Crédit : Québec solidaire

Cette fin de semaine avait lieu le Conseil national de Québec solidaire. Ce CN a été marqué par une motion de blâme envers le collectif antiraciste décolonial, un exemple marquant de comment la direction du parti tente de faire taire les voix qui dérangent. Il s’agit d’un très mauvais précédent. Des militants du collectif Tendance marxiste internationale au Québec, reconnu au sein du parti, sont intervenus lors du CN pour s’y opposer et défendre nos positions socialistes.  

Non à la motion de blâme contre le collectif antiraciste décolonial

C’est lors de la première journée du Conseil national que s’est tenu le vote sur la motion de blâme présentée par la direction du parti contre le collectif antiraciste décolonial. La semaine dernière, nous avons publié notre article « Crise au sein de QS : la direction tente de faire taire la dissidence » qui explique en détail pourquoi nous étions contre cette motion. C’est suivant cette position que nos militants Hélène Bissonnette (Viau) et Julien Arseneau (Hochelaga-Maisonneuve) sont intervenus contre cette motion de blâme. 

Voici la transcription de l’intervention d’Hélène :

« Je vous appelle à voter contre la motion de blâme. On nous a envoyé la motion après les délais pour les amendements, après que bien des associations aient déjà tenu leur AG pour en discuter. Ça me semble vraiment antidémocratique! Et la motion présente une menace à peine voilée d’enlever l’accréditation du collectif, et tout ça au même moment ou on nous présente un code d’éthique et une politique de résolution des conflits qu’on doit voter tel quel, et qui seront selon moi un outil très dangereux pour sanctionner la dissidence, et brimer nos traditions pluralistes et démocratiques qui sont au fondement même de QS.

On nous dit que ce ne serait pas une attaque envers la dissidence, mais je pense qu’en ce moment on est en train de s’attaquer politiquement au collectif antiraciste décolonial, et se servir de la situation avec le CAD pour s’attaquer à la dissidence plus largement dans le parti. Si on compare le traitement qui a été réservé au collectif Laïcité, clairement à la droite du parti, avec la rapidité avec laquelle on s’est dépêché d’amener une motion contre un collectif à la gauche du parti : on voit que c’est deux poids deux mesures.  

J’ai l’impression qu’au CN en fin de semaine, on est en train d’ouvrir une boîte de pandore qui nous fera rompre de manière importante avec nos traditions pluralistes et démocratiques, et faire de QS un parti qui ressemble de plus en plus au NPD bureaucratisé, où la dissidence est rabrouée systématiquement, ce qui va faire fuir des militants honnêtes qui veulent militer pour changer la société. Je ne veux pas qu’on s’en aille dans cette direction dangereuse. Personne ne va y gagner, alors je vous invite à voter contre la motion. » 

Nouveau Code d’éthique et nouvelle Politique de résolution des conflits

Dimanche matin, notre camarade Hélène est aussi intervenue contre le nouveau Code d’éthique proposé par la direction de QS et la nouvelle politique de résolution des conflits. Dans le contexte de la motion présentée contre le CAD, nous pensons que la direction de QS cherche à se doter de nouveaux outils pour faire taire la dissidence dans le parti. 

Voici la transcription de l’intervention d’Hélène :

« Je vous invite à voter contre le Code d’éthique et la Politique de résolution des conflits.  

On est un parti politique. Les débats et les conflits politiques sont normaux. Mais est-ce qu’on va pouvoir exprimer des désaccords politiques? Est-ce qu’on va pouvoir critiquer des positions prises par nos députés? En ce moment, j’ai l’impression de lire un code d’éthique d’une compagnie qui essaye d’être « woke », et non un code d’éthique d’un parti politique pluraliste.

Dans le Code d’éthique, on lit qu’il est du devoir des membres du parti de « protéger la réputation du parti, des membres et des personnes élues ». Et dans la Politique de résolution des conflits, on mentionne que le Comité exécutif pourra décider de « la révocation du statut de membre » si on ne se conforme pas au Code d’éthique. Et je précise que ça c’est sans qu’on puisse faire appel au Congrès ni au Conseil national. Je trouve ça complètement antidémocratique et dangereux!  

Sous couvert de « favoriser un climat inclusif et respectueux », je pense qu’on essaye d’instrumentaliser les tensions avec le CAD pour se doter de deux nouveaux outils qui pourront être utilisés pour faire taire toute forme de dissidence, et museler les militants, les collectifs et les réseaux. Je trouve cela extrêmement dangereux parce qu’on est en train de tuer les traditions pluralistes et démocratiques qui sont au coeur de notre parti depuis sa fondation, et qui m’ont donné envie de militer. 

Dans le contexte où on voit une radicalisation de la jeunesse un peu partout, je pense que cela va faire fuir une couche de militants qui ont envie de discuter, de lutter et de changer notre société – et on a besoin d’eux à QS.

C’est pour cela que je vous invite à rejeter le Code d’éthique et la Politique de résolution des conflits. » 

Critique de la gestion caquiste de la pandémie

Par ailleurs, lors de la présentation du bilan de l’aile parlementaire de QS, le porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois a expliqué, entre autres choses, que les députés du parti ont talonné le gouvernement caquiste en demandant que soit tenu un débat démocratique sur le couvre-feu.

Dans la période de questions qui a suivi, notre camarade Hélène a demandé pourquoi nous n’avions pas d’entrée de jeu dénoncé la mise en place d’un couvre-feu, alors qu’aucune donnée scientifique ne soutenait une telle mesure, et que la CAQ a fait preuve d’une gestion criminelle de la pandémie. Elle a rappelé que la majorité des cas d’éclosion sont dans les milieux de travail et que le gouvernement de la CAQ laisse les patrons tranquilles et préfère jeter le blâme sur les individus et policer la pandémie. 

GND a répondu en soulignant d’abord qu’il ne croyait pas que le gouvernement avait eu une gestion criminelle de la pandémie. Il a ensuite expliqué que l’aile parlementaire avait mis de la pression sur le gouvernement, sans toutefois expliquer pourquoi les députés ne se sont jamais véritablement opposés au couvre-feu. Cet échange entre le porte-parole et notre camarade a d’ailleurs retenu l’attention des grands médias qui ont cité notre camarade, laquelle expliquait que dénoncer le couvre-feu « aurait été une opportunité de connecter avec un “mood” de colère et de frustration très justifié dans la population ». 

Comme nous l’expliquions dans notre article « Mouvement contre le couvre-feu : où est la gauche? », nous pensons qu’il est impératif de ne pas laisser à la droite et aux conspirationnistes le monopole de la critique des mesures répressives et de la gestion de la pandémie par la CAQ. Les syndicats et QS avaient le devoir d’organiser un mouvement de masse pour de véritables mesures pour freiner la pandémie. 

Luttons pour le socialisme

Dans le cadre de la discussion sur les axes prioritaires pour la prochaine campagne électorale, nous sommes allés défendre notre proposition d’inclure comme axe prioritaire de « Lutter contre le système capitaliste et défendre une solution socialiste ». 

Vous pouvez visionner les interventions de Hélène et Julien ici :

Vous pouvez également relire notre article « Le bouclier anti-austérité de Québec solidaire peut-il résoudre la crise? » qui expose en détail notre perspective sur le sujet. 

Notre camarade Atefa Akbary est pour sa part intervenue pour présenter la nécessité de lutter contre le capitalisme afin de résoudre la crise climatique. C’est cette position que nous avions aussi défendue au dernier congrès de QS contre le recul majeur qui avait été fait en matière d’environnement, alors qu’a été retirée l’opposition aux mesures axées sur le marché dans le programme du parti. Vous pouvez relire nos articles publiés sur le sujet :  « Non au recul de Québec solidaire en matière d’environnement » et « Congrès 2019 de Québec solidaire : des signes inquiétants ».

La lutte doit se poursuivre

Québec solidaire fête ses 15 ans cette année. Malheureusement, depuis sa fondation, le parti s’est constamment modéré et a fait de plus en plus de concessions au nationalisme identitaire, comme l’avait montré la position de compromis sur la question du port de signes religieux. De plus, les traditions « pluralistes » de QS sont de plus en plus attaquées. Le vote à grande majorité pour la motion de blâme contre le CAD et pour le nouveau Code d’éthique n’en sont que la confirmation. Dans ce contexte, on retrouve beaucoup de colère et de pessimisme chez des militants dans la gauche du parti. Cette attitude est compréhensible. 

Cela dit, nous pensons que quitter le parti serait une erreur. Cela laisserait simplement le champ libre pour que QS poursuive sa trajectoire vers la modération. Nous devons continuer la lutte pour que le parti se dote des bonnes politiques. Rappelons que nous avons réussi il y a deux ans à créer une révolte de la base contre la direction et la forcer à rejeter sa position de compromis avec l’islamophobie. 

En période de crise profonde du capitalisme, où chômage, pauvreté et misère touchent de plus en plus de couches de la classe ouvrière, une colère grandit chez les travailleurs et la jeunesse. Tôt ou tard, cette colère cherchera un exutoire et la lune de miel de la CAQ s’essoufflera. Alors qu’on observe une radicalisation vers la gauche depuis des années au Québec comme ailleurs, QS pourrait bien devenir un pôle d’attraction important pour des milliers de jeunes et travailleurs québécois.  

Dans ce contexte, la voie de la modération de la direction n’est pas la seule qui s’offre au parti. Les idées du socialisme deviennent de plus en plus populaires un peu partout. Ces idées pourraient résonner auprès d’une large couche de gens qui rejoignent et vont rejoindre le parti pour lutter contre les maux du capitalisme. Cela pourrait profondément transformer la dynamique au sein du parti et renverser la vapeur du processus de modération.  

Alors qu’il apparaît de plus en plus réaliste que QS prenne le pouvoir dans un avenir rapproché, cette orientation vers le socialisme devient une nécessité. Un programme socialiste permettrait non seulement de se connecter avec la colère montante, mais constitue aussi le seul programme réaliste permettant de s’attaquer aux misères engendrées par le système capitaliste. Les patrons ne laisseront jamais QS appliquer son programme, peu importe la quantité d’eau qu’il mettra dans son vin. Plutôt que de se tourner vers la modération, le parti devrait se préparer à mener de front une lutte contre la classe patronale.

C’est pourquoi le Collectif TMI Québec continue sa lutte au sein de Québec solidaire et appelle tous ses sympathisants à le rejoindre pour défendre une perspective socialiste à QS et dans le mouvement ouvrier.