En ce 1er mai, préparons-nous à la guerre des classes!

La société est en crise. Les conditions de vie se dégradent fortement et des millions de personnes sont poussées au bord du gouffre. Des files d’attente rappelant la Grande Dépression sont apparues dans toutes les grandes villes et l’utilisation des banques alimentaires a atteint des niveaux sans précédent. L’inflation érode les salaires et l’augmentation des taux d’intérêt ruine des millions de familles. Ne nous leurrons pas, la guerre des classes est à nos portes. Il faut s’y préparer.

  • Joel Bergman
  • lun. 1 mai 2023
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Source: Andy Wright/Flickr

La société est en crise. Les conditions de vie se dégradent fortement et des millions de personnes sont poussées au bord du gouffre. Des files d’attente rappelant la Grande Dépression sont apparues dans toutes les grandes villes et l’utilisation des banques alimentaires a atteint des niveaux sans précédent. L’inflation érode les salaires et l’augmentation des taux d’intérêt ruine des millions de familles. Ne nous leurrons pas, la guerre des classes est à nos portes. Il faut s’y préparer.

La paix sociale est terminée

Autrefois, dans les pays capitalistes avancés comme le Canada, une telle situation était inédite. Grâce au boom de l’après-guerre, les capitalistes ont pu acheter la paix sociale. Ils ont accordé des concessions telles que la retraite, l’assurance chômage, les soins de santé et des emplois syndiqués décents pour une partie importante de la classe ouvrière. Ils ont établi un contrat social par le biais de conventions collectives et de la reconnaissance du droit de grève. Mais tout cela appartient au passé.

Même avant la crise actuelle, les gouvernements bourgeois, fédéraux comme provinciaux, avaient en pratique déchiré l’ancien contrat social. Les droits de négociation collective ont été bafoués et le droit de grève a été systématiquement violé par des lois de retour au travail. Qu’il soit conservateur ou libéral, le gouvernement fédéral a retiré le droit de grève aux cheminots, aux postiers et aux employés du gouvernement fédéral, pour n’en citer que quelques-uns. Les gouvernements provinciaux ont été encore pires, en supprimant le droit de grève à d’innombrables reprises au cours des deux dernières décennies.

Cette situation était déjà assez difficile, mais l’inflation vient maintenant s’y ajouter. Auparavant, au cours des dernières décennies de faible inflation, les travailleurs acceptaient à contrecœur des augmentations salariales de un à deux pour cent par an. Mais cette situation est désormais intenable et tout syndicat qui accepte des augmentations salariales inférieures à l’inflation signe un contrat d’érosion salariale. Il n’est pas nécessaire d’être un génie pour comprendre que tôt ou tard, le verre va déborder.

L’exemple de l’Europe

Si la crise du capitalisme est grave au Canada, elle est bien pire en Europe. Il n’est donc pas surprenant que nous assistions à une mobilisation sans précédent de la classe ouvrière sous la forme d’une vague de grèves et de mouvements de masse. La Grande-Bretagne a été secouée par sa plus grande vague de grèves depuis les années 1970, avec un demi-million de travailleurs en grève le 1er février et le 15 mars. De même, le prolétariat allemand s’est réveillé après 30 ans avec une « méga-grève » qui a entraîné la fermeture du système de transport le 27 mars, les travailleurs réclamant des salaires plus élevés dans un contexte d’inflation galopante. Des grèves similaires, de moindre ampleur, des travailleurs des aéroports et des trains ont également éclaté dans des pays comme l’Espagne et l’Italie.

Mais le mouvement le plus impressionnant de la classe ouvrière en Europe se produit clairement en France. Même avant la crise actuelle, le capitalisme français était en déclin depuis une longue période. Pour le gouvernement d’Emmanuel Macron, la solution aux problèmes du capitalisme français consiste à s’attaquer aux principaux acquis obtenus par les travailleurs français dans le passé, à commencer par l’augmentation de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. Mais la classe ouvrière française ne se laisse pas faire et a répondu massivement, avec un mouvement de masse prolongé, des millions de personnes ayant manifesté contre le gouvernement au cours des trois derniers mois.

Bien que nous n’en soyons pas encore là au Canada, nous serions aveugles si nous ne voyions pas que les choses vont dans la même direction. L’inflation est au centre de toutes les négociations collectives. L’antagonisme central entre les travailleurs et les patrons crève les yeux. Les travailleurs ne veulent pas voir leurs conditions de vie se dégrader et les capitalistes ne veulent pas payer la facture de l’augmentation des salaires. Et cela sans même aborder la question de la dette publique astronomique qui devra tôt ou tard être remboursée. Même le gouvernement Trudeau commence à plier, avec des coupes de 14,5 milliards de dollars dans le dernier budget. Avec une victoire du populiste de droite Pierre Poilievre aux prochaines élections, le décor est planté pour une lutte des classes aux proportions épiques.

Se préparer à la guerre des classes

Les premiers coups de feu de cette guerre des classes ont déjà été tirés lors de la grève des travailleurs de l’éducation de l’Ontario à l’automne dernier. Confronté à des niveaux d’inflation sans précédent depuis les années 1980, le syndicat a exigé une augmentation salariale de 11,7% par an pendant trois ans. Refusant de céder, le gouvernement de Doug Ford s’est empressé de leur retirer le droit démocratique de grève et est même allé jusqu’à utiliser la clause dérogatoire pour leur imposer un contrat prévoyant un salaire de misère. Alors que le droit de grève avait été violé d’innombrables fois auparavant, les travailleurs ont décidé cette fois-ci de se lever. Après avoir défié la loi injuste et menacé de déclencher une grève générale, Doug Ford a été contraint de faire marche arrière. Ce fantastique exemple de combativité de la classe ouvrière montre comment nous pouvons gagner la guerre des classes : en ripostant!

Le fait est que la bourgeoisie a abandonné le contrat social et la paix des classes du passé. Chacun d’entre nous, au sein du mouvement ouvrier, doit se mettre cela dans la tête. Les capitalistes mènent une politique de guerre des classes. Ils sous-financent nos écoles et nos hôpitaux. Ils privatisent notre système de santé. Ils s’attaquent à nos retraites. Ils proposent des clauses de disparité de traitement dans les conventions collectives pour éroder la solidarité entre les travailleurs et détruire nos syndicats. Et ils ne respectent pas le droit de grève lorsque nous décidons de riposter.

Tôt ou tard, quelqu’un devra se lever et dire : ASSEZ, C’EST ASSEZ! La collaboration avec les patrons et la foi dans des négociations gentilles et amicales se sont révélées à maintes reprises être une stratégie erronée. Le résultat de cette approche de syndicalisme d’affaires a été totalement inefficace pour gagner quoi que ce soit de significatif pour la classe ouvrière et n’a en fait qu’enhardi les capitalistes et le gouvernement à continuer.

Au Québec, avant la grève générale de 1972, la CSN (l’un des principaux syndicats) a publié un manifeste intitulé « Ne comptons que sur nos propres moyens ». Cette idée doit être remise au goût du jour. Aucun politicien capitaliste ne nous sauvera. En tant que travailleurs, nous devons nous battre comme des tigres dans cette guerre qui nous est livrée.

Si nous ne montrons pas notre puissance en tant que classe ouvrière par des grèves combatives, les capitalistes et leurs gouvernements ne nous prendront jamais au sérieux. Ils continueront à violer nos droits et à détériorer nos conditions de vie. Nous ne pouvons pas faire confiance à la bourgeoisie et à ses gouvernements pour négocier de bonne foi. Pour les obliger à s’asseoir à la table des négociations et à nous prendre au sérieux, les travailleurs doivent faire une démonstration de force.

En effet, dans toute l’Europe, les syndicats ont mené des grèves héroïques et ont obtenu des augmentations de salaire significatives par rapport à l’inflation. Cela montre la voie à suivre. Si nous n’adoptons pas une approche similaire au Canada, les salaires continueront à s’éroder et les moyens de subsistance de millions de travailleurs seront réduits en poussière.

Et les occasions de riposter ne manquent pas. À l’heure où nous écrivons ces lignes, 155 000 fonctionnaires fédéraux regroupés au sein de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) ont entamé la plus grande grève pancanadienne depuis une génération. Comme l’a déclaré le président de l’AFPC, Chris Aylward : « Nous n’avons pas causé l’inflation, nous ne devrions pas avoir à la payer! » Et c’est vrai. Avec l’inflation qui ronge les salaires des travailleurs, aucune convention ne devrait être signée avec des augmentations salariales inférieures à l’inflation. Chaque syndicat devrait exiger qu’un ajustement au coût de la vie soit intégré dans chaque convention collective afin que les travailleurs ne soient jamais poussés à bout.

C’est ce que demande le front commun des syndicats du secteur public au Québec, qui représente 420 000 travailleurs du secteur public. Les syndicats qui négocient avec le gouvernement de droite de François Legault demandent l’indexation de leurs salaires sur le taux d’inflation, ainsi qu’une augmentation salariale de 3% par année pendant trois ans pour compenser l’érosion salariale. Tout ce qui est en dessous de ce taux représente une diminution des conditions de vie. De manière insolente, Legault a fait la contre-proposition de ne pas indexer les salaires et d’accorder une simple augmentation de 9% sur cinq ans! Legault insiste manifestement pour appauvrir davantage les travailleurs. Si le gouvernement refuse d’écouter, notre mot d’ordre doit être : EN GRÈVE JUSQU’À LA VICTOIRE!

Faisons revivre les traditions du 1er mai

Le 1er mai trouve ses racines à une époque où les syndicats étaient largement illégaux. La journée de travail était longue et les salaires dérisoires. Les patrons brutalisaient les travailleurs en toute impunité et, lorsqu’ils ne pouvaient pas compter sur la police, ils disposaient de leurs propres hommes de main et milices qui tuaient systématiquement les leaders ouvriers. Le cas le plus connu, en relation avec le 1er mai, est le massacre de Haymarket en 1886, mais il y a d’innombrables autres exemples.

Les droits dont jouissent les travailleurs au Canada ne nous ont pas été accordés par un gouvernement bienveillant, mais ont été arrachés des mains de la bourgeoisie. Au Canada, c’est la victoire des travailleurs de GM à Oshawa dans leur lutte contre l’entreprise et ses voyous (connus sous le nom de « sons-of-Mitches ») qui a déclenché une vague de grèves et de campagnes de syndicalisation, permettant d’obtenir le droit à la négociation collective et le droit de grève. Mais ces droits sont aujourd’hui piétinés.

En fin de compte, la raison de ce revirement, de cette attaque contre les conditions de vie des travailleurs partout dans le monde, est la crise du système capitaliste. Nous ne sommes plus dans le boom d’après-guerre. Le capitalisme est sur le déclin et, partout dans le monde, les patrons et leurs politiciens nous font porter le coût de la crise sur le dos. Par conséquent, nous devons non seulement lutter pour de meilleures conditions de vie, mais aussi pour une nouvelle société : une société dans laquelle la richesse massive que la classe ouvrière produit collectivement peut être utilisée pour libérer des centaines de millions de travailleurs de la misère. Nous devons lutter pour le socialisme.

Les militants ouvriers qui ont été les pionniers du 1er mai dans les premiers temps de cette tradition se montraient courageux parce qu’ils étaient animés par une vision clairvoyante d’une société sans pauvreté et sans exploitation. Comme l’expliquait Lénine dans un texte de 1904 sur le 1er mai :

« Et voici que ces déshérités, ces travailleurs, ont déclaré la guerre aux riches, aux exploiteurs. Les ouvriers de tous les pays luttent pour affranchir le travail de l’esclavage salarié, de l’indigence et de la misère. Ils luttent pour que la société soit organisée de telle sorte que les richesses, créées par un labeur collectif, profitent à tous ceux qui travaillent et non à une poignée de riches. Ils veulent faire des terres, des fabriques, des usines, des machines, la propriété collective de tous ceux qui travaillent. Ils veulent qu’il n’y ait ni riches ni pauvres, que les fruits du travail reviennent à celui qui peine, que toutes les conquêtes de l’esprit humain, tous les perfectionnements apportés au travail améliorent l’existence de celui qui travaille, au lieu d’être un instrument qui serve à l’opprimer. »

Voilà la voie à suivre pour la classe ouvrière.

En grève pour des salaires indexés au coût de la vie!
Préparons-nous à la guerre des classes!
Luttons pour le socialisme!