Russie, l’hypocrisie impérialiste occidentale est évidente.
Aucune confiance envers les impérialistes!
Même si les puissances impérialistes occidentales prenaient des mesures plus concrètes contre Israël, ce ne serait pas par souci des droits de l’homme ou par désir de paix. Les politiciens impérialistes occidentaux n’ont aucun intérêt à aider réellement les Palestiniens.
En définitive, l’impérialisme est un phénomène économique. Tous les discours sur les « droits de l’homme », la « souveraineté » ou la « paix » ne sont que de la poudre aux yeux pour masquer les véritables intérêts des impérialistes : les marchés, les investissements, les profits et les sphères d’influence.
Alors que l’ordre mondial créé après la Seconde Guerre mondiale se dégrade, les conflits et les guerres impérialistes deviennent de plus en plus courants. Sous l’impérialisme, il n’y a pas de paix véritable, il n’y a pas d’échappatoire aux horreurs que nous voyons de plus en plus dans le monde. Les peuples du monde ne sont que des pions pour les impérialistes dans leurs grandes luttes de pouvoir.
Aucune pression sur les institutions de la classe dirigeante ne suffira pour changer fondamentalement cette situation. Seule une révolution peut remettre en cause le pouvoir de l’impérialisme. Seule une révolution peut mettre fin à cette situation barbare et inaugurer une nouvelle société, libérée de l’impérialisme prédateur qui saigne à blanc les peuples dans l’intérêt du profit.