Le 1er mai est notre journée

Le 1er mai 1890, à l’appel de la Deuxième Internationale – une internationale fondée par un des pères du marxisme, Friedrich Engels lui-même – des milliers de travailleurs ont pris la rue. Ce jour-là, 100 000 personnes manifestent à Barcelone, 120 000 à Stockholm, 8 000 à Varsovie, et des milliers restent chez eux en Autriche et en Hongrie où les manifestations sont interdites. Les grèves s’étendent à l’Italie et à la France. Voilà comment était le 1er mai à ses débuts. Mais ces traditions se sont largement perdues.

  • La rédaction
  • mer. 1 mai 2024
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Le 1er mai 1890, à l’appel de la Deuxième Internationale – une internationale fondée par un des pères du marxisme, Friedrich Engels lui-même – des milliers de travailleurs ont pris la rue.  

Ce jour-là, 100 000 personnes manifestent à Barcelone, 120 000 à Stockholm, 8 000 à Varsovie, et des milliers restent chez eux en Autriche et en Hongrie où les manifestations sont interdites. Les grèves s’étendent à l’Italie et à la France. Voilà comment était le 1er mai à ses débuts. Comme l’a dit Engels à l’époque, « Le spectacle de cette journée montrera aux capitalistes et aux propriétaires fonciers de tous les pays que les prolétaires de tous les pays sont effectivement unis ».

Mais ces traditions se sont largement perdues. Nous vivons la pire crise de l’histoire du capitalisme et les dirigeants syndicaux sont endormis au volant. Les communistes n’acceptent pas cette situation. Nous fondons le PCR et l’Internationale communiste révolutionnaire dans les prochaines semaines pour la changer. Nous nous préparons pour une révolution communiste internationale.

Notre numéro de mai de Révolution communiste consacre donc une large place aux enjeux internationaux, alors que le Moyen-Orient est une poudrière sur le point d’exploser. Au moment d’écrire ces lignes, des charniers ont été découverts à Gaza. Un mouvement d’occupations des campus étudiants explose aux États-Unis. Ici, le mouvement pour la Palestine semble dans une impasse. Nous appelons donc à organiser la classe ouvrière pour stopper le génocide en Palestine. Nous publions également un texte de Lénine qu’il avait écrit à l’occasion du 1er mai, qui exprime exactement l’esprit dans lequel nous devons mener à bien le travail de construction d’une Internationale communiste aujourd’hui.

Le communisme est international ou n’est rien. Pour le 1er mai 2024, le PCR et Révolution communiste descendront dans la rue et le diront haut et fort :

Seule la classe ouvrière peut libérer la Palestine!
Le mouvement ouvrier doit passer à l’offensive!
Travailleurs de tous les pays, unissez-vous!

Dans cet esprit, nous partageons avec vous un tract écrit par Lénine à l’occasion du 1er mai 1904. À l’époque, la Russie était engagée dans une guerre impérialiste avec le Japon, mettant à nu la pourriture de l’autocratie tsariste et de la classe dirigeante russe qui opprimait et exploitait les travailleurs. 120 ans plus tard, la pourriture du capitalisme dans le monde entier est mise à nu par des guerres sanglantes et des catastrophes, et les paroles de Lénine sonnent tout aussi juste : seul le prolétariat organisé et doté d’une conscience de classe peut porter le coup de grâce aux capitalistes.


Le 1er mai

par V.I Lénine, 1904

Camarades ouvriers! Voici le premier mai, jour où les ouvriers de tous les pays célèbrent leur éveil à une vie consciente, célèbrent leur union dans la lutte contre toute violence et toute oppression de l’homme par l’homme, dans la lutte qui doit affranchir des millions de travailleurs de la faim, de la misère et de l’humiliation. 

Deux mondes s’affrontent dans cette grande lutte : le monde du capital et le monde du travail; le monde de l’exploitation et de l’esclavage et le monde de la fraternité et de la liberté.

D’une part, une poignée de riches parasites. Ils ont accaparé fabriques et usines, instruments et machines. Ils ont fait de millions de déciatines de terre et de montagnes d’or leur propriété privée. Ils ont contraint le gouvernement et les troupes à les servir, à monter fidèlement la garde autour des richesses qu’ils ont amassées.

D’autre part, des millions de déshérités. Ils doivent solliciter des riches, comme une grâce, la permission de travailler pour eux. Ils sont par leur travail les créateurs de toute richesse, et eux-mêmes se débattent toute leur vie en quête d’un morceau de pain, demandent du travail comme on demande une aumône, ruinent leurs forces et leur santé par un labeur excessif, mènent une existence famélique dans les chaumières des campagnes, dans les caves et les greniers des grandes villes.

Et voici que ces déshérités, ces travailleurs, ont déclaré la guerre aux riches, aux exploiteurs. Les ouvriers de tous les pays luttent pour affranchir le travail de l’esclavage salarié, de l’indigence et de la misère. Ils luttent pour que la société soit organisée de telle sorte que les richesses, créées par un labeur collectif, profitent à tous ceux qui travaillent et non à une poignée de riches. Ils veulent faire des terres, des fabriques, des usines, des machines, la propriété collective de tous ceux qui travaillent. Ils veulent qu’il n’y ait ni riches ni pauvres, que les fruits du travail reviennent à celui qui peine, que toutes les conquêtes de l’esprit humain, tous les perfectionnements apportés au travail améliorent l’existence de celui qui travaille, au lieu d’être un instrument qui serve à l’opprimer.

La grande lutte du travail contre le capital a coûté bien des sacrifices aux ouvriers de tous les pays. Ils ont versé leur sang à flots pour défendre leur droit à une vie meilleure et à une liberté véritable. On ne compte plus les persécutions auxquelles sont en butte de la part des gouvernements ceux qui luttent pour la cause ouvrière. Mais l’alliance des ouvriers du monde entier grandit et se renforce, en dépit des persécutions. Les ouvriers s’unissent de plus en plus étroitement au sein des partis socialistes; les adeptes des partis socialistes se comptent par millions et ils progressent pas à pas, sûrement, vers une victoire complète sur la classe des capitalistes exploiteurs.

L’alliance des ouvriers du monde entier grandit et se renforce, en dépit des persécutions. Les ouvriers s’unissent de plus en plus étroitement au sein des partis socialistes; les adeptes des partis socialistes se comptent par millions et ils progressent pas à pas, sûrement, vers une victoire complète sur la classe des capitalistes exploiteurs.

Le prolétariat russe, lui aussi, s’est éveillé à une vie nouvelle. Lui aussi s’est joint à cette grande lutte. Les temps sont révolus où l’ouvrier de chez nous ployait humblement l’échine, ne voyant point d’issue à son existence asservie, point de lueur dans son existence de bagnard. Le socialisme a indiqué cette issue, et vers le drapeau rouge, leur étoile polaire, des milliers et des milliers de combattants ont afflué. Les grèves ont montré aux ouvriers la force de l’union; elles leur ont appris à riposter; elles ont montré quelle menace est pour le capital l’ouvrier organisé. Les ouvriers ont de leurs propres yeux constaté que de leur travail vivent et s’enrichissent les capitalistes et le gouvernement. Les ouvriers se sont dressés pour mener la lutte en commun, vers la liberté et le socialisme. Les ouvriers ont compris quelle force mauvaise et ténébreuse est l’autocratie tsariste. Il faut aux ouvriers la liberté pour pouvoir lutter, mais ils ont pieds et poings liés. Il faut aux ouvriers des réunions libres, des associations libres, des livres et des journaux libres, et le gouvernement tsariste réprime par l’emprisonnement, le fouet et la baïonnette toute aspiration vers la liberté. Le cri : « À bas l’autocratie! » a retenti dans la Russie tout entière. De plus en plus souvent, on l’a répété dans les rues, aux réunions groupant des milliers d’ouvriers. L’été dernier, des dizaines de milliers d’ouvriers se sont dressés dans tout le sud de la Russie, se sont dressés afin de lutter pour une vie meilleure, de se libérer du joug policier. La bourgeoisie et le gouvernement ont frémi à la vue de la redoutable armée ouvrière, qui d’un seul coup a immobilisé toute l’industrie de villes immenses. Des dizaines de combattants pour la cause ouvrière sont tombés sous les balles des troupes tsaristes envoyées contre l’ennemi intérieur.

Mais aucune force ne peut vaincre cet ennemi intérieur, car c’est uniquement par son travail que subsistent les classes dirigeantes et le gouvernement. Il n’est pas au monde de force qui puisse venir à bout de millions d’ouvriers de plus en plus conscients, de plus en plus unis et organisés. Chaque défaite des ouvriers suscite de nouvelles phalanges de combattants, oblige des masses toujours plus larges à s’éveiller à une vie nouvelle et à se préparer à une lutte nouvelle.

Or, la Russie est aujourd’hui le théâtre d’événements tels que cet éveil des masses ouvrières doit inévitablement s’accélérer et s’élargir encore, qu’il nous faut tendre toutes nos énergies pour grouper les rangs du prolétariat, pour le préparer à une lutte plus décisive encore. La guerre suscite l’intérêt des couches les plus arriérées du prolétariat pour les choses et les questions de la politique. La guerre révèle avec toujours plus d’éclat et fait apparaître avec toujours plus d’évidence toute la corruption du régime autocratique, toute la criminelle infamie de cette bande de policiers et de courtisans qui gouverne la Russie. Notre peuple souffre de la misère et meurt de faim chez lui, et on l’a précipité dans une guerre ruineuse et insensée pour conquérir de nouvelles terres, des terres d’autrui, où vit une population étrangère, et situées à des milliers de kilomètres. Notre peuple souffre de l’esclavage politique, et on l’a précipité dans une guerre pour asservir de nouveaux peuples. Notre peuple exige une refonte du régime politique intérieur, et on distrait son attention par le fracas des canons à un autre bout du monde. Mais le gouvernement tsariste a été trop loin dans son jeu hasardeux, dans sa criminelle dilapidation du patrimoine national et des jeunes forces qui périssent sur les côtes du Pacifique. Toute guerre exige la tension des forces du peuple, mais la guerre difficile contre le Japon civilisé et libre exige de la Russie une tension prodigieuse. Et cette tension est imposée au moment où déjà l’édifice du despotisme policier a commencé à chanceler sous les coups du prolétariat qui s’éveille. La guerre révèle tous les points faibles du gouvernement; la guerre arrache les enseignes menteuses; la guerre met à nu la corruption intérieure; la guerre porte l’ineptie de l’autocratie tsariste à un point tel qu’elle saute aux yeux de tous et de chacun; la guerre montre à tous l’agonie de la vieille Russie, de la Russie privée de droits, ténébreuse et accablée, de la Russie restée asservie à un gouvernement policier.

La vieille Russie se meurt. À sa place se lève une Russie libre. Les forces ténébreuses qui protégeaient l’autocratie tsariste périssent. Mais seul le prolétariat conscient, seul un prolétariat organisé est en mesure de leur porter le coup de grâce. Seul un prolétariat conscient et organisé est en mesure de conquérir pour le peuple une liberté véritable, non un semblant de liberté! Seul le prolétariat conscient et organisé est en mesure de riposter à toute tentative de leurrer le peuple, de tronquer ses droits, de faire de lui un simple instrument aux mains de la bourgeoisie.

Camarades ouvriers! Préparez-vous donc avec une énergie décuplée à la lutte décisive imminente! Que les prolétaires social-démocrates resserrent leurs rangs! Que leur propagande s’étende toujours davantage! Que se fasse plus hardie l’agitation en faveur des revendications ouvrières! Que la fête du premier mai nous gagne des milliers de nouveaux combattants et double nos forces dans la grande lutte pour la liberté du peuple tout entier, pour la libération de tous les travailleurs du joug du capital.

Vive la journée de huit heures!
Vive la social-démocratie révolutionnaire internationale!
À bas l’autocratie tsariste criminelle et rapace!