Seule la classe ouvrière peut mettre fin au génocide en Palestine

Il est clair que les marches, les pétitions et les campagnes d’envoi de lettres ne suffisent pas. L’État n’a pas écouté les appels moraux. Il faut lui opposer le langage de la force.Les organisations les mieux placées pour utiliser cette force à l’heure actuelle sont les syndicats. Mais les dirigeants syndicaux n’ont pratiquement rien fait pour Gaza.

  • Laine Sheldon-Houle
  • jeu. 2 mai 2024
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Le mouvement de solidarité avec la Palestine est à la croisée des chemins. Des centaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues pour réclamer un changement, et ces manifestations ont été ignorées par tous les grands partis politiques.

Alors que Justin Trudeau parle maintenant de « graves préoccupations » pour les Palestiniens, la vacuité de ces paroles est évidente. Les exportations militaires du Canada vers Israël continuent d’affluer, les affaires courantes règnent, même après six mois sanglants de ce génocide. « Le Canada est aux côtés d’Israël. »

Il est clair que les marches, les pétitions et les campagnes d’envoi de lettres ne suffisent pas. L’État n’a pas écouté les appels moraux. Il faut lui opposer le langage de la force.

Inaction de la direction syndicale

Les organisations les mieux placées pour utiliser cette force à l’heure actuelle sont les syndicats. Mais les dirigeants syndicaux n’ont pratiquement rien fait pour Gaza. Aucun dirigeant syndical n’a proposé de moyen de pression industriel pour la Palestine.

Une poignée de syndicats tels que le SCFP et l’AFPC se sont récemment prononcés en faveur d’un embargo sur les armes. Mais là encore, aucune action n’a été entreprise.

Rien ne peut être expédié en Israël sans que des milliers de travailleurs ne coopèrent, ne fassent fonctionner les machines, les camions, les grues, les ordinateurs, les treuils et même les navires qui permettent le transport des armes vers Israël. La classe ouvrière peut décider d’arrêter l’envoi d’armes utilisées pour perpétrer le génocide ; elle peut arrêter toute la société si elle le souhaite.

De telles mesures priveraient immédiatement la machine de guerre israélienne de ces ressources, ce qui ferait véritablement pression sur Israël. Mais les dirigeants syndicaux ont été trop lâches pour entreprendre cette lutte.

Grève pour Gaza

Une partie du mouvement de solidarité avec la Palestine comprend que les manifestations hebdomadaires ne suffisent pas. Sous la bannière de A15action, l’initiative a été lancée d’organiser un « blocus économique coordonné pour libérer la Palestine » le 15 avril. Une autre initiative, #StrikeforGaza (« grève pour Gaza »), a également été proposée pour le même jour. C’est un bon pas en avant que de voir le langage de la lutte des classes au premier plan.

Mais les appels à l’action de #Strike4Gaza, tout en parlant le langage de la lutte des classes, indiquaient encore une vision individualiste de la lutte. Leur site web appelait les gens « 1) à s’abstenir de mener leurs affaires comme d’habitude (par exemple, pas de dépenses, pas de travail, pas d’école, pas d’opérations bancaires); 2) à s’abstenir de participer à toute forme d’action qui stimule l’économie ». Cela n’est pas une grève.

Les travailleurs ne sont puissants que lorsqu’ils agissent collectivement. En tant qu’individus, ils sont impuissants. Les dépenses et les opérations bancaires se font individuellement, pas collectivement. La grève est l’outil principal de la classe ouvrière, car elle exprime son énorme pouvoir collectif.

Les gens se sont-ils abstenus de dépenser et d’effectuer des opérations bancaires, ont-ils séché l’école ou le travail et ont-ils participé à une manifestation le 15 avril? Peut-être. Le gouvernement, les médias et les banques n’ont pas semblé s’en rendre compte.

A15action 

Par contre, les perturbations de A15Action n’ont pas pu être ignorées. Ils expliquent leurs actions ainsi : « L’économie mondiale est complice du génocide. Rejoignez les villes participantes pour bloquer les artères du capitalisme et bloquer les rouages de la production. »

En réponse à cet appel, des dizaines de petits et moyens blocages de ports, de routes et d’aéroports ont été organisés dans le monde entier. Le Deltaport de Vancouver a été bloqué pendant des heures par une centaine de personnes. À Halifax, des manifestants ont bloqué la circulation, avant que la police ne disperse la manifestation et n’arrête 19 personnes. Au sud de la frontière, à Chicago, les routes menant à l’aéroport ont été bloquées par des manifestants le matin du 15, ce qui a entraîné des dizaines d’arrestations et retardé le trafic de l’aéroport jusqu’à 9 heures du matin.

Les militants de l’A15 ont raison de penser qu’il faut perturber l’activité économique. La première tâche serait de mettre fin à l’envoi d’armes à Israël dans les ports nord-américains. Mais ce n’est pas en bloquant une route ou un port avec quelques centaines d’activistes sans la participation des travailleurs qu’on y parviendra. L’arrêt de l’activité économique ne peut se faire de l’extérieur. C’est aux travailleurs eux-mêmes qu’il incombe d’arrêter leur propre lieu de travail. Des militants venus de l’extérieur pour empêcher les travailleurs d’aller travailler risquent de susciter l’hostilité des travailleurs, alors que l’objectif devrait être de les rallier à la lutte pour la Palestine.

Ce sont les travailleurs qui font tourner « les rouages de la production ». Ce sont eux qui ont le pouvoir de les bloquer. Aucune roue ne tourne, aucune lumière ne brille sans l’aimable autorisation de la classe ouvrière. Ce qui a cruellement manqué au mouvement jusqu’à présent, c’est le poids de la classe ouvrière agissant collectivement en tant que classe.

Désarmer l’impérialisme

Une pression énorme s’est accumulée et des millions de personnes veulent se battre pour la Palestine. La récente explosion sur les campus américains en témoigne.

Aujourd’hui, la classe ouvrière doit être intégrée au mouvement, et le mouvement de solidarité avec la Palestine doit se donner pour mission de faire en sorte que cela se produise. Les appels aux blocages et à l’action économique doivent être suivis de tentatives pour atteindre les travailleurs et les persuader d’entamer une grève politique contre le génocide, de refuser de laisser passer entre leurs mains les armes qui alimentent la machine de guerre israélienne.

Nous avons déjà eu un exemple de ce qui serait possible avec le mouvement autochtone en 2020. À Vancouver, les débardeurs syndiqués avec l’ILWU ont respecté un blocus initié par les militants Wet’suwet’en. Après un bref échange, un travailleur de l’ILWU a dit à un militant : « Nous voulons que les gens respectent nos piquets de grève, alors nous devrions respecter les vôtres. »

Dans le cas de la Palestine, les travailleurs portuaires d’Espagne, d’Italie et d’Inde, entre autres, ont pris des mesures pour empêcher l’envoi d’armes à Israël. C’est ce dont nous avons besoin pour faire avancer le mouvement au Canada. Collectivement, ce sont les travailleurs du monde entier qui ont le pouvoir de mettre fin à ce génocide.

En fin de compte, la classe ouvrière doit déloger du pouvoir les semeurs de guerres et construire une nouvelle société libérée de l’impérialisme, de la guerre et de l’exploitation.