Les travailleurs de Molson à Montréal sont en grève depuis presque un mois maintenant. Pour les soutenir, La Riposte syndicale avait lancé l’initiative d’une visite à leur piquet de grève au centre de distribution sur la rue Dickson, hier le 20 avril. En plus des camarades de La Riposte syndicale et de leurs sympathisants, des membres des locaux 610 et 579 du SEPB ont répondu à l’appel. Sur la ligne de piquetage, nous avons rencontré des travailleurs qui gardent le moral malgré le froid, les scabs et la tête dure de l’employeur. 

Comme nous l’ont expliqué les travailleurs, « il n’y a aucune négociation ». L’employeur a envoyé ses exigences au syndicat et depuis, « silence radio ». Il n’a pas pris le téléphone pour amorcer les négociations. C’est « à prendre ou à laisser ». Et comme cette offre représente une attaque directe sur les acquis des travailleurs, ils n’avaient pas le choix de se défendre par la grève. 

L’employeur exige des reculs sur une série de points, dont les retraites et les assurances. 

Notamment, son offre vient attaquer les travailleurs sur l’ancienneté. Sébastien Deschamps, qui travaille pour Molson depuis presque 20 ans, nous a expliqué que l’employeur souhaite passer à un système d’« ancienneté départementale ». « C’est à dire que chaque département pourrait se départir d’un employé peu importe son ancienneté dans le reste de l’usine », dit-il. « Ça veut dire qu’un travailleur de 20 ans de date, s’il manque d’ouvrage, pourrait perdre son emploi, alors qu’un autre avec un an de date, mais dans un autre département, lui, garderait sa job. Ça va être plus facile pour [l’employeur] d’éliminer des employés qui sont censés avoir des jobs garanties jusqu’à leur retraite. » Évidemment, le patron s’en servira pour se débarrasser des travailleurs aux échelons supérieurs, donc mieux payés.

La charge de travail des livreurs aussi est en jeu. Giovanni Spalonne, secrétaire syndical du local 1999 des Teamsters, nous a expliqué comment Molson essaie d’en mettre davantage sur le dos des livreurs : « Il y a beaucoup d’invalidité depuis les dernières années [chez les livreurs]. On veut réduire leur charge de travail, leur timing, mais la compagnie veut en mettre davantage dans les camions. Ça c’est un élément crucial pour nos livreurs. Il y a énormément d’invalidités et de blessures sur la CSST. Eux, encore une fois, ils en mettent toujours un peu plus pour que les camions sortent avec plus de produits. » L’attitude de Molson sur cette question est représentative de l’attitude générale des capitalistes, qui n’hésitent pas à sacrifier la santé des travailleurs si cela peut leur permettre d’aller chercher plus de profits.

L’offre salariale est particulièrement scandaleuse. L’employeur demande essentiellement aux travailleurs d’accepter une baisse de salaire, puisque son offre salariale de 2,25% par année sur quatre ans ne suit pas du tout l’inflation, qui a atteint un sommet de 6,7% en mars au Canada. L’enjeu de l’érosion des salaires par l’inflation touche tous les travailleurs – des luttes comme celle des grévistes de Molson risquent de survenir de plus en plus souvent dans la période à venir. 

Et tout cela arrive alors que les ventes nettes de la compagnie ont augmenté de 6,5% en 2021, et qu’elle a fait des profits de 1 milliard de dollars. Mais cet argent, produit du labeur des travailleurs, ne se retrouvera pas dans leurs poches, mais dans celles des patrons. Le PDG a reçu un salaire de 6,8 millions de dollars en 2020, alors que la cheffe de la direction des finances en a gagné 2,9 millions. Parions qu’ils en gagneront encore plus en 2022.

Rien n’est trop bas pour la direction quand vient le temps d’extraire jusqu’à la dernière goutte de profits des travailleurs. L’employeur a ainsi eu recours à des briseurs de grève. Le syndicat en a compté une quinzaine dans la première semaine. En plus des cadres de l’établissement lui-même, l’employeur a utilisé des gestionnaires provenant d’autres établissements de Molson, ce qui est illégal. 

Le syndicat s’est rendu devant les tribunaux pour demander à l’employeur de cesser d’utiliser des briseurs de grève. Toutefois, les travailleurs restent vigilants et gardent un œil sur les camions de Molson, car ils soupçonnent que l’employeur continue malgré tout cette pratique illégale. Dans la première semaine de la grève, les travailleurs avaient bloqué l’entrée par des piquets durs. Mais comme l’explique M. Spalonne, « la compagnie est allée devant la Cour supérieure et il y a eu une injonction, et depuis ce temps-là, on respecte l’injonction ».

Il semble que ces gestionnaires commencent à regretter de jouer les briseurs de grève. Comme ils sont plus habitués à rester assis derrière leur bureau qu’à charger et décharger des caisses de bière comme les employés sur le plancher, les blessures sont nombreuses. Quatre d’entre eux se seraient blessés dans la première semaine seulement. Pour cette raison, les travailleurs de Molson n’appellent pas leurs supporters au boycott. Au contraire, la consommation de bières met de la pression sur les cadres et les scabs, qui s’épuisent à la longue. Visiblement, ils n’ont pas ce que ça prend pour faire le travail que font leurs employés.

Dans cette guerre d’usure, les travailleurs de Molson ont besoin du soutien actif du reste du mouvement ouvrier. Si la direction des Teamsters et de la FTQ s’organisaient pour amener des centaines de supporters sur les piquets, cela enverrait le message que tout le mouvement les appuie, et contribuerait à démoraliser les scabs qui sont déjà au bout du rouleau. Une victoire pour les travailleurs de Molson représenterait une victoire pour l’ensemble des travailleurs. Elle signalerait à tout le monde qu’il est possible de lutter contre l’érosion des salaires par les méthodes de la lutte des classes, et ferait réfléchir à deux fois le prochain patron qui voudrait profiter de l’inflation pour imposer des coupes salariales. « Tous les travailleurs, j’ai l’impression qu’ils sont de notre bord », dit M. Deschamps. Cette sympathie doit maintenant se concrétiser en solidarité active. 

Solidarité avec les grévistes de Molson!

Luttons contre l’inflation par les méthodes de la lutte des classes!