Le « Convoi de la liberté » : un avertissement au mouvement ouvrier

Le soi-disant convoi de la liberté a fait les gros titres ces dernières semaines et bloque le centre-ville autour de la colline du Parlement à Ottawa depuis une semaine. Nous voyons maintenant les conséquences de l’inaction du mouvement ouvrier.

  • Rob Lyon
  • dim. 6 févr. 2022
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Photo : Marc-André Cossette/Twitter

Le soi-disant convoi de la liberté a fait les gros titres ces dernières semaines et bloque le centre-ville autour de la colline du Parlement à Ottawa depuis une semaine. Bien que le nombre de participants au blocus ait diminué, rien n’indique qu’ils aient l’intention de partir de sitôt et beaucoup ont juré de rester jusqu’à ce que leurs demandes d’annulation de toutes les mesures sanitaires en cas de pandémie soient satisfaites.

Les résidents et les travailleurs du centre-ville d’Ottawa sont de plus en plus frustrés par le blocus. Les lieux de travail, les centres commerciaux, les cliniques de vaccination, les écoles et des pâtés de maisons entiers ont été fermés. Le centre-ville est complètement bloqué et les gens sont incapables de se rendre au travail ou à l’école.

Outre les drapeaux nazis et confédérés et la présence de groupes d’extrême droite, de plus en plus de témoignages font état de comportements voyous, avec des participants au convoi harcelant et intimidant des travailleurs de la santé et des passants portant des masques. On rapporte des cas d’agressions et de jets de pierres sur des ambulanciers. Des participants au convoi ont agressé un sans-abri et harcelé des travailleurs pour qu’ils leur donnent des repas dans un refuge du centre-ville. De nombreux résidents et travailleurs de la région ne se sentent pas en sécurité.

D’autres manifestants ont fait grossir les rangs de la manifestation à Ottawa ce week-end, et des convois se sont rendus à Toronto et Québec. Une petite contre-manifestation des travailleurs a eu lieu à Ottawa, malgré les efforts de dirigeants de certains syndicats et du député néo-démocrate local pour l’annuler.

Après avoir vu les événements d’Ottawa, les travailleurs de la santé de Toronto sont à juste titre inquiets. La zone autour du parlement provincial abrite un certain nombre d’hôpitaux. Les travailleurs hospitaliers pourraient avoir du mal à se rendre au travail et les patients auront du mal à accéder aux installations médicales si le convoi parvient à bloquer la zone.

Les hôpitaux de Toronto ont déjà annoncé que certains rendez-vous seront déplacés en ligne et une clinique de soins urgents a été fermée pour le week-end. De nombreux hôpitaux ont également conseillé aux travailleurs de se rendre au travail en civil et en tenue de ville afin de ne pas être identifiés comme des travailleurs de la santé, dans l’espoir d’éviter l’intimidation et le harcèlement observés à Ottawa.

Une contre-manifestation au convoi a été organisée par des professionnels de la santé et des travailleurs de Toronto. Ils ont lancé un appel au soutien pour que les travailleurs puissent se rendre au travail et que les patients puissent accéder aux établissements médicaux sans être harcelés. Faisant preuve d’un esprit combatif, ils refusent de se rendre au travail en cachette et de laisser l’accès aux soins de santé être compromis.

Ce qui est significatif à propos de la contre-manifestation, c’est qu’elle est organisée par ces soignants et ces travailleurs indépendamment de toute association ou tout syndicat du secteur de la santé. L’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario a condamné toute manifestation qui « empêche les infirmières et les professionnels de la santé de faire leur travail », mais elle ne semble pas se mobiliser en réponse au convoi.

Ces travailleurs de la santé de Toronto sont instinctivement opposés au « convoi de la liberté » et adoptent la bonne approche. Mais il faut en faire plus. Le mouvement ouvrier doit commencer à se mobiliser contre la mauvaise gestion de la pandémie et le programme anti-vaccins de l’extrême droite. Mais cela a été le problème pendant toute la durée de la pandémie. Le mouvement syndical a été silencieux, a accepté la gestion de la pandémie par le gouvernement dans l’intérêt des capitalistes. Il a été silencieux alors qu’il aurait fallu revendiquer des méthodes ouvrières de lutte contre la pandémie.

Avec le « Convoi de la liberté », nous voyons maintenant les conséquences de cette inaction du mouvement ouvrier. En l’absence de leadership de la part de la gauche et des syndicats, en l’absence de lutte de classe combative et organisée, une partie de la colère de classe grandissante qui monte dans la société face à la mauvaise gestion de la pandémie par le gouvernement est canalisée vers la droite et le plan d’« apprendre à vivre avec le virus » des patrons.

Polarisation et lassitude face à la pandémie

Les grands médias ont acclamé le « convoi de la liberté » comme une manifestation populaire de camionneurs de la « classe ouvrière » contre l’obligation fédérale de vaccination. Le convoi s’est finalement révélé être un véhicule bien organisé et bien financé pour l’extrême droite et le mouvement réactionnaire anti-vax.

Les organisateurs ont d’abord affirmé que quelque 50 000 camions et des centaines de milliers de personnes étaient en route pour Ottawa dans le convoi. Certains, à l’extrême droite, ont dit que le convoi était la version canadienne de l’« insurrection » de Trump du 6 janvier.

En fin de compte, la taille réelle du convoi était beaucoup plus petite. Le nombre exact de camions engagés dans le convoi et le blocus n’est pas connu, mais on estime qu’entre 1000 et 2000 semi-remorques et véhicules personnels étaient impliqués, et qu’entre 8000 et 10 000 personnes étaient présentes lors des blocus à Ottawa le week-end dernier.

Ces événements ne peuvent pas être simplement rejetés comme étant les actions de quelques marginaux anti-vax. Bien qu’ils ne soient pas aussi nombreux qu’annoncés, la taille du convoi et du blocus n’est pas négligeable. Ce n’est pas une mince affaire que d’organiser des milliers de personnes pour traverser le pays en voiture et bloquer le Parlement.

Au-delà du convoi lui-même, des centaines de sympathisants ont accueilli les convois dans de nombreuses villes et villages le long des itinéraires en direction d’Ottawa. Au total, plusieurs milliers de personnes, au bas mot, sont venues soutenir les convois. Divers groupes Facebook de convois ont compté des centaines de milliers de membres. Un groupe actuel compte plus de 635 000 membres. Toutes ces personnes qui soutiennent le convoi ne sont pas des fascistes et des opposants au vaccin. Beaucoup sont des travailleurs qui s’inquiètent de la pandémie, de l’inflation et des pertes d’emploi. Ils cherchent une issue à la situation et, pour l’instant, le convoi apparaît comme une option anti-establishment.

Ce soutien populaire au « convoi de la liberté » est indéniable. Un sondage récent et continu d’Innovative Research montre que 31% des personnes interrogées soutiennent la manifestation des camionneurs et que 46% y sont opposées. Un autre sondage réalisé par Abacus Data montre que 32% des personnes interrogées estiment avoir beaucoup de choses en commun avec la façon dont les manifestants à Ottawa voient les choses, tandis que 68% disent avoir très peu de choses en commun. Ce n’est pas un niveau de soutien négligeable pour le convoi.

La crise mondialisée du capitalisme a ouvert une période d’instabilité sociale sans précédent et de forte polarisation et confusion politiques. On observe un sentiment croissant de méfiance à l’égard de l’establishment et de frustration à l’égard du statu quo. De nombreuses personnes sont à la recherche d’un exutoire et de solutions de rechange hors des chantiers battus. Ces processus ont été accentués par la pandémie.

La classe ouvrière a de nombreuses raisons d’être en colère contre la gestion de la pandémie. La réponse des gouvernements à la COVID-19 a été incohérente et contradictoire. Cela s’explique par le fait que les gouvernements ont donné la priorité aux intérêts de la classe dirigeante et aux profits des grandes entreprises plutôt qu’à la santé des travailleurs.

Sous la pression de la classe ouvrière, les gouvernements fédéral et provinciaux ont adopté une politique de confinement au début de la pandémie. Ces confinements ne visaient généralement pas les principales sources d’infection, soit les grandes usines et les entrepôts, certains services essentiels et les écoles, car les gouvernements tentaient de protéger les profits de la classe dirigeante.

Malgré tous les efforts du gouvernement, avec des plans de sauvetage massifs, des prêts bon marché et des subventions salariales pour les entreprises, les confinements ont inévitablement eu un effet majeur sur l’économie. Lorsque les premières vagues se sont calmées, la classe dirigeante s’est résolument opposée à de nouveaux confinements. Ils nuisaient tout simplement trop aux profits.

La vaccination généralisée était censée résoudre le problème des confinements. Tout se passait comme prévu cet automne et il semblait que nous étions sur le point de revenir à la « normale ». Puis la vague Omicron a frappé et a ruiné tous les plans des capitalistes. La vaccination ne suffira pas, les hôpitaux sont à nouveau débordés et la classe ouvrière fait pression pour le retour de diverses mesures sanitaires liées à la pandémie.

Les grands médias, toujours au service des intérêts de la classe dominante, ont joué leur rôle et ont lancé une campagne de propagande pour convaincre la classe ouvrière « d’apprendre à vivre avec le virus ». Article après article, les médias ont souligné les incohérences et les problèmes des confinements, sans jamais en expliquer les véritables raisons. Les aspects de ces articles qui étaient vrais correspondaient à ce que les gens pouvaient voir de leurs propres yeux. Les services essentiels restaient ouverts, de nombreux travailleurs devaient encore se rendre au travail et les enfants allaient encore à l’école. Alors, à quoi servaient vraiment les mesures sanitaires liées à la pandémie? Pourquoi les gens devraient-ils mettre leur vie en suspens si les mesures sanitaires ne semblent pas arrêter la propagation du virus?

En l’absence de toute initiative de la part du mouvement syndical pour défendre les intérêts de la classe ouvrière et sous l’effet du flot constant de propagande dans les médias, un nombre croissant de travailleurs ont été convaincus d’accepter le plan de la classe dirigeante et ont accepté d’apprendre à vivre avec le virus.

Tempête prévisible

La mauvaise gestion de la pandémie et l’absence de réponse de gauche ont créé les conditions parfaites pour la fusion des sentiments anti-vaccins, de l’extrême droite et des propriétaires d’entreprises de livraison et de camionneurs en colère contre l’obligation fédérale de vaccination.

Ces conditions expliquent également pourquoi tant de personnes soutiennent le convoi. Les partis politiques établis sont responsables de la mauvaise gestion de la pandémie et sont méprisés. Les gens sont en colère et cherchent un exutoire et un moyen de sortir de cette situation. En l’absence de leadership de la part de la gauche et des syndicats, certaines couches se dirigent vers la droite anti-establishment. C’est parce qu’il n’y a pas d’autre solution offerte. Il n’y a pas de gauche de masse anti-establishment. Mises à part les particularités propres aux deux pays, le « convoi de la liberté » et la croissance du PPC sont le reflet du même processus qui a conduit à l’ascension de Trump aux États-Unis.

Le camionnage est un métier dangereux, avec de longues heures de travail et un faible salaire. La pandémie a fait des ravages dans les chaînes d’approvisionnement et la hausse de l’inflation rend plus difficile pour les camionneurs de joindre les deux bouts. Mais personne ne parle des vrais problèmes des travailleurs de l’industrie du camionnage. Le décret fédéral sur les vaccins dans le camionnage a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour une certaine catégorie de camionneurs qui étaient déjà favorables aux idées anti-vax. Maintenant, les propriétaires de l’industrie du camionnage dominent et ont capté cette humeur de colère, car certains camionneurs en sont venus à croire que ce qui est bon pour le patron est bon pour eux. C’est pourquoi le convoi est en réalité un véhicule destiné à défendre les intérêts des propriétaires des entreprises de camionnage.

La grande majorité des camionneurs au Canada sont entièrement vaccinés. Le mandat fédéral ne leur posera pas de problème. L’Alliance canadienne du camionnage estime toutefois que le mandat touchera quelque 12 000 à 16 000 camionneurs, soit environ 10 à 15% de tous les conducteurs commerciaux qui traversent la frontière canado-américaine. Les dirigeants du convoi utilisent le convoi à leurs propres fins cyniques. Ils accusent l’obligation vaccinale d’être responsable de la pénurie de chauffeurs, des problèmes de chaîne d’approvisionnement et de l’inflation. En réalité, il est bien connu que le manque de personnel est un problème majeur dans l’industrie du camionnage depuis longtemps, en grande partie à cause des bas salaires et des mauvaises conditions de travail dans l’industrie.

Dans le cas des camionneurs salariés du convoi, le vide à gauche a fait que l’initiative est passée aux propriétaires de l’industrie du camionnage alliés aux antivax et à l’extrême droite. L’alliance des propriétaires des entreprises de camionnage et du mouvement anti-vax d’extrême droite à la tête du convoi a réussi à convaincre une couche de camionneurs que le plus gros problème auquel ils sont confrontés est l’obligation fédérale de vaccination pour les voyages transfrontaliers, plutôt que les questions de sécurité, de salaires et de conditions de travail. Comme l’a récemment déclaré un camionneur à propos du convoi, « C’est très, très alarmant, je dois dire, lorsque vous avez les yeux et les oreilles de tout le monde, non seulement au Canada, mais dans le monde entier, qui regardent ce qui se passe à Ottawa [et] que nous ne parlons pas des vrais problèmes. »

Un programme de lutte pour les camionneurs

Les camionneurs ont des raisons légitimes d’être en colère. Les économies du Canada et des États-Unis sont fortement dépendantes du camionnage pour le transport des marchandises. On estime que plus de 90% de tous les produits de consommation et denrées alimentaires en Amérique du Nord sont transportés par camion jusqu’à leur destination finale.

À mesure que le « libre-échange » s’étendait sur le continent dans les années 1980, les capitalistes avaient besoin de taux de fret bas pour réaliser leurs bénéfices. Cela a conduit à la déréglementation de l’industrie du camionnage, qui a débuté à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Les syndicats de camionneurs ont été cassés et ont battu en retraite sur toute la ligne. Cela a permis aux patrons de s’attaquer aux conditions de travail et aux salaires pour maintenir les taux de fret et les coûts de transport à un bas niveau. Les contrats indépendants ont été introduits à grande échelle, ce qui a permis aux capitalistes de répercuter les coûts du transport de marchandises sur les camionneurs eux-mêmes, tout en réduisant les salaires et les taux et en refusant de payer les avantages sociaux.

Le résultat est que le camionnage est passé d’un bon emploi syndiqué dans la période d’après-guerre à l’emploi dangereux et mal payé qu’il est aujourd’hui. Selon le magazine Money, « en 1980, le camionneur américain moyen gagnait un salaire annuel, ajusté en fonction de l’inflation, égal à plus de 110 000 dollars aujourd’hui. Vingt-cinq ans plus tard, les camionneurs gagnent en moyenne environ 40 000 dollars par an, ils travaillent plus dur, plus longtemps et avec moins de sécurité d’emploi ». La situation est similaire au Canada. Selon un rapport de Service Canada en 2013, le revenu moyen national des travailleurs de l’industrie du transport était de 38 111 dollars.

Les longues heures de travail et la sécurité sont des problèmes majeurs pour les camionneurs :

Bien qu’il existe des limites légales aux heures de travail, de nombreux camionneurs subissent des pressions de la part de leur superviseur – par le biais d’une connexion téléphonique longue distance – pour ignorer ces limites et continuer à conduire plus longtemps.

Autrefois, les chauffeurs avaient une certaine autonomie. Ils étaient payés au kilomètre, et non à la durée d’un trajet complet. Ils pouvaient diviser leurs journées de 12 heures en périodes de travail de quatre heures et de repos de quatre heures. Ils pouvaient même s’arrêter pour attendre la fin de la congestion aux heures de pointe lorsque leur vitesse était limitée.

Ils doivent maintenant continuer à conduire dangereusement sans se reposer suffisamment. La fatigue qui s’ensuit est incontestablement un facteur dans bon nombre des accidents qui se produisent, surtout lorsqu’elle est associée à une formation insuffisante.

L’un des signes évidents de cette réduction des périodes de repos des conducteurs a été la fermeture de centaines de relais routiers qui accueillaient les conducteurs fatigués, et la suppression de toutes les places de stationnement qu’ils offraient. Un conducteur a maintenant du mal à trouver un endroit où se garer, même en cas d’urgence.

Les camionneurs canadiens ne disposent pas d’un véritable syndicat pour défendre leurs intérêts. Les diverses associations de camionnage regroupent les transporteurs, les propriétaires-exploitants et les entreprises de transport. Les chauffeurs sont donc à la merci des patrons.  

Les intérêts des sociétés propriétaires des entreprises de camionnage sont directement opposés à ceux des camionneurs salariés du convoi. Le véritable ennemi des camionneurs salariés est le patronat des entreprises de camionnage qui a imposé des bas salaires et de mauvaises conditions de travail.

La façon de combattre la direction de droite du convoi est politique. Le « convoi de la liberté » pourrait être divisé sur des lignes de classe par un programme audacieux de revendications pour des salaires plus élevés, des avantages sociaux et des conditions de travail plus sûres pour les camionneurs. Le mouvement syndical pourrait se mobiliser pour lutter en faveur d’un véritable syndicat pour les camionneurs salariés et les propriétaires-exploitants. Les camionneurs travailleurs pourraient être convaincus de soutenir un tel programme qui défend leurs intérêts de classe et aborde les problèmes réels auxquels ils sont confrontés. Cela permettrait de démasquer et d’affaiblir la direction de droite du convoi.

Il faut se mobiliser pour combattre la pandémie

Le mouvement ouvrier doit s’opposer aux appels du « Convoi de la liberté » à mettre fin à toutes les mesures sanitaires liées à la pandémie. Il serait très dangereux, à l’heure actuelle, de mettre fin immédiatement aux confinements, aux limites d’occupation, aux exigences en matière de dépistage et d’isolement, à l’obligation de porter un masque et de se faire vacciner, etc. La vague Omicron semble avoir atteint un plateau, mais elle n’est pas terminée. Les taux d’infection, d’hospitalisation et de décès restent élevés.

Les réponses gouvernementales à la pandémie ont été conçues pour protéger les profits des capitalistes. La classe ouvrière ne peut pas confier la gestion de la pandémie aux gouvernements capitalistes. Le mouvement ouvrier doit lutter pour le contrôle ouvrier de la sécurité sur les lieux de travail afin que les travailleurs eux-mêmes puissent décider quels lieux de travail sont sûrs et quelles mesures sanitaires liées à la pandémie sont nécessaires.

Les grands médias ont effrontément minimisé le nombre de décès pendant la vague Omicron. Le nombre de décès quotidiens en Ontario en janvier 2022 était parmi les plus élevés de toute la pandémie. Plus de 1100 personnes sont mortes à cause de la COVID-19 en janvier 2022, ce qui en fait l’un des mois les plus meurtriers de toute la pandémie. La suppression immédiate de toutes les mesures sanitaires liées à la pandémie entraînerait une nouvelle vague et davantage de décès. La classe ouvrière sera la plus touchée, comme elle l’a été tout au long de la pandémie.

Nous ne sommes pas favorables à des confinements interminables et incohérents, mais nous ne pouvons pas non plus simplement faire disparaître la pandémie par la force de la volonté. Comme nous l’avons écrit dans un article précédent :

Tout au long de ces deux années horribles, la logique du profit s’est mise au travers de toute mesure ayant pu stopper le virus ou même limiter les morts. Les gouvernements ont pris toutes sortes de mesures pour donner l’impression d’agir contre la pandémie, tant que cela ne coûtait pas trop cher et ne nuisait pas trop à la capacité des capitalistes à faire de l’argent. 

Le gouvernement de la CAQ s’est fait le champion de ce genre de mesures en apparence drastiques, mais sans la moindre efficacité démontrée, comme le couvre-feu et la taxe sur les non-vaccinés. Cela n’a fait qu’éroder la patience du public, réduire l’adhésion aux mesures de santé publique et nourrir le mouvement anti-masques et anti-vaccination. Nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi accepter de mettre sa vie sociale et ses loisirs sur pause pendant plusieurs mois si cela n’empêche pas le virus de se répandre. 

Ce scepticisme face aux mesures de santé publique vient à son tour mettre le gouvernement en meilleure position pour faire accepter de « vivre avec le virus ». Les covidiots au gouvernement et les covidiots anti-vaccins ne sont que les deux faces de la même médaille et se nourrissent l’un l’autre.

Nous ne pouvons laisser la classe dirigeante faire avaler la pilule d’« apprendre à vivre avec la COVID ». Les solutions à la pandémie sont connues depuis longtemps. Il y a bien suffisamment de richesses dans notre société pour investir massivement dans la santé, de l’équipement de protection individuelle pour tout le monde, la distribution de vaccins à toute la population mondiale, etc.

Le mouvement ouvrier doit engager la lutte pour créer les conditions dans lesquelles les lieux de travail et les écoles peuvent être ouverts en toute sécurité et le rester. Nous avons besoin d’un programme de lutte et d’une mobilisation en faveur de l’élargissement des services de dépistage et des services hospitaliers, de l’augmentation du financement du système de santé, de la fourniture suffisante de matériel de protection individuelle à tous les travailleurs, de l’embauche de plus d’infirmières et de médecins, de l’embauche de plus d’enseignants, de la réduction de la taille des classes, de la ventilation adéquate des écoles et des lieux de travail, etc.

L’aile droite anti-establishment est hardie et n’a pas froid aux yeux. C’est l’une des raisons pour lesquelles elle a pu gagner le soutien d’une certaine couche de la société, fatiguée à juste titre de la pandémie et de plus en plus en colère contre l’establishment.

Les dirigeants du mouvement syndical, quant à eux, ont refusé de se battre à de multiples reprises pendant la pandémie. Des manifestations et des grèves de masse auraient pu être organisées à de multiples occasions pour obtenir des primes de risque, des congés de maladie payés et des conditions de travail plus sûres.

En avril de l’année dernière, il y a eu une explosion de colère et des appels à des refus massifs de travailler pour obtenir des congés de maladie payés. Le mouvement syndical aurait pu saisir cet état d’esprit et organiser un mouvement de lutte pour obtenir une rémunération adéquate pour les travailleurs en arrêt maladie à cause de la COVID. Les dirigeants syndicaux et le NPD ont refusé d’organiser la lutte et ont docilement accepté les trois jours de congé payés insuffisants du premier ministre Doug Ford.

Au début du mois de janvier, les enseignants de Chicago ont mené une action syndicale et refusé de travailler en personne en raison des conditions de travail dangereuses liées à la pandémie. Ils ont gagné cette lutte parce que le syndicat s’est organisé pour gagner. Comparez cela aux enseignants de Toronto, où une situation similaire se développait au même moment, mais où les syndicats ont refusé d’organiser la lutte et où les enseignants ont été forcés de retourner au travail sans que leurs inquiétudes quant à la sécurité ne soient prises en compte.

Le « Convoi de la liberté » a organisé des milliers de personnes dans une lutte effrontée pour mettre fin à toutes les mesures sanitaires liées à la pandémie. Le mouvement de la classe ouvrière pour lutter contre la pandémie pourrait facilement éclipser ce mouvement si les syndicats adoptaient une approche tout aussi audacieuse. Imaginez combien de travailleurs pourraient être mobilisés pour lutter contre le parasitisme et la mauvaise gestion de la pandémie. Imaginez le nombre de travailleurs qui pourraient être mobilisés pour réclamer des primes de risque, des conditions de travail plus sûres et un financement accru pour les hôpitaux et les écoles.

Le « Convoi de la liberté » est un avertissement pour le mouvement ouvrier. Une immense colère gronde dans la classe ouvrière. Les travailleurs cherchent de plus en plus un exutoire à cette colère, mais les dirigeants du mouvement syndical ont non seulement refusé de prendre l’initiative, mais ont tout fait pour empêcher la mobilisation autour de cette humeur militante. En conséquence, une partie de cette colère est canalisée vers la droite et les opposants au vaccin.

On ne peut pas combattre la droite anti-establishment avec le libéralisme de l’establishment et le réformisme docile. Nous avons besoin d’un mouvement de masse anti-establishment venant de la gauche. Nous avons besoin d’un mouvement qui pointe du doigt le véritable coupable : les milliardaires, leur système et les politiciens qui le défendent. Nous avons besoin d’un mouvement qui n’a pas peur de prendre des mesures audacieuses pour lutter contre la pandémie et le système capitaliste pourri – non pas avec des pétitions ou des résolutions joliment formulées au Parlement, mais avec des mobilisations de masse dans les rues, sur nos lieux de travail et dans les écoles. Nous devons nous battre pour gagner!