La guerre commerciale entre les États-Unis et le Canada est commencée. Le 1er juillet dernier, les tarifs annoncés par Donald Trump sur l’acier et l’aluminium sont entrés en vigueur. Les contre-tarifs canadiens ont également été mis en place. La montée du protectionnisme menace d’entraîner l’économie mondiale, déjà fragile, dans une récession profonde. Dans cette guerre dans laquelle les puissances capitalistes luttent pour savoir qui aura la plus grosse portion de la tarte, les travailleurs seront les premières victimes.

Déjà, 40 travailleurs ont perdu leur emploi à Sault Ste. Marie en Ontario chez Tenaris, une entreprise produisant des tuyaux en acier sans soudure. Des milliers d’autres travailleurs canadiens et québécois sont inquiets de perdre leur emploi. Selon la Banque TD, 160 000 emplois canadiens pourraient être perdus par des tarifs sur l’automobile, que Trump menace d’imposer. Cette étude prend en compte le fait que le Canada imposerait des contre-tarifs.

Ces emplois doivent être protégés. Mais devrions-nous faire confiance aux libéraux? Ils ont démontré de façon concluante qu’ils sont plus préoccupés par les profits des patrons que par la protection des bons emplois pour les travailleurs. L’exemple le plus clair date de 2016 lorsque la société américaine US Steel a renié son obligation de payer les retraites de ses employés à Hamilton. Les libéraux se sont-ils empressés de venir en aide aux travailleurs? Non, car ils se souciaient davantage de protéger les profits de l’entreprise, qui ironiquement est une entreprise américaine. Plus récemment, les libéraux de Trudeau ont donné 4,5 milliards en fonds publics aux patrons de l’entreprise américaine Kinder Morgan. Est-ce qu’on peut vraiment croire que des bons emplois résulteront de ce sauvetage? La seule garantie est que les patrons de l’entreprise vont en profiter. En effet, Kinder Morgan a déjà accordé des bonus de 1,5 million de dollars à son président et son vice-président suite au sauvetage du gouvernement canadien. Tout en prétendant hypocritement défendre les travailleurs canadiens, ils donnent une énorme somme d’argent public à une entreprise milliardaire américaine. Lorsqu’il est question des intérêts des grandes entreprises, les libéraux n’ont pas de patrie.

Les libéraux ont également donné près de 375 millions de dollars en prêt sans intérêt aux patrons de Bombardier au moment même où ceux-ci licenciaient des milliers de travailleurs au pays. De même, il a été révélé récemment que le gouvernement a effacé une dette de l’industrie automobile canadienne, fort probablement des entreprises GM et Chrysler, qui devaient encore, en date de mars 2017, 1,15 milliard au gouvernement. Ces deux entreprises ont reçu des milliards en plan de sauvetage tout en licenciant 3000 personnes entre 2009 et 2013. En 2017, GM a licencié un autre 625 personnes dans une usine de l’Ontario. Lorsque les patrons demandent de l’aide financière, les libéraux s’empressent de les ensevelir d’argent, mais lorsque les travailleurs se font attaquer et licencier, ils brillent par leur absence. Ce que tous ces exemples montrent, c’est que Justin Trudeau n’est pas notre allié dans la lutte pour sauver les bons emplois.

C’est avec ceci en tête qu’il faut voir les mesures annoncées récemment par Trudeau. En réponse aux tarifs de Trump, Trudeau a annoncé 1,7 milliard en aide financière et en services aux entreprises de l’acier et de l’aluminium, ainsi que 250 millions de dollars pour renforcer la compétitivité des entreprises manufacturières canadiennes. Mais il n’y a aucune garantie que cet argent va servir à maintenir les emplois bien payés, les retraites et les avantages sociaux. Toute l’histoire démontre que lorsque de l’argent public est donné aux patrons, ils ne font que l’empocher et licencient et s’attaquent aux travailleurs de toute façon.

Il existe une situation semblable au Québec. Philippe Couillard prétend se porter à la défense des travailleurs face au protectionnisme. Nous parlons ici de ces mêmes libéraux qui, sans surprise, ne font rien pour aider les 1030 travailleurs de l’aluminerie de Bécancour qui sont en lockout depuis janvier dernier. Ce sont également ces mêmes libéraux qui ont eux aussi donné des milliards à Bombardier pendant que celle-ci éliminait des milliers d’emplois bien payés. Plus largement, les libéraux ont multiplié les attaques sur la classe ouvrière au fil des ans. Que ce soit l’austérité généralisée ayant suivi leur élection en 2014, l’entente bidon qu’ils ont imposée aux travailleurs du secteur public en 2015 ou encore la loi spéciale de retour au travail contre les travailleurs de la construction en 2017, les libéraux ont suffisamment démontré de quel côté ils se trouvent. Le sort des travailleurs mis en danger par le protectionnisme ne peut certainement pas être laissé entre les mains de Philippe Couillard.

Soyons clairs. Cette guerre commerciale n’est pas notre guerre. Nous n’avons pas choisi d’être entraînés dans cette dispute qui va faire souffrir tant les travailleurs canadiens que les travailleurs américains. N’oublions pas qu’il y a eu les premières pertes d’emplois aux États-Unis également, soit 60 travailleurs de la Mid-Continent Nail, une entreprise de fabrication de clous.

Les capitalistes canadiens et américains, ainsi que leurs représentants politiques, ont l’habitude de maintenir des relations relativement cordiales. Ces voleurs et bandits en viennent habituellement à un accord à l’amiable sur l’exploitation des travailleurs des deux pays et le partage du butin. Maintenant, Donald Trump refuse les règles habituelles du jeu et attaque ses « alliés » à coup de tarifs, tentant ainsi de prendre une plus grosse part du gâteau pour les entreprises américaines.

De nombreux syndicats et dirigeants syndicaux ont déploré les mesures protectionnistes de Donald Trump qui affecteront leurs membres. Mais la plupart d’entre eux placent leur confiance dans les libéraux pour lutter pour sauver les emplois. Par exemple, la direction des Teamsters Canada a affirmé qu’elle « appuie pleinement la position du gouvernement du Canada et du premier ministre Trudeau » contre Trump. Également, Jacques Létourneau, dirigeant de la CSN, a affirmé : « Nous en appelons à la classe politique québécoise et canadienne à se tenir debout devant les délires du président américain et de tout faire (…) pour préserver nos industries et nos emplois. »

La situation n’est pas différente au niveau politique. Dans ce qui a été surnommé par certains médias une « union sacrée », les conservateurs, les libéraux, le parti vert et le NPD fédéral ont adopté à l’unanimité une motion condamnant le comportement de Trump et son attaque envers une « relation commerciale de longue date et mutuellement bénéfique ». Cette motion avait en fait été proposée par le NPD lui-même.

Donald Trump est un bandit, mais c’est une erreur sérieuse que de s’unir avec les partis des patrons canadiens pour lutter contre lui. Où étaient les conservateurs quand les patrons de GM et Chrysler mettaient à pied des milliers de travailleurs sous leur gouvernement? Ils les ont récompensé en leur donnant des sommes massives d’argent public. Les patrons des grandes entreprises mettaient des travailleurs à pied avant l’arrivée de Trump, sans que les libéraux ou les conservateurs ne lèvent le petit doigt. On ne peut aucunement compter sur ces partis pour aider la classe ouvrière.

Un récent sondage de la firme Nanos a révélé que bien qu’ils soient majoritairement d’accord avec l’aide apportée aux secteurs de l’acier et de l’aluminium, les Canadiens sont divisés sur l’idée de donner une aide financière à l’industrie automobile. Les travailleurs canadiens ont encore frais dans leur mémoire les milliards donnés aux patrons de cette industrie après la crise financière de 2008. Au total, on estime que le sauvetage de l’industrie a coûté pas moins de 3,7 milliards de dollars aux contribuables. Les travailleurs regardent avec une saine méfiance la perspective de renflouer encore les coffres des patrons milliardaires de l’automobile sans rien recevoir en retour. Il n’y a pas de raison de croire que les choses seraient différentes avec l’acier et l’aluminium. Les entreprises dans cette industrie s’intéressent à leurs propres profits avant tout. Il ne peut y avoir d’assurance que les emplois seront protégés si ces entreprises sont laissées entre les mains de ceux qui nous exploitent.

Nous n’avons pas à aller bien loin pour trouver les méthodes de lutte qui fonctionnent pour protéger les emplois. En janvier 2004, par exemple, Alcan avait décidé de fermer l’aluminerie d’Arvida, et les 560 travailleurs avaient répliqué en occupant leur lieu de travail et en continuant la production sous leur propre contrôle pendant 19 jours. Bien que la lutte se soit terminée par la fermeture de l’aluminerie, les travailleurs ont forcé Alcan à s’engager à transférer les travailleurs à d’autres usines au lieu de faire simplement disparaître leur emploi. Également, quelques années plus tard, une vague d’occupations d’usine a eu lieu en Ontario. En l’espace de quelques semaines, il y a eu des occupations chez Collins & Aikman, fabricant de pièces d’auto à Scarborough, puis dans une usine d’acier à Hamilton, les deux menaçant de fermer sans donner d’indemnité aux travailleurs. Dans le premier cas, le mouvement a mené à des grèves de solidarité dans d’autres usines en l’espace de 48 heures, et les patrons ont finalement accepté de donner des indemnités aux travailleurs. À Hamilton, il a fallu 24 heures pour que les patrons reculent. Ces exemples nous donnent un aperçu des méthodes que la classe ouvrière doit appliquer si nous voulons vraiment mener la lutte pour sauver les emplois. Seules ces méthodes combatives peuvent nous permettre de gagner quoi que ce soit.

Les capitalistes de tous les pays essaient de nous entraîner dans leur lutte pour leurs intérêts égoïstes dans laquelle les travailleurs ne récolteront que les miettes. Avec le libre-échange capitaliste, les bons emplois syndiqués sont délocalisés dans des endroits où les conditions de travail sont plus mauvaises. Avec le protectionnisme, les tarifs font baisser la production, ce qui entraîne ensuite des licenciements, et donc la perte de bons emplois. Dans un cas comme dans l’autre, les travailleurs sont toujours perdants.

La seule façon de protéger nos bons emplois est d’enlever le contrôle des mains de nos patrons. L’ennemi principal est à la maison! Ce sont eux qui licencient les travailleurs, protectionnisme ou non, lorsqu’ils considèrent cela nécessaire pour leurs profits. La classe ouvrière ne peut compter que sur ses propres moyens. Tout montant d’argent octroyé à des usines menacées par le protectionnisme doit être mis non dans les mains des patrons, mais dans celles des travailleurs eux-mêmes, pour qu’ils puissent décider de comment s’en servir. Toute usine fermée par les patrons à cause du protectionnisme devrait être occupée par les travailleurs et nationalisée sous leur contrôle.

Le 1er juillet dernier, Trudeau a déclaré que  « les travailleurs du Canada font la force de notre pays. Ils bâtissent les routes et les ponts que nous empruntons pour aller au travail et retourner à la maison. Ils font vivre les familles, ici au pays et au-delà de nos frontières. » Venant de Trudeau, ce ne sont que des paroles en l’air, lui qui ne fait rien pour protéger les travailleurs, et se contente d’appliquer des mesures pour protéger les profits des patrons. Mais il y a un élément de vérité dans son discours. Les travailleurs produisent toute la richesse dans notre société. Mais les libéraux de Trudeau préfèreraient que les usines soient fermées plutôt que de les voir prises en main par les travailleurs.

D’abord et avant tout, il nous faut lutter contre l’ennemi à la maison. En utilisant les méthodes combatives contre les patrons qui nous exploitent, et en nationalisant les grandes entreprises, nous serons bien placés pour en appeler à nos camarades américains pour qu’ils fassent la même chose avec leurs patrons. Nous pourrons ensuite instaurer un commerce équitable socialiste, libéré des intérêts égoïstes du système capitaliste. Nous pourrons ainsi planifier harmonieusement la production en fonction des besoins et non des profits d’une minorité de patrons canadiens, américains, québécois. Dans cette lutte, nous ne pouvons compter que sur nos propres moyens.

Aucune confiance dans les libéraux!

Les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes!

Usine fermée, usine occupée!