La « Loi sur l’unité de l’économie canadienne » attise la colère des Autochtones

La classe dirigeante canadienne s’est auparavant conciliée avec les chefs autochtones pour éviter une explosion sociale. Aujourd’hui, elle n’est plus en mesure de maintenir cet équilibre.

  • Marcus Katryniuk
  • ven. 11 juill. 2025
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Des groupes autochtones dénoncent un nouveau projet de loi qui permettra au gouvernement fédéral de contourner toute une série de lois et règlements et potentiellement de piétiner les droits des Autochtones.

Le projet de loi C-5, ou la « Loi sur l’unité de l’économie canadienne », permet essentiellement au gouvernement d’ignorer la réglementation qui entrave la capacité des capitalistes à piller les ressources naturelles. Entre autres, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur les pêches, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur l’évaluation d’impact peuvent être ignorées si le gouvernement décide qu’il est dans « l’intérêt public » (un concept extrêmement nébuleux) de le faire.

De nombreux groupes autochtones soupçonnent, à juste titre, que cela servira à outrepasser les droits territoriaux. Le chef national de l’Assemblée des Premières Nations (APN), Woodhouse Nepinak, a lancé un avertissement : « Les Premières Nations sont très préoccupées par le fait que cette proposition pourrait violer de nombreux droits collectifs. » Les Premières Nations du Traité 8 de l’Alberta ont déclaré que cela s’inscrivait dans une « tendance permanente aux débordements législatifs, à la négligence constitutionnelle et à la violation des traités ».

Un manifestant sur la Colline du Parlement brandissait une pancarte qui reflétait ces craintes de manière plus directe : « Le projet de loi C-5 va profaner des tombes. »

En réponse, Mark Carney a assuré que « le partenariat avec les peuples autochtones est un élément essentiel » de ce projet de loi. Mais ce n’est que balivernes. En lisant le projet de loi C-5, on peut voir qu’il n’offre aucun droit ni aucune garantie réels aux communautés autochtones. Il se contente de promettre vaguement qu’elles seront « consultées ».

Mais aucun groupe autochtone n’a été consulté à propos du projet de loi. Et le gouvernement fédéral voulait initialement inclure la Loi sur les Indiens dans la liste de lois que le projet de loi C-5 pouvait contourner. Le point a été retiré seulement à la toute dernière minute.

C’est de l’hypocrisie libérale typique. Les libéraux font constamment de beaux discours pour montrer à quel point ils respectent les groupes opprimés, mais leurs actions ne suivent jamais leurs paroles.

Carney, au service de la bourgeoisie

Mais pourquoi cette offensive soudaine?

Avec la crise du système, l’économie canadienne est au ralenti. La productivité du travail diminue et les investisseurs privés prennent la fuite, à la recherche d’investissements plus rentables ailleurs. Depuis longtemps, la classe dirigeante canadienne cherche à rendre le Canada plus attrayant pour les investisseurs. Cependant, elle se heurte constamment à l’opposition des groupes autochtones, qui résistent à l’empiètement capitaliste sur leurs terres, et d’une grande partie de l’électorat qui se préoccupe de la crise environnementale et qui ne veut pas soutenir un gouvernement qui permet aux capitalistes de détruire la planète.

Or, l’état de panique provoqué par la guerre commerciale avec les États-Unis a créé la crise dont la classe dirigeante avait besoin pour faire passer son programme régressif. Et son homme, Mark Carney, ne ratera pas cette occasion.

Avec la guerre commerciale, le capitalisme canadien est confronté à une crise existentielle. Promettant de « diversifier les partenaires commerciaux », Carney cherche à moderniser l’économie canadienne et à éliminer les barrières internes au commerce – quelle que soit la forme qu’elles prennent. Avec la militarisation encouragée par l’OTAN, les yeux avides de l’impérialisme sont maintenant rivés sur les minéraux canadiens essentiels à la construction de composants militaires.

La classe dirigeante canadienne est animée d’un sentiment d’urgence, alors que les différents pays rivalisent dans une course pour approvisionner le complexe militaro-industriel en minéraux.

La classe dirigeante, qui avait commencé à concilier avec les leaders autochtones de manière à éviter une explosion sociale, n’est plus en mesure de maintenir cet équilibre. De plus en plus, que ce soit par le biais du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux, les droits des Autochtones ne sont qu’une considération mineure à côté de la survie future du capitalisme canadien.

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, pour défendre son propre projet de loi, a récemment laissé échapper sa véritable opinion lorsqu’il a accusé les Autochtones de « sans cesse venir quêter auprès du gouvernement ». Il s’est plaint que « lorsque vous avez littéralement des mines d’or, des mines de nickel, tous les types de minerais essentiels que le monde veut, et que vous dites “Non, non, je ne veux pas y toucher, et en passant, donnez-moi de l’argent” – il n’en est pas question ».

Il a immédiatement fait marche arrière et s’est excusé, mais ces commentaires reflètent les sentiments de la classe dirigeante. Elle veut avoir accès aux minerais et se moque bien d’empiéter sur les terres autochtones ou de détruire l’environnement.

Cependant, plus elle insiste, plus elle risque de déclencher des mouvements dans les communautés autochtones. En effet, c’est un projet de loi similaire adopté par le gouvernement Harper en 2012 qui a déclenché Idle No More, un mouvement de masse qui a inspiré des manifestations et des blocages dans tout le pays.

Quelle voie suivre?

Lors d’une récente manifestation sur la Colline du Parlement, Ramon Kataquapit, conseiller pour la jeunesse auprès des chefs de l’Ontario, a déclaré que les jeunes autochtones étaient en train de « lancer un mouvement ». Il a ajouté : « Cela peut se transformer en quelque chose de beaucoup plus grand, et beaucoup de notre peuple – beaucoup de jeunes – on voit ça. »

Certains dirigeants autochtones ont appelé la gouverneure générale, Mary Simon, à retarder ou annuler le projet de loi, en raison du fait qu’elle est une femme inuite. L’APN a même appelé au Sénat à ralentir l’adoption du projet de loi.

C’est très malavisé. Tous les paliers de gouvernement – provincial, fédéral et la Couronne – font partie d’une machine étroitement imbriquée conçue pour défendre les intérêts du capitalisme. Peu importe qu’elle soit autochtone, Simon soutiendra toujours les besoins des patrons. Il en va de même pour le Sénat, relique vivante du passé colonial du Canada.

Au contraire, les attaques doivent être combattues de front. Il y a manifestement une volonté de se battre.

Les mouvements passés comme Idle No More et 1492 Land Back Lane montrent la voie à suivre. Le projet de loi C-5 et les attaques qui en découleront doivent être combattus par des manifestations de masse. Les développements économiques non désirés doivent être combattus par des occupations et des blocages.

Et le mouvement ouvrier doit se tenir prêt à soutenir toutes les luttes des Autochtones contre le projet de loi C-5. Ce que fait le gouvernement ne concerne pas seulement les droits autochtones et la réglementation environnementale. Les capitalistes ont un appétit insatiable pour les profits et ils commencent à s’attaquer à tous les obstacles qui se dressent sur leur chemin. D’abord, la réglementation environnementale et les droits territoriaux des Autochtones. Ensuite, ce seront les protections en matière de travail et les droits syndicaux. Nous devons lutter ensemble contre notre ennemi commun.

Une victoire contre le gouvernement sur cette question affaiblira sa capacité à attaquer le mouvement ouvrier et la classe ouvrière dans son ensemble.

Cette question démontre l’urgence pour le mouvement de lutter non seulement contre les projets de loi réactionnaires comme C-5, mais aussi contre le système capitaliste dans son ensemble.

Une économie socialiste planifiée mettrait les richesses de la société au service des besoins du plus grand nombre. La production se ferait sur la base d’une planification rationnelle et nous pourrions transformer les méthodes de production pour qu’elles soient aussi respectueuses de l’environnement que possible. Les peuples autochtones ne seraient plus des victimes, mais des partenaires égaux dans le développement économique. Ils bénéficieraient directement du développement et ne seraient pas contraints d’accepter des projets sur leurs terres avec lesquels ils ne sont pas d’accord.

Nous avons suffisamment de richesses pour donner à chacun un niveau de vie décent. Mais seul le socialisme peut rendre cela possible.