Arrêtons la marchandisation de la Fierté LGBT!

La commercialisation croissante des défilés de la Fierté LGBT d’aujourd’hui a miné et dissimulé la nature politique aux racines de la Fierté pour commémorer les émeutes historiques et héroïques de Stonewall de 1969, qui furent une réponse à la brutalité policière endémique et la répression subies par les personnes LGBT. Stonewall a servi de catalyseur […]

  • Nasha Mavalvala
  • jeu. 10 juill. 2014
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La commercialisation croissante des défilés de la Fierté LGBT d’aujourd’hui a miné et dissimulé la nature politique aux racines de la Fierté pour commémorer les émeutes historiques et héroïques de Stonewall de 1969, qui furent une réponse à la brutalité policière endémique et la répression subies par les personnes LGBT. Stonewall a servi de catalyseur pour les mouvements de masse organisés pour appuyer les droits des homosexuel-le-s à travers les États-Unis, en particulier le Gay Liberation Front, au plus fort des mouvements pour la libération des femmes, le Black Power, les Droits civils, et le mouvement contre la guerre. Chez nous, les raids dans les saunas à Toronto en 1981 ont redynamisé la lutte pour les droits des homosexuel-le-s à travers le Canada. En fait, la Fierté a maintenant régressé jusqu’à devenir à peine plus qu’une énorme fête, largement commanditée par des entreprises comme TD, Trojan, et Pfizer. Il n’y a rien de mal à une grande fête, mais quand elle prend fin, les jeunes et les travailleurs-euses LGBT continuent d’être parmi les couches les plus opprimées de la société. Ils continuent à faire face à la discrimination, la violence et les crimes haineux, et continuent de souffrir de façon disproportionnée de la pauvreté, de l’itinérance, du suicide, et des questions de santé mentale. Voilà pourquoi nous devons lier les questions LGBT à la lutte plus large pour le socialisme – afin que nous puissions célébrer nos victoires tout en continuant à lutter pour une véritable libération.

La situation des personnes LGBT évolue lentement dans une direction positive. Au Canada, le mariage homosexuel a été légalisé en 2005, et de nombreux endroits à travers le monde épousent ce droit fondamental de l’égalité au mariage. L’adjoint au maire de Toronto Norm Kelly et la conseillère municipale Kristyn Wong-Tam ont lancé une invitation vidéo pour un mariage de masse « LGBT » au Casa Loma pendant les festivités mondiales de la Fierté. Pourtant, après presque une décennie de mariage homosexuel légalisé au Canada, de nombreux problèmes graves auxquels font face la majorité de la communauté LGBT restent: les crimes haineux, la répression policière, le manque de soutien et de ressources à l’école, et l’itinérance ne sont que quelques-uns de ces problèmes.

Le mouvement pour la libération des LGBT a combattu et a remporté de nombreuses victoires que nous devrions sans aucun doute célébrer. Mais ces victoires ne sont pas absolues ou définitives; elles doivent être utilisées pour faire avancer la lutte et poursuivre notre libération. Comment pouvons-nous le faire sous le capitalisme?

Abordant la question du droit des femmes de divorcer en 1916, Lénine écrivait:

« Les marxistes n’ignorent pas que la démocratie ne supprime pas le joug de classe, mais rend seulement la lutte des classes plus nette, plus large, plus ouverte, plus aiguë ; c’est cela qu’il nous faut. Plus la liberté du divorce est complète, et mieux la femme voit que son ‘‘esclavage domestique’’ est dû au capitalisme, et non pas à l’absence de droits. Plus la structure de l’État est démocratique, et mieux les ouvriers voient que c’est le capitalisme qui est la cause de tout le mal, et non pas l’absence de droits. Et ainsi de suite. »

Ces mots valent pour les droits des LGBT aujourd’hui. Nous devons lutter pour chaque réforme et droit qui améliore même légèrement la vie des personnes LGBT. Mais nous devons comprendre que les droits juridiques et politiques sont limités. Nous devrions soutenir le mariage gai comme une réforme, car cela soulage sans aucun doute de certaines discriminations. Par exemple, il existe de nombreux allégements fiscaux et des prestations médicales pour les couples mariés, ainsi que des conséquences en ce qui concerne l’immigration et le parrainage social. Pourtant, si nous cadrons le débat sur le mariage gai d’une manière différente, nous pourrions demander, pourquoi un quelconque type de mariage vous permettrait un accès plus facile à l’impôt, la santé et les prestations de retraite? Pourquoi ces sphères fondamentales de la vie ne sont-elles pas prises en charge pour l’ensemble de la société, indépendamment de l’arrangement pour le couple ou le statut matrimonial? Alors que la demande pour l’égalité signifie que les personnes LGBT doivent être libres de choisir ou non de se marier, l’importance dominante accordée à l’égalité du mariage l’a été en grande partie au détriment d’autres problèmes graves rencontrés par les personnes LGBT. En tant que réforme sous le capitalisme, le droit au mariage ne suffira pas à mettre fin à l’oppression des LGBT.

Autant que des changements juridiques formels sont nécessaires pour lutter, des attitudes sociales et culturelles profondément enracinées sont beaucoup plus difficiles à transformer sans une compréhension de la base économique de l’oppression. Même avec l’égalité formelle et juridique, il doit y avoir une base matérielle pour que l’égalité soit vraiment mise en pratique.

Les implications de l’austérité pour les personnes LGBT

La mise en œuvre de politiques d’austérité va annuler la plupart des gains importants réalisés par les luttes des LGBT. Il y a peut-être plus de conscience, de ressources, et d’organisations de défense des droits pour les jeunes et les travailleurs LGBT, mais les compressions budgétaires et les attaques sur les services pour la jeunesse, l’assistance psychosociale, les services de santé, etc., auront un effet destructeur sur les personnes LGBT.

Un rapport de 2013 par l’organisme NatCen Social Research, basé au Royaume-Uni, a constaté que les principaux moyens par lesquels l’austérité affecte les personnes LGBT comprend « de plus grandes difficultés financières suite aux licenciements, aux réductions de salaires réels à long terme et aux changements des prestations sociales; des problèmes pour trouver un logement où ils pourraient se sentir en sécurité et qui sont ‘‘LGBT-friendly’’; une réduction dans les services de santé sexuelle et de santé mentale répondant à leurs besoins spécifiques; et un plus grand sentiment de marginalisation et d’invisibilité étant donné que les spécialistes des services et du soutien aux LGBT ont disparu ».

Le rapport a également constaté que « les questions et les préoccupations des LGBT ont été traitées comme étant moins importantes que d’autres préoccupations; comme une ‘‘bonne chose à faire’’ qui pourrait être abandonnée dans des temps plus durs ». Voilà que les boucs émissaires entrent en jeu – le capitalisme nous oppose les uns aux autres, dans une lutte pour les restes de table de la classe dirigeante qui jouit d’un « financement » plus que suffisant pour se remplir les poches.

En 2011, les compressions budgétaires ont forcé le Street Outreach Services (SOS) de Toronto à fermer ses portes. Le centre de soutien pour les jeunes travailleurs-euses du sexe et les sans-abri LGBT a été fermé après 26 ans, avec la justification qu’ « avec l’avènement des téléphones portables et de l’internet, il y a une diminution significative de la prostitution de rue par les jeunes, il y a aussi maintenant de nombreux services pour les LGBT, il y a eu une augmentation dans les services pour les jeunes sans-abri, et il y a un certain nombre d’autres organismes desservant les jeunes qui offrent des services aux mêmes types de jeunes desservis par SOS. » Ceci est un cas concret des préoccupations soulevées par le rapport.

En Colombie-Britannique, une enquête de 2008 sur la santé des adolescent-e-s (AHS) effectuée auprès d’élèves de la 7e à la 12e année a révélé que 28% des jeunes LGBT avait tenté de se suicider, comparativement à 4% des jeunes hétérosexuel-le-s. En 2010 en Ontario, une étude sur les jeunes transsexuel-le-s âgé-e-s de 16 à 24 ans a révélé que 47% ont déclaré avoir sérieusement envisagé le suicide au cours de l’année précédente et 19% ont tenté de se suicider. À Toronto, un nombre disproportionné de jeunes sans-abri – un nombre oscillant entre 25 et 40% – est LGBT.

Les communautés LGBT utilisent et comptent beaucoup sur les services de soutien publics, y compris ceux qui aident au niveau du logement, de l’emploi et de l’aide sociale, de la discrimination en milieu de travail et dans les écoles, des questions médicales, et d’autres problèmes. Beaucoup de personnes LGBT font face à des obstacles pour l’accès aux services ordinaires, en raison de l’expérience de la discrimination et du manque de connaissances spécialisées. La fin de l’oppression des LGBT est fondamentalement liée à la lutte pour de bons emplois, des logements abordables, et contre les coupures dans les services sociaux.

Les LGBT et le mouvement ouvrier

Les syndicats et les autres organisations de masse des travailleurs-euses ont le pouvoir organisationnel d’étendre et de renforcer les gains des LGBT. Les comités de femmes au sein des syndicats furent des espaces où les questions LGBT ont d’abord été soulevées, et ont conduit à la création de caucus LGBT pour exprimer des demandes spécifiques. L’engagement des syndicats sur les questions LGBT est crucial à la fois au niveau formel et juridique et au niveau plus large de la conscience. Au niveau formel, il y a eu beaucoup de gains faits principalement, mais pas exclusivement, par les grands syndicats du secteur public. Par exemple, en 1998, le plus grand syndicat du Canada, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), a contesté avec succès le biais hétérosexuel dans la Loi de l’impôt sur le revenu, qui a étendu avec succès la définition de « conjoint » afin de fournir des prestations de régimes de retraite aux couples de même sexe. Les droits juridiques officiels ont des avantages immédiats pour les groupes marginalisés, étant donné que cela affecte le revenu, l’impôt, les soins de santé, le logement, l’emploi, et d’autres domaines importants de la vie. Toutefois, si tous ces domaines de la vie sont attaqués par l’austérité et la crise capitaliste, ces groupes marginalisés seront également les premiers à ressentir le poids des attaques, qui auront une incidence sur tous les travailleurs-euses à travers les communautés.

Un brillant exemple de solidarité entre les LGBT et les syndicats fût lors de la grève des mineurs britanniques dans les années 1980, où des groupes de « Lesbiennes et Gais en appui aux mineurs » furent créés pour recueillir des fonds et étendre la solidarité à la lutte héroïque des mineurs contre le gouvernement Thatcher. Ceci a contribué à former des liens entre deux communautés qui sont généralement considérées comme séparées, voire même hostiles l’une envers l’autre. Ce mythe selon lequel tous les travailleurs-euses sont homophobes, ou celui qui veut que les mouvements LGBT ne sont que des mouvements de « cause unique », tous deux se sont avérés faux. L’un des mineurs, David Donovan, s’est exprimé dans un discours envers les allié-e-s lesbiennes et gais: « Vous avez porté notre écusson ‘Coal not Dole’ et vous savez ce que le harcèlement signifie, tout comme nous. Maintenant, nous porterons votre écusson sur nous, nous vous soutiendrons. Ça ne changera pas du jour au lendemain, mais maintenant, 140 000 mineurs savent qu’il y a d’autres causes et d’autres problèmes. Nous sommes au courant à propos des Noir-e-s et des homosexuel-le-s, et du désarmement nucléaire. Et nous ne serons plus jamais les mêmes ». Tel est le pouvoir de changer la conscience à travers la lutte unie. Seule la lutte unie de toutes les sections de la classe ouvrière peut détruire les divisions et l’oppression sur lesquelles le capitalisme fleurit.

La division capitaliste et l’unité de la classe ouvrière

Le racisme, le sexisme, l’homophobie, et d’autres idéologies rétrogrades sont semées et exploitées par la classe dirigeante, qui bénéficie de ces divisions. Lorsque certaines sections de la classe ouvrière sont exploitées plus que d’autres (les femmes, les personnes LGBT, les personnes racialisées, etc.), cela fait diminuer les conditions de tous les travailleurs-euses. Toutefois, ces « identités » permettent à des parties de la classe ouvrière exploitée de percevoir des intérêts communs avec leurs exploiteurs basés sur la race, le genre ou la sexualité. En revanche, les marxistes soutiennent que les intérêts communs réels se situent entre les membres d’une même classe, et c’est la classe qui constitue une base efficace pour la lutte. La classe ouvrière n’a aucun intérêt commun avec la classe dirigeante; un système dans lequel l’oppression est endémique perpétue une baisse du niveau de vie pour tous les travailleurs-euses. En outre, les multiples oppressions sous lesquelles les différentes sections de la classe ouvrière souffrent, aident à affaiblir l’ensemble de la classe ouvrière et tentent d’empêcher les travailleurs-euses de s’unir et de s’organiser efficacement.

Il est tout aussi faux, bien sûr, de créer une dichotomie entre les travailleurs-euses et les LGBT. La plupart des LGBT font partie de la classe ouvrière. Pourtant, avec l’émergence de la politique identitaire, les luttes des LGBT, entre autres, ont été compartimentées et isolées. Le féminisme, la théorie queer, et les théories académiques abstraites qui rejettent la centralité des conditions matérielles ne sont pas une stratégie efficace pour la libération et fondamentalement ne peuvent pas fournir une solution pour les jeunes et les travailleurs-euses LGBT. Tout mouvement qui ignore la centralité du capitalisme et néglige le rôle de la classe ouvrière dans la lutte ne peut que conduire à des impasses.

La raison pour laquelle la classe ouvrière dans son ensemble est l’instrument clé pour vaincre le capitalisme est parce que ce sont les travailleurs-euses qui sont dans une position objective pour s’organiser et conquérir le pouvoir économique et politique. L’économisme vulgaire qui est attribué au marxisme est une caricature grossière du marxisme. Les questions autour du genre et de la sexualité ne sont pas négligeables ou moins importantes que la base économique de la société, mais la base économique de la société crée le cadre dans lequel nos luttes ont lieu. Lorsque nous comprenons que les racines de l’oppression sont ancrées dans la société de classe, nous pouvons comprendre pourquoi il est dans l’intérêt de tous les travailleurs-euses de mettre fin à toutes les formes d’oppression. Ainsi, la lutte pour l’égalité des LGBT et la fin de l’homophobie et de la transphobie ne peut pas être séparée de la lutte de classe.

Rejoindre la lutte plus large pour une société socialiste!

La Fierté LGBT est une formidable réussite et un signe du refus de la communauté LGBT d’avoir honte ou de vivre dans la clandestinité. Mais pour de nombreuses personnes LGBT, être « out » n’est pas une option. La discrimination par les familles, les lieux de travail et les propriétaires font souvent en sorte que cacher sa sexualité est une question de survie. La pauvreté et l’inégalité économique saperont toujours la liberté sexuelle puisque nous sommes moins en mesure de prendre des décisions sans considérations pour nos conditions de vie, notre sécurité et notre survie.

La résistance contre l’épuration de la Fierté et pour une reconnexion avec ses racines politiques a été exprimée à la Fierté mondiale en 2012 à Londres, où un chant populaire fût: « Stonewall était une émeute – nous ne serons pas silencieux! » Voilà pourquoi nous devons lier les luttes LGBT avec la lutte plus large pour le socialisme. La cooptation de la libération des homosexuel-le-s par les dirigeants petits-bourgeois obscurcit la base économique de l’oppression des LGBT, et canalise plutôt sa lutte vers les sphères apolitiques et celles basées autour des politiques identitaires.

Dans le but de répondre à l’homophobie, la transphobie, le sexisme et toutes les formes d’oppression d’une manière véritablement transformatrice, nous devons éliminer les racines mêmes de la violence et de l’oppression sexiste et homophobe; nous devons éliminer les conditions qui rendent cette oppression possible et nécessaire dans la société capitaliste. Nous devons lutter pour le socialisme. Le capitalisme nous dépouille de notre humanité d’innombrables façons. La société sous le capitalisme est guidée par les diktats du capital et le profit plutôt que par les besoins des êtres humains. Les jeunes, les travailleurs-euses et les activistes LGBT doivent lier nos luttes à la lutte plus large contre le capitalisme et pour le socialisme – pour une société où nous pouvons tous avoir la possibilité de vivre notre pleine humanité, vers la libération sexuelle et de genre complète!