
L’Argent (1983) est la dernière œuvre réalisée par le maître du cinéma français Robert Bresson – et l’une de ses meilleures. Comme l’indique le titre, il s’agit d’un film sur la façon dont l’argent contrôle nos vies.
Le film débute avec deux adolescents qui utilisent un faux billet pour arnaquer une boutique de photos. Ce billet se retrouve éventuellement dans les mains d’Yvon, un innocent chauffeur de camion, sur qui retombe le blâme. Il évite la prison, mais perd son emploi, et est contraint de se tourner vers la criminalité pour subvenir aux besoins de sa femme et de son enfant. Il se retrouve rapidement en prison, perd sa famille, et sombre dans une déchéance morale totale.
Bresson présente la soif d’argent comme la source du mal. Presque tous les personnages mentent, trichent, volent ou tuent pour l’argent. Et chacune de ces actions déclenche des réactions en chaîne qui ruinent la vie d’innocents d’une manière que personne n’aurait pu prédire et qu’aucune des victimes n’est en mesure de comprendre.
Cela, évidemment, est une réalité de la vie sous le capitalisme. L’argent n’est rien d’autre que la richesse combinée de la société. Mais cette richesse a été aliénée des humains, et contrôle la société presque comme une force omnipotente. Comme l’explique Marx : « L’argent, c’est l’essence aliénée du travail et de la vie de l’homme, et cette essence étrangère le domine, et il l’adore. »
Tout cela est communiqué par le style de réalisation unique de Bresson. Il avait un mépris total pour le métier d’acteur. Tous ses films mettent en œuvre exclusivement des acteurs non professionnels, qu’il entraînait à jouer avec le moins d’émotion possible. Il faisait notoirement répéter les scènes aux acteurs, encore et encore, jusqu’à s’être débarrassé de toute émotion.
Bresson était obsédé par la mécanique du film. Il préférait traiter les acteurs comme des marionnettes, accordant une attention extrêmement détaillée à leurs actions physiques. Ses films contiennent de longues scènes centrées sur le dos, le ventre ou les mains des personnages, et de nombreuses scènes avec très peu ou pas de dialogue.
Pourtant, tous ses films sont d’une grande profondeur émotionnelle. Bresson avait beaucoup de choses intéressantes à dire à propos de la condition humaine, et il les a dites d’une voix puissante et distincte. Pour reprendre les mots du critique de cinéma Roger Ebert : « Puisque les acteurs ne jouaient pas les émotions, le public pouvait les intérioriser. »
Ses procédés habituels sont très efficaces dans L’Argent. Le style renforce le thème général de l’aliénation. Les personnages sont privés d’une grande partie de leur pouvoir d’action. Ils agissent comme des engrenages dans une machine, contrôlés par des désirs trop puissants pour qu’ils puissent les comprendre ou les contrôler. Cela illustre bien ce que ressentent la plupart des gens vivant dans la société moderne.
Tant que le capitalisme existe, l’argent va continuer à dénaturer les relations humaines comme cela est présenté dans L’Argent. Il ne tient qu’à nous de collectiviser la richesse de la société et de la mettre au service de l’humanité.