Photo : FSSS CSN

Les 11 000 employés des centres de la petite enfance (CPE) affiliés à la CSN ont déclenché une grève vendredi dernier, le 24 septembre. Cette journée était la première d’un mandat de 10 jours adopté à majorité écrasante de 97%. Cette grève vise à « envoyer un message extrêmement fort » au gouvernement dans le cadre des négociations qui traînent depuis longtemps, la convention collective étant échue depuis 18 mois. Les travailleuses jugent que les offres du gouvernement sont trop basses dans un contexte de grave pénurie de personnel. 

« Nous assistons à un véritable exode des travailleuses et travailleurs des CPE, à un point tel que cela engendre des bris de services, ou même des fermetures », affirme la présidente de la CSN, Caroline Senneville. Les éducatrices réclament donc un rattrapage salarial de 23%. Elles demandent aussi plus de moyens pour s’occuper des enfants avec des besoins particuliers, ainsi que le respect en tout temps des ratios pour la sécurité des enfants.

Le réseau des CPE subit une véritable hémorragie de personnel. Les travailleurs et travailleuses des CPE sont victimes d’une augmentation constante de leur charge de travail. Les suppressions de postes forcent les éducatrices à s’occuper de plus de tâches, avec un effectif diminuant. Beaucoup d’éducatrices et éducateurs préfèrent changer d’emploi pour aller en services de garde au milieu scolaire, qui demandent la même formation collégiale, mais où les salaires sont plus hauts et où la surcharge de travail est moindre. Le taux de diplomation de la technique en l’éducation à l’enfance est de seulement 25%, ce qui est insuffisant pour combler les pertes des éducatrices quittant la profession. De plus, le manque de main d’œuvre entraîne souvent des bris de service, rendant la vie plus difficile pour les parents qui doivent se casser la tête pour trouver des solutions de rechange.

Malgré la pénurie de personnel dans les CPE, le gouvernement s’entête à offrir des hausses, à 12% sur quatre ans, clairement insuffisantes pour attirer des éducatrices. Cette offre maintient le salaire des éducatrices qualifiées en-dessous de celui des techniciennes en services de garde en milieu scolaire, ce qui fait que les éducatrices délaissent le réseau des CPE. Sonia Lebel, présidente du Conseil du trésor, qualifie sans rire cette offre de « généreuse ». 

Ce gouvernement des patrons, qui n’a pas de sous pour les garderies, ne se gêne pourtant pas à sortir le chéquier pour financer le troisième lien avec Québec, un projet très néfaste pour l’environnement avec un coût estimé de 11 milliards de dollars. On voit clairement les priorités de François Legault, lui qui a durant la dernière campagne fédérale appuyé le Parti conservateur, qui promettait pourtant de déchirer l’entente fédérale provinciale qui garantissait 6 milliards de dollars pour le réseau des CPE.

La situation déplorable des travailleuses des CPE et la pénurie de personnel qu’elle entraîne ont des répercussions importantes pour le reste de la classe ouvrière québécoise. Alors que 50 000 enfants attendent une place en garderie subventionnée au Québec, de nombreuses familles sont forcées de se tourner vers le privé. Mais les services de gardes privés sont connus pour être plus chers pour les parents et pour offrir des services de moins bonne qualité que les CPE. Le quart des familles au Québec n’a pas accès à une place en garderie subventionnée. 

Les places en garderies privées peuvent coûter jusqu’à 70 dollars par jour, ce qui force beaucoup de familles à plutôt laisser un parent à la maison pour s’occuper de l’enfant. Puisque les femmes sont sous-payées par rapport aux hommes, c’est souvent la femme qui reste à la maison pour s’occuper des enfants afin de maximiser les revenus de la famille. Selon une étude, de février à octobre 2020, 20 000 femmes ont quitté le marché de l’emploi au Québec. Il est donc dans l’intérêt de tous les travailleurs de soutenir la lutte des employés des CPE.

En plus des employés syndiqués avec la CSN, la Fédération des intervenantes en petite enfance de la CSQ (FIPEQ-CSQ), qui représente 13 000 employés, a aussi adopté un mandat de grève de six jours. Le Syndicat québécois des employées et employés de services, section locale 298 (affilié à la FTQ), qui représente des travailleurs en services à la petite enfance, songe aussi à adopter un mandat de grève. Le fait que plusieurs centrales syndicales se mobilisent est encourageant. 

La force de la classe ouvrière réside dans son nombre. Mais elle réside aussi dans son unité. Pour un rapport de force maximal sur le gouvernement, les différents syndicats des employés de CPE devraient faire front commun. Il n’y a pas de raison de séparer ces luttes. Toutes les éducatrices ont les mêmes intérêts. D’ailleurs, le mouvement ouvrier en général partage ces intérêts. 

La grève des CPE survient dans un contexte d’effondrement généralisé des services sociaux. Elle arrive un mois après la signature par la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) d’une convention collective qui ne règle aucun des problèmes qui font fuir massivement les infirmières du réseau public. Des décennies d’austérité et de négligence par les différents partis au pouvoir ont mené à la crise actuelle. 

Mais tout cela s’est fait sans que les grandes centrales ne mobilisent une opposition sérieuse. La direction des centrales syndicales doit maintenant sortir de son apathie et adopter des méthodes combatives pour forcer le gouvernement à réinvestir dans les services publics et leurs employés. Une mobilisation de masse et combative de toutes les grandes centrales derrière la grève des éducatrices serait le genre d’action qui pourrait non seulement faire gagner la grève, mais aussi donner l’élan nécessaire à un mouvement pour sauver l’ensemble des services publics.

Victoire aux travailleurs et travailleuses des CPE! 

Pour des services publics de qualité! 

Pour une lutte de classe contre ce gouvernement des patrons!