Karl Marx : penseur, visionnaire et révolutionnaire

Cette année marque le 200ème anniversaire de la naissance de Karl Marx, dans la petite ville de Trier, en Allemagne, le 5 mai 1818. L’occasion est idéale pour se pencher sur ses idées et sur l’héritage précieux que nous a légué sa pensée révolutionnaire. Après 200 ans, les idées de Marx sont toujours d’actualité. À […]

  • Simon Berger
  • mar. 4 sept. 2018
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Cette année marque le 200ème anniversaire de la naissance de Karl Marx, dans la petite ville de Trier, en Allemagne, le 5 mai 1818. L’occasion est idéale pour se pencher sur ses idées et sur l’héritage précieux que nous a légué sa pensée révolutionnaire. Après 200 ans, les idées de Marx sont toujours d’actualité. À l’heure de la mondialisation, des inégalités grandissantes et de la catastrophe écologique, l’appel de Marx à renverser le capitalisme est plus urgent que jamais.

De nombreux journaux bourgeois ont d’ailleurs marqué cet anniversaire avec des articles sur Marx. Par exemple, le magazine Foreign Affairs expliquait dans un récent article que « le marxisme, loin d’être dépassé, est crucial pour comprendre le monde d’aujourd’hui. » Même le Journal de Montréal a écrit cette année que « devant une Amérique de plus en plus dominée par des milliardaires sans scrupule, les chants du communisme risquent de redevenir très attrayants ». Également, les jeunes s’intéressent de plus en plus au socialisme alors qu’ils constatent les nombreuses injustices qui règnent dans le monde. La réalité est que, face à la crise du capitalisme que nous vivons aujourd’hui, même la presse capitaliste n’a d’autre choix que de reconnaître que Marx avait raison. Évidemment, les défenseurs du capitalisme, devant la montée en popularité des idées de Marx, ne peuvent s’empêcher de les dénaturer, les drainant de tout leur contenu révolutionnaire. Rétablissons les faits.

Les idées de Karl Marx

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes. » Ainsi s’entame le premier chapitre du Manifeste du Parti communiste, rédigé en 1848 par Marx et son grand complice Friedrich Engels. Voilà probablement l’idée la mieux connue, et l’une des plus importantes du marxisme. Le monde est ainsi divisé entre ceux qui possèdent, et ceux qui n’ont rien; aujourd’hui, entre la classe capitaliste, qui possède les usines, les terres, les sources d’énergie, les grands médias, etc., et la classe des travailleurs, ceux qui doivent se trouver un emploi pour survivre.

Marx avait correctement analysé que la richesse de cette classe capitaliste, la bourgeoisie, provient directement de l’exploitation des travailleurs. Il écrit dans le Capital que « l’accumulation de richesse à un pôle signifie donc en même temps à l’autre pôle une accumulation de misère, de torture à la tâche, d’esclavage, d’ignorance, de brutalité et de dégradation morale pour la classe dont le produit propre est, d’emblée, capital. » Cette phrase est une description presque parfaite du capitalisme aujourd’hui. Les inégalités de richesse ne cessent de croître depuis des décennies, même au Québec : alors que, depuis le début des années 80, le revenu du 1 % le plus riche a doublé, le revenu des 99 % restants n’a progressé que de 6 %. Dans l’ensemble du Canada, le portrait n’est guère mieux : les deux hommes les plus riches possèdent plus de richesses que les 11 millions les plus pauvres, et presque la moitié des Canadiens vit d’un chèque de paye à l’autre! La réalité de notre époque nous confirme que Marx avait raison de dire que les inégalités sont inévitables sous le capitalisme.

Une autre des idées importantes de Marx est que le mode de production capitaliste est orienté avant tout vers l’accumulation de profit, et ce, au détriment des besoins réels des gens. Les marchandises, c’est-à-dire les biens et services, ne sont pas produites dans le but d’être utilisées, mais uniquement dans le but d’être vendues. Les capitalistes ne produisent jamais afin de combler des besoins, mais afin de réaliser des profits.

Cette production pour le profit eut initialement des conséquences progressistes aux débuts du capitalisme. Le monde vivait alors une époque révolutionnaire et les innovations s’enchaînaient les unes après les autres. Cependant, aujourd’hui, le mode de production capitaliste lui-même se pose comme un obstacle à l’innovation. Les grands monopoles qui dominent l’économie préfèrent spéculer sur les marchés financiers et engranger des profits immédiats et rapides plutôt que d’investir dans la recherche et le développement. Le géant pharmaceutique Pfizer a bien illustré ce fait en janvier dernier lorsqu’il a cessé les recherches pour un remède au Parkinson et à l’Alzheimer, sous prétexte que ce ne serait pas suffisamment profitable. Il s’agit d’un exemple abject de comment les profits priment sur les besoins humains.

Mais l’un des plus grands mérites de Marx a été d’expliquer l’origine du profit. Les capitalistes, en donnant un salaire aux travailleurs, achètent leur « force de travail », soit leur capacité à travailler. Les travailleurs reçoivent nécessairement un salaire inférieur à la valeur de ce qu’ils produisent, sans quoi aucun profit ne serait réalisé. Les capitalistes ont intérêt à payer leurs travailleurs le moins possible afin de soutirer le plus grand profit possible. La théorie de la valeur-travail de Marx démontre qu’en dernière analyse, c’est le travail impayé des ouvriers qui constitue le profit des capitalistes. Mais cela signifie que la classe ouvrière n’a pas la capacité de racheter collectivement tout ce qu’elle produit, et cette contradiction mène périodiquement à des crises de surproduction – environ tous les 10 ans, comme l’expliquait Marx.

Depuis Marx, les économistes bourgeois essayent d’ignorer cette contradiction fondamentale, et se rassurent en constatant que nous sommes en reprise économique à l’heure actuelle. Mais force leur est d’admettre qu’il y a un problème. Les grandes entreprises sont assises sur des milliers de milliards de dollars d’argent qu’elles refusent d’investir, un « état de fait sans précédent dans l’histoire économique » selon le New York Times. Pourquoi n’investissent-elles pas cet argent? Ultimement parce que les marchés sont déjà saturés. La surproduction (ce que les économistes bourgeois appellent la « surcapacité ») explique que les investissements, nécessaires sous le capitalisme, sont à des niveaux historiquement bas. Pourquoi les entreprises investiraient-elles si les travailleurs ne peuvent déjà pas racheter tout ce qui est produit?

La reprise actuelle est l’une des plus faibles de l’histoire du système. Les dettes publiques et privées atteignent des niveaux astronomiques partout dans le monde. L’économie mondiale marche tel un funambule sur un fil de fer toujours plus tremblotant. Mais cela n’a rien d’une aberration : en fait, il s’agit de l’état naturel du capitalisme, ce système complètement irrationnel et chaotique que Marx a si bien décrit en son temps. Ce fait est admis par nul autre que le gouverneur de la Bank of England, qui affirmait plus tôt cette année que « si vous substituez les plateformes aux usines de textile, l’apprentissage automatique aux machines à vapeur, Twitter au télégraphe, vous avez exactement les mêmes dynamiques qui existaient il y a 150 ans, lorsque Karl Marx gribouillait le Manifeste communiste. »

La science du changement

La philosophie du marxisme est une philosophie du changement. Marx expliquait que le système capitaliste, comme les autres systèmes économiques avant lui, n’a pas existé de toute éternité, mais qu’il a eu un début et qu’il aura aussi une fin – si nous nous organisons pour le renverser.

L’idée du changement semble généralement acceptée aujourd’hui. Pourtant, l’idée que le capitalisme « existera toujours » est encore véhiculée aujourd’hui. De même, qui n’a jamais entendu le fameux argument selon lequel le socialisme est impossible à atteindre à cause de la « nature humaine » égoïste? Selon cet argument, tous les humains seraient, depuis toujours et pour toujours, des êtres purement égoïstes. Les choses évoluent, la société se développe, mais la nature humaine demeurerait éternellement la même! Mais Marx affirmait au contraire que la façon d’agir des gens et leurs idées sont en réalité conditionnées par la société et l’époque dans laquelle ils vivent. Tout comme le capitalisme n’est pas éternel, il n’y a pas plus de nature humaine invariable. Pendant la majeure partie de l’histoire de l’humanité, avant les premières sociétés esclavagistes, il n’y avait pas d’État ni de classes sociales et la domination institutionnalisée des hommes sur les femmes n’existait pas encore. La société était organisée selon le « communisme primitif » et les êtres humains vivaient dans la coopération. Telle était la « nature humaine » à l’époque.

Aujourd’hui, le capitalisme forme un terreau fertile pour les idées et comportement égoïstes et rétrogrades. Comment pourrait-il en être autrement? Le capitalisme nous monte les uns contre les autres, appauvrit systématiquement une majorité de la population et nous force à nous mettre en compétition pour les miettes qu’il nous donne. Ce système irrationnel envoie des gens à la rue, maintient ceux qui travaillent dans des conditions difficiles, et s’appuie sur toutes les idées réactionnaires afin de nous maintenir divisés. Les problèmes sociaux tels que le racisme, le sexisme ou la prolifération des troubles de santé mentale ne sortent pas de nulle part : ils s’appuient sur une base matérielle, soit la misère et la pénurie qui sont propres au capitalisme. Marx écrivait que « ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience. » Cette thèse révolutionnaire nous permet de réaliser que la seule façon de se débarrasser une bonne fois pour toutes de ces problèmes est de transformer la société, afin de les déraciner comme on le ferait à une mauvaise herbe.  

Mais Marx expliquait également que le changement dans l’histoire et la nature n’est pas graduel et linéaire. Au contraire, la vision marxiste explique que l’histoire avance en traversant tantôt de longues périodes de stagnation, tantôt des éruptions révolutionnaires qui transforment radicalement la société. En fait, Marx disait que « les révolutions sont les locomotives de l’histoire ». Le capitalisme n’est pas apparu en se développant de manière simplement graduelle. Il a fallu plusieurs révolutions pour que le système capitaliste puisse s’instaurer, notamment la Révolution américaine de 1776 et la Révolution française de 1789. De même, nous ne pouvons pas graduellement réformer le capitalisme et espérer qu’un jour, nous nous réveillerons et la classe dominante aura laissé sa place. Il faut une rupture radicale, une révolution par laquelle la classe ouvrière enlèvera à la classe capitaliste son contrôle de l’économie et établira une société socialiste.

De la théorie à la pratique

Alors que nous entendons parler de plus en plus des idées de Marx dans les universités, les journaux et même la culture internet, un fait demeure peu abordé : Karl Marx n’était pas simplement un intellectuel, content d’élaborer ses théories sur le monde depuis le confort de son salon. En fait, il a su allier la théorie révolutionnaire à la pratique.

Il était clair pour Marx que la seule solution aux inégalités et aux injustices du capitalisme était de s’organiser pour renverser ce système. Marx a passé une grande partie de sa vie à lutter pour les idées socialistes dans le mouvement ouvrier. De 1847 à 1852, il était membre de la Ligue des communistes. C’est à ce moment qu’il a publié son désormais célèbre Manifeste. Puis, de 1864 à 1876, il a participé à l’Association internationale des travailleurs, couramment appelée la Première internationale.

Une des phrases de Marx parmi les plus célèbres résume bien sa pensée : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières, mais ce qui importe, c’est de le transformer. » Plus qu’une simple théorie, le marxisme est un guide pour l’action, qui doit inspirer et éclairer la lutte pour un monde meilleur.

Marx a écrit que « l’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. » Cependant, ce n’est pas un processus automatique. La classe ouvrière n’apprend pas automatiquement, d’un seul coup, la nécessité de lutter pour le socialisme. Il n’y a pas de recette magique :  il faut que les militants qui ont déjà atteint cette conclusion se réunissent au sein d’une organisation commune, et se mettent à la tâche d’expliquer patiemment et de convaincre les autres de la nécessité du renversement du capitalisme et de l’établissement d’une société socialiste. C’est ce que nous construisons à La Riposte socialiste. Armés des idées du marxisme et de notre détermination, nous savons que l’histoire est de notre côté. Nous appelons tous ceux et celles qui veulent mener cette lutte à se joindre à nous!