
Le débat des candidats à la direction du NPD jeudi dernier à Montréal a surtout été remarquable par ce qu’il ne contenait pas.
Aucune mention du plan de Carney visant à augmenter les dépenses militaires de plus de 82 milliards de dollars, ni par le modérateur ni par les candidats. Personne n’a jugé nécessaire de parler du soutien accordé par le NPD aux libéraux sous Jagmeet Singh, malgré son rôle indéniable dans l’effondrement de la popularité du parti.
Gaza n’a pas été mentionnée une seule fois – en fait, rien de ce qui touchait à la politique étrangère ou à quoi que ce soit au-delà des frontières du Canada n’a été jugé digne de mention lors du débat de 90 minutes. Même Trump a été en quelque sorte ignoré, ce qui fâcherait certainement celui-ci s’il était au courant de l’existence du NPD.
À la place, les téléspectateurs ont eu droit à une heure et demie de candidats partageant ce que les gens « trouveraient le plus surprenant à leur sujet » (Heather Macpherson aime faire des biscuits), à un concours de qui pouvait prononcer le plus souvent les mots « classe ouvrière » dans une phrase (Rob Ashton a gagné), et aux sages conseils qu’un candidat a appris en s’occupant de chevaux. Même ces points n’étaient que partiellement intelligibles, car le débat s’est déroulé en partie en français – une langue qu’un seul des candidats semblait maîtriser, et encore, pas particulièrement bien.
Certes, il y a eu quelques bons moments. Avi Lewis a parlé de la nécessité d’établir des épiceries et une compagnie de télécommunications publiques (sans pour autant nationaliser les entreprises existantes). Ashton a appelé à l’abrogation de l’article 107 du Code du travail, une clause utilisée pour casser plusieurs grèves récentes. Cependant, ces quelques messages soigneusement préparés ont été noyés dans une interminable série de moments gênants et délivrés dans un mauvais français. De plus, le fait que ces propositions assez modérées soient autant ressorties illustre le manque grave de vraies idées socialistes au sein du NPD.
La plupart des téléspectateurs intelligents du débat de jeudi (dans la mesure où il y avait des téléspectateurs) en sont probablement ressortis avec l’impression distincte que ses participants ont vécu sous une roche ces cinq dernières années – sinon, comment auraient-ils pu avoir si peu à dire sur tant de problèmes urgents auxquels font face le Canada et le NPD? Soit ça, soit ils ont éteint leur télé pour mettre fin à cette torture.
Où est Yves Engler?
L’autre absence notable fut celle d’Yves Engler. L’auteur et militant socialiste de longue date avait annoncé sa candidature à la direction du NPD des mois auparavant, soumettant sa demande une semaine avant le débat. Malgré cela, Engler a été exclu de l’événement au motif que la « vérification » de sa candidature n’était pas encore terminée.
Tout cela faisait simplement partie du « processus », comme l’a expliqué le candidat Avi Lewis en réponse à une question d’une des supportrices d’Engler. Rien à voir ici. Oui, tout cela fait partie d’un « processus » où un comité de trois personnes non élu décide qui peut participer. C’est le genre de chose qu’on s’attendrait à voir dans une dictature théocratique comme l’Iran et non dans un parti qui prétend être un parti « démocratique » des travailleurs.
Mais même l’affirmation de Lewis que ce n’était qu’une question de « processus » s’effondre à la moindre analyse. Après tout, Engler n’a pas seulement été exclu du débat, mais aussi de l’événement de rencontre des candidats ouvert à tous les membres du NPD – ce qu’Engler est. En violation de ses droits en tant que membre, Engler a également été exclu des congrès du parti partout au pays tandis que les autres candidats étaient accueillis à bras ouverts.
Tout cela fait partie de ce qui semble être une campagne organisée pour exclure Engler de la course à la direction. Engler a été la cible d’allégations malveillantes de la part d’organisateurs liés aux campagnes d’autres candidats, l’accusant d’être un « arnaqueur ». Des insinuations, sans preuve, ont été faites quant à de possibles irrégularités dans les finances de sa campagne.
Ces ragots ont ensuite été amplifiés par le directeur général des élections du NPD lui-même, qui a publiquement accusé Engler en octobre d’« induire en erreur » ses partisans quant au statut de sa campagne – et ce, malgré la position très claire d’Engler qu’il soumettrait au NPD les documents de sa candidature à une date ultérieure pour des raisons stratégiques.
En vérité, la bureaucratie du NPD avait probablement décidé dès l’annonce de la candidature d’Engler qu’elle devait trouver un prétexte pour l’empêcher de se présenter.
Engler est depuis longtemps connu pour interpeller les politiciens dans la rue, téléphone en main, au sujet de leur soutien à Israël et à d’autres régimes méprisables. Ses livres ont documenté les crimes de l’impérialisme canadien au fil des ans, dont un consacré entièrement à l’histoire du soutien du NPD aux ingérences impérialistes. Son programme de campagne inclut de nombreux points radicaux, notamment l’expropriation des grandes industries, l’abolition des milliardaires et le renversement du capitalisme.
Ce ne sont pas des choses que la direction du NPD souhaite associer à son image. La machine du parti craint que la candidature d’Engler ne perturbe une course à la chefferie qui autrement ne ferait pas de vague. Ils craignent aussi que la participation d’Engler ne fasse passer le NPD pour un parti peu sérieux, ou pire – pas respectable.
Cependant, comme le montre le débat de jeudi, le NPD est tout à fait capable de se ridiculiser lui-même sans l’aide d’Engler.
En vérité, si Engler avait participé, cela aurait peut-être permis d’avoir de réels débats sur les nombreuses questions sérieuses de notre époque – que ce soit le militarisme, la guerre commerciale ou Gaza. Cela aurait aussi pu mener à un véritable débat sur les décisions passées du NPD, comme le soutien aux libéraux de Trudeau, au lieu du « love-in » auquel les téléspectateurs ont eu droit. La bureaucratie du NPD ne semblait avoir aucun intérêt à ce qu’un tel débat ait lieu.
Le traitement réservé à Yves Engler par la direction du NPD révèle un problème beaucoup plus profond au sein du parti. Dans leur quête de respectabilité à Ottawa, ainsi que de contrôle total sur leurs rangs, les haut placés du parti ont perdu le contact avec les travailleurs, les jeunes et, de plus en plus, avec la réalité. Le NPD n’est pas menacé par Engler autant qu’il l’est par lui-même et par sa propre approche tiède et sans conviction.
Mais même les bonzes du NPD ne peuvent arrêter le processus inévitable qui se déroule dans la société. Alors qu’ils veulent un chef qui ne menace pas le capitalisme, la plupart des candidats ne peuvent éviter de critiquer le capitalisme et de parler de la classe ouvrière. En particulier, Avi Lewis a critiqué le capitalisme, déclaré que le NPD doit être socialiste et affirmé que le mouvement ouvrier a besoin d’une grève générale.
Mais même si Lewis l’emporte, sans une révolution interne en profondeur pour débarrasser le parti de cette cabale de bureaucrates conservateurs, ces gens maintiendront le contrôle du parti, étouffant tout mouvement authentique de la classe ouvrière contre le capitalisme. Et nous avons déjà été témoins de la tendance de Lewis à vouloir trouver un compromis avec l’establishment du parti lorsqu’il a refusé d’appeler le NPD à voter contre le budget de guerre et d’austérité de Carney.
Ce que démontre cette course à la direction médiocre du NPD, c’est qu’un réveil brusque est désespérément nécessaire. L’ancien carriérisme parlementaire réformiste a lamentablement échoué. Nous avons besoin d’un véritable parti de la classe ouvrière qui lutte résolument pour un programme socialiste audacieux – c’est la seule façon de résoudre tous les problèmes urgents auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.