Il y a un professeur égyptien dans mon école que je rencontre de temps en temps pour discuter de marxisme. Il achète souvent le journal et lit nos articles en ligne. Il est pessimiste quant à la possibilité d’une révolution.
Lors de notre dernière rencontre dans son bureau, il m’a dit que l’État était trop puissant, qu’il ne pourrait jamais être vaincu. J’ai expliqué que l’État n’est pas aussi fort qu’il en a l’air; il contient les contradictions de la société de classes, avec des couches inférieures qui sympathisent parfois et font même défection pour se ranger du côté des travailleurs dans une révolution. De plus, il ne peut pas tenir tête aux masses lorsqu’elles sont organisées!
Pendant un bref instant, il a eu ce regard romantique et lointain, comme s’il était ailleurs, et m’a dit qu’il se souvenait d’avoir été un jeune étudiant diplômé en Égypte en 2011. Il m’a raconté avec enthousiasme comment, avant que la révolution n’éclate, son peuple était terrifié par Moubarak; bien des gens disaient qu’il ne pourrait jamais être renversé, que son État était trop puissant et trop bien armé.
Pourtant, lorsque le printemps arabe a éclaté, il se souvient parfaitement d’avoir vu des policiers rentrer chez eux en sous-vêtements – ils ne voulaient pas être pris en uniforme, de peur de subir la colère des masses! Là où il y avait un officier armé à chaque coin de rue, il n’y en avait soudain plus du tout. Il a alors admis que la révolution n’est peut-être pas si impossible qu’il n’y paraît, et l’État pas si puissant!