Le 17 mai dernier, la CAQ a dévoilé son plan de 3e lien entre Québec et Lévis.  Il est question d’un énorme tunnel autoroutier de 8,3 km dont les coûts pourraient atteindre 10 milliards de dollars selon les estimations préliminaires du gouvernement. Dans le cadre des négociations collectives du secteur public, François Legault disait pourtant au début du mois que le gouvernement est « au bout de la capacité de payer des Québécois » et qu’il « n’y aura pas plus d’argent sur la table » pour les travailleurs en négos. Mais maintenant qu’il s’agit de financer un projet inutile aux travailleurs, mais qui plaît au patronat, la CAQ a trouvé un petit 10 milliards de dollars dans les craques du sofa!

Une construction absurde 

C’est sous la forme d’une vidéo promotionnelle que la CAQ a révélé les détails du 3e lien : un immense tunnel autoroutier sur deux étages qui relierait à l’Est l’autoroute 20 à l’autoroute Laurentienne, près du Centre Vidéotron. La CAQ espère ainsi diminuer le temps de parcours entre le centre-ville de Québec et Lévis. Selon les projections gouvernementales, ce serait entre 50 000 et 55 000 véhicules qui emprunteraient quotidiennement le tunnel. Or, la majorité des automobilistes de la Rive-Sud qui se rendent à Québec proviennent de l’Ouest. Le 3e lien ne concernerait ainsi que moins de 3% du trafic automobile de la grande région métropolitaine de Québec en heure de pointe. En pleine crise du capitalisme, il s’agit d’un véritable gaspillage de ressources. 

Le projet n’apporte aussi aucune solution aux problèmes de congestion à l’Ouest que vivent quotidiennement des milliers de travailleurs. Au contraire, le 3e lien contribuerait au cercle vicieux de l’étalement urbain, de l’augmentation des automobilistes et de la congestion. Le financement du transport en commun bénéficierait beaucoup plus aux travailleurs et réduirait considérablement l’utilisation de la voiture. Pour ces raisons, depuis des années, la grande majorité des experts urbanistes remettent en question l’efficacité d’un 3e lien. Malgré tout, la CAQ continue d’affirmer que le 3e lien est « nécessaire pour Québec » sans étude à l’appui. 

Une tentative de « greenwashing » 

Troisième lien | Le tunnel Québec-Lévis sortira à ExpoCité | La Presse

Le gouvernement a publié le trajet du 3e lien dans une carte colorée qui rappelle les lignes du métro de Montréal. On y trouve également une desserte de la Rive-Sud, une desserte des banlieues, et le trajet du futur tramway. La CAQ présente le tout comme le Réseau express de la Capitale (REC), un supposé projet de transport collectif. En réalité, il ne s’agit que d’un élargissement d’autoroutes qui en fait bien peu pour le transport commun. La CAQ tente de verdir le 3e lien en l’associant au tramway et au métro de Montréal. Elle doit évidemment camoufler la hausse de GES et la baisse de la qualité de l’air que provoquerait la construction du tunnel. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement de Legault fait du « greenwashing ». 

Cependant, de plus en plus de travailleurs sont conscients de l’impasse de la CAQ en matière environnementale. À la suite de l’annonce du REC, plus de 25 000 personnes ont signé une pétition circulant sur les réseaux sociaux pour contester le projet du 3e lien. Un récent sondage révèle même que c’est plus de la moitié des québécois qui s’opposent à la construction du tunnel. À Québec même, l’appui au projet a fondu depuis les élections, passant d’autour de 80% à 47%. Il faudra donc s’attendre à une série de manifestations. Notamment, les quartiers ouvriers comme Limoilou et Saint-Roch ont déjà commencé à se mobiliser pour défendre leur qualité de vie, puisqu’ils seraient les plus touchés par cet élargissement d’autoroutes.

Tout comme GNL Québec et Laurentia, le 3e lien prouve amplement que sous le capitalisme, les profits passent avant la protection de l’environnement et la qualité de vie des travailleurs.

Qui en profite?

Si beaucoup de travailleurs s’opposent au 3e lien, c’est plutôt l’inverse chez les patrons. Dans une lettre ouverte, 167 dirigeants d’entreprises et représentants du monde des affaires ont donné leur appui au REC. Dans la liste des signataires, on retrouve notamment les chambres de commerce de Lévis et de Québec, le Port de Québec, la Caisse Desjardins de Lévis et de nombreuses entreprises de l’industrie de la construction. Selon eux, le REC « assurera la mobilité des travailleurs, l’attractivité et la rétention des talents, la compétitivité de nos entreprises et le transport efficient des marchandises par l’industrie du camionnage ».

La CAQ partage visiblement cet objectif patronal, puisque le ministre des Transports François Bonnardel a affirmé que l’Association du camionnage du Québec (ACQ) sera consultée tout au long du développement du projet. 

Aussi, certains patrons se réjouissent d’avoir une meilleure mobilité de leurs employés qui emprunteraient le 3e lien. L’entrepreneur Jacques Tanguay a bien résumé ce qui motive le patronat de Québec à soutenir le 3e lien lorsqu’il a affirmé que « les heures passées dans le trafic sont des heures qui sont non productives ». Bref, la croissance des profits est encore une fois l’unique intérêt de ces capitalistes pour justifier un 3e lien.

Mais les entreprises qui soumissionneront pour construire le tunnel en auront elles aussi pour leur argent. Bien que les coûts soient estimés à 10 milliards de dollars, ce sera sans doute bien plus. En effet, une fois construit, il s’agira du plus gros tunnel dans le genre au monde, ce qui veut dire que peu d’entreprises ont l’expertise pour soumissionner. Pour un tunnel similaire en Russie, une seule entreprise avait offert ses services. Les entreprises auront donc le gros bout du bâton et pourront faire gonfler les coûts, et gonfler leurs profits.

Pour un contrôle démocratique des industries de la construction et du transport

Le 3e lien révèle bien les priorités de la CAQ, qui s’entête dans son méga-projet absurde dans le but évident de gagner quelques votes – quoique cela ne soit pas garanti, avec la contestation qui monte. Avec 10 milliards de dollars, c’est 978 nouvelles écoles, 39 hôpitaux, ou 84 000 logements sociaux qui pourraient être construits. Alors que les services publics s’écroulent et que les travailleurs font face à une crise du logement, il est urgent de répondre aux besoins de la classe ouvrière plutôt que de gaspiller toutes ces richesses dans « un des plus gros tunneliers au monde ».  Cependant, de tels projets sont loin d’être aussi profitables aux capitalistes que le 3e lien.

Tant et aussi longtemps que l’économie sera axée sur les profits, les projets polluants et profitables aux capitalistes passeront toujours avant les avis scientifiques et les réels besoins des travailleurs. Sous le capitalisme, la gestion de l’urbanisme est entièrement chaotique; les populations concernées ne sont pas consultées, les entreprises de construction gonflent les coûts, la question environnementale est une arrière-pensée. On ne contrôle pas ce qu’on ne possède pas. Nous devons revendiquer la nationalisation de l’industrie de la construction et de celle du transport sous le contrôle des travailleurs, en vue de planifier démocratiquement l’aménagement urbain. En sortant le profit de ces industries, nous pourrons mettre les besoins des communautés et de l’environnement au premier plan.  Avec une économie gérée démocratiquement en fonction des besoins des gens et non des profits, nous pourrions financer massivement le transport en commun pour le rendre gratuit et accessible à tous, jusque dans les banlieues et au-delà.

Non au grand projet capitaliste caquiste! 

Pour un transport en commun accessible, gratuit, contrôlé par les travailleurs!

Pas de solution capitaliste à la crise climatique!