Partie 1 : Combattons les coupures

Une lutte sociale d’envergure massive se profile à l’horizon au Québec. Chaque semaine, le gouvernement québécois annonce de nouvelles coupes qui rendront nos vies plus difficiles. Avec la honteuse réforme des pensions de retraite, c’est des centaines de millions de dollars qui sont carrément volés des poches de 65000 travailleur-euses municipaux. La fin du système de garderies à 7$ rendra la situation encore plus précaire pour des centaines de milliers de familles québécoises. Si ce n’était pas assez, les budgets des systèmes de santé et d’éducation subiront des coupes de plusieurs centaines de millions. Il ne s’agit là que de quelques exemples parmi l’ensemble des coupures.

Le ministre des finances Carlos Leitao a annoncé que la somme des coupures annoncées jusqu’à maintenant s’élève à 700 millions $ dans la fonction publique, 300 millions $ dans les municipalités, et 200 millions $ dans le système de santé. Cela est sensé enligner la province vers la cible de 2,35 milliards $ de déficit. En 2015, 1,1 milliards de dollars de coupures sont encore prévues, ce qui signifie que le pire est encore à venir avant d’atteindre le déficit zéro.

Tous les avantages et programmes sociaux, gagnés grâce à des décennies de lutte, se dirigent maintenant vers l’abattoir. L’austérité constitue essentiellement un appel à démanteler le filet social qui nous permet d’avoir des conditions de vie relativement tolérables au Québec. Cela amènera des millions de travailleur-euses inactifs depuis longtemps à se réveiller politiquement. Ainsi, on assiste à l’éclatement de l’illusion que le Québec est une société progressive et démocratique et à la révélation du vrai visage du capitalisme québécois.

L’hypocrisie de ce gouvernement ne connait aucune limite. Philippe Couillard n’a pas été élu sur une plateforme d’austérité; les libéraux ont menti aux Québécois-es. Sans oublier qu’en coupant les pensions, ils reviennent sur des ententes déjà négociées et demandent des concessions sans négociation. Ces voleurs et menteurs appellent à ce que « tout le monde » fasse sa « juste part ». Mais qu’en est-il de leurs riches amis qui nous ont mis dans ce pétrin? Ils continuent à recevoir leurs bonus et allègements fiscaux pendant qu’on nous demande de payer la note.

Sans possibilité de négocier un règlement à l’amiable, comme c’était la tradition par le passé, les leaders syndicaux ont commencé à lever le ton et promettent un « nouveau Printemps québécois ». La réponse des travailleuses et travailleurs fut massive. Pendant l’automne de 2014, plusieurs grosses manifestations eurent lieu à Montréal, la plus importante attirant une centaine de milliers de personnes dans les rues du centre-ville en une journée froide. En plus de ces manifestations, les travailleuses des garderies, les cols bleus et les cols blancs à travers la province tinrent une série de grèves d’un jour et d’action illégales. Mais où s’en va le mouvement? Le gouvernement a déjà montré clairement qu’il ne reculera pas; les coupures auront lieu, peu importe le nombre de personnes dans les rues. Dans ces conditions, que le mouvement doit-il faire pour vaincre?

Des millions de travailleur-euses et de jeunes cherchent à comprendre pourquoi leurs conditions de vie sont attaquées et comment riposter. C’est dans cette optique que La Riposte a produit ce manifeste, dans le but que les idées du marxisme les éclaire sur la marche à suivre pendant la lutte qui s’en vient.

Partie 2 : Combattons le capitalisme

Le Québec n’était pas à l’abri de la crise économique de 2008-09, et ne s’en est pas encore remis. Loin d’être une dépression cyclique normale, cette crise est une crise profonde du système capitaliste dans son ensemble.

On a fait grand cas de la dette publique extrêmement élevée des pays du sud de l’Europe, mais le Québec n’est pas si loin derrière. En fait, la province est l’une des juridictions les plus endettées de l’Amérique du Nord, avec un ratio dette/PIB avoisinant 50%. Lorsqu’on prend en compte les dettes municipale et fédérale, ce ratio est aussi élevé que celui de plusieurs des pays les plus endettés d’Europe. L’enjeu de la dette, sous le capitalisme, n’est pas un enjeu abstrait. Juste pour maintenir ses titres de créances, le gouvernement québécois a dû payer près de 11 milliards $ en 2014, après avoir payé 8,6 milliards en 2013. En 2014, cela équivalait approximativement à 11% de ses revenus. Pour donner une idée, cela met à égalité le coût du service de la dette avec les dépenses du ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport, soit le deuxième plus large ministère du gouvernement. Aussi peu reluisants soient ces chiffres, le service de la dette deviendra encore plus imposant lorsque les taux d’intérêt augmenteront. Si le Québec n’est pas en mesure de remettre de l’ordre dans ses finances, les agences internationales de notation laissent planer la menace d’une décote de la province, ce qui ferait augmenter le taux d’intérêt sur les emprunts du gouvernement.

Les conditions économiques de la province n’ont fait qu’empirer, et il n’y a rien de très positif à l’horizon immédiat. Tandis que plusieurs politiciens ont parlé d’une «reprise» depuis 2009, les faits dévoilent une tout autre histoire. La croissance économique, au cours des quatre dernières années, a ralenti constamment ; en 2013, la croissance du PIB n’a été que de 1,2% et se situe maintenant à un point de pourcentage sous la moyenne canadienne. Depuis que les Libéraux ont pris le pouvoir en avril 2014, plus de 80 000 emplois à temps plein ont été perdus. En 2013, la demande en produits de consommation n’a cru que de 0,7%, la croissance la plus faible depuis 1995. Les investissements stagnent alors que l’économie du Québec est confrontée aux mêmes problèmes que toutes les autres nations. Les entreprises au Canada ont accumulé de grosses sommes d’argent qu’elles refusent d’investir. En 2014, l’«argent mort» accumulé dans les comptes de banque des sociétés canadiennes avoisinait 630 milliards $, ce qui équivaut à environ un tiers du PIB du pays. Cette vertigineuse somme pourrait (et devrait) être utilisée pour répondre aux besoins de toute la société. Mais peut-il vraiment en être autrement sous le capitalisme ?

Les slogans utilisés par les principaux dirigeants des syndicats étudiants et ouvriers sont porteurs de l’idée que les coupures sont « idéologiques », et qu’elles « ne sont pas inévitables. » Mais les gouvernements peuvent-ils simplement continuer à accumuler les déficits et augmenter la dette publique ? Les syndicats ont souligné que le vrai problème est l’économie chancelante du Québec. Ils affirment que loin d’améliorer l’état de l’économie, l’austérité ne fera qu’aggraver la situation. En prenant de l’argent dans les poches des travailleur-euses, la demande diminue effectivement. Cela ne fait que détériorer les conditions pour les investissements, et les capitalistes ne voudront pas investir dans un marché en recul. Tout cela est vrai, mais les gouvernements ne peuvent pas non plus continuer à accumuler des niveaux d’endettement insoutenables. Voilà l’énigme posée par la crise du capitalisme. Sous ce système, les dettes doivent être remboursées et les gouvernements ne peuvent pas envoyer la facture aux patrons. La force dominante de l’économie est l’investissement privé, et ce faisant le gouvernement doit suivre ses diktats. Tous les gouvernements qui ne sont pas préparés à rompre avec le système devront mettre en place de profondes coupures contre les travailleur-euses et la jeunesse. Mais y a-t-il une alternative ?

Une partie de la gauche regarde la situation et met de l’avant l’idée d’augmenter l’impôt des entreprises afin de récolter les fonds nécessaires pour gérer le déficit et financer les programmes sociaux. Mais que va-t-il se passer si le gouvernement y va d’un tel geste ? Nous n’avons pas besoin d’aller bien loin pour trouver un exemple de ceci. En 1990, l’Ontario a élu un gouvernement provincial mené par le NPD de Bob Rae. Le parti et son chef ont gagné les élections en présentant une plateforme réformiste modérée qui incluait la création de l’assurance automobile publique. Afin de se payer les réformes, le gouvernement ontarien a tenté d’augmenter l’impôt des entreprises, l’impôt sur le revenu des riches et la taxe sur le capital. La réponse de la classe dirigeante fut de tout faire en son pouvoir pour saboter l’économie de la province, retirant ses investissements et aidant ainsi à plonger la province dans l’une des pires récessions de son histoire. Alors que la dette provinciale montait en flèche, le gouvernement du NPD a été forcé d’abandonner les réformes progressistes qu’il avait promises et a mis en place de sévères mesures d’austérité contre la classe ouvrière. Le choix était, tout comme aujourd’hui, « socialisme ou austérité. »

La situation économique aujourd’hui au Québec est encore pire que celle qui se dressait devant le NPD ontarien du début des années 1990. La dette et le déficit sont plus élevés, et la crise économique de 2008-09 ne montre aucun signe d’amélioration. Déjà, l’économie québécoise a, à toutes fins pratiques, perdu son industrie textile et c’est la grande saignée dans le secteur manufacturier (des emplois souvent syndiqués et mieux rémunérés), au profit d’autres secteurs. Dans une telle situation, le fait d’augmenter l’impôt des entreprises mènerait inévitablement à une baisse des investissements par celles-ci.

La campagne de l’ASSÉ contre les mesures d’austérité met de l’avant les taux d’imposition élevés pour les entreprises dans les années 1960 afin de prouver que les attaques d’aujourd’hui ne sont que le produit d’un projet idéologique néolibéral. Cet argument ne prend pas en compte la situation économique mondiale complètement différente aujourd’hui. Dans les années 1960, l’Occident était au sommet du plus grand boom économique de l’histoire du capitalisme; aujourd’hui le système est aux prises avec la pire crise depuis la Grande Dépression de 1929.

Au cours des 50 dernières années, les impôts des entreprises ont progressivement diminué afin de lever les barrières à l’investissement privé. Les gouvernements font des pieds et des mains pour relancer l’économie de la province, particulièrement depuis la crise de 2008-09. Mais, jusqu’à maintenant, tous leurs efforts furent vains. Pourquoi ? Les derniers gouvernements ont désespérément tenté de courtiser les investisseurs privés. Même le Parti québécois, soi-disant parti social-démocrate, a mis en place un congé fiscal de 10 ans pour tout investissements de plus de 300 millions $. En outre, en 2011 Jean Charest a éliminé l’impôt sur les gains en capital, privant ainsi le gouvernement de 600 millions de dollars. Le capitalisme opère un nivellement par le bas alors que l’ensemble des gouvernements font tout leur possible pour rendre leur marché plus attrayant aux yeux des géantes multinationales et de leur capital.

Les racines de la crise ne sont pas à chercher dans telle ou telle politique ou telle ou telle « erreur » par un quelconque groupe de capitalistes faisant de mauvais investissements. La crise est ce que Marx décrivait comme une « crise de surproduction. » L’anarchie de la production capitaliste est telle que chaque capitaliste individuel est forcé, à cause du marché et de la concurrence, à révolutionner les moyens de production afin de produire plus à moindre coût. Cela fait augmenter le nombre de biens produits sans toutefois que le marché ne croisse lui aussi pour absorber les produits. Les entreprises finissent par ne pas vouloir investir dans des marchés saturés qui ne peuvent pas acheter leurs produits. En plus, l’austérité ne fait qu’empirer la situation en prenant de l’argent des poches des travailleurs-euses, ce qui entraîne une contraction du marché. Afin de contourner cette contradiction, les capitalistes doivent compter sur le crédit. Ils ont jeté bas toutes les barrières d’accès à l’endettement afin que, au lieu de dépenser l’argent qui représente la production réelle, les gens achètent avec de l’argent emprunté avec l’espoir que la production pourra soutenir cet endettement plus tard. Cela ne pourrait pas être plus clair au Canada alors que l’endettement des ménages atteint 164% du revenu des ménages. Pour mettre ces données en contexte, il s’agit d’un endettement plus élevé que celui du ménage américain moyen juste avant la crise des « subprimes » de 2008. Ce que ces chiffres nous montrent, c’est que le capitalisme, au Canada comme ailleurs, est atteint d’une maladie mortelle.

Les capitalistes n’investissent pas, et pourquoi le feraient-ils ? Tant et aussi longtemps que la propriété privée des moyens de production est maintenue, tous les gouvernements doivent suivre les diktats des grandes entreprises. Les impôts des entreprises doivent être réduits, des subventions doivent être données, et des attaques doivent être portées contre la classe ouvrière organisée afin d’extraire plus facilement du profit. L’endettement des gouvernements ne peut pas être résolu en imposant davantage les entreprises, puisque ce faisant elles vont plier bagages et investir ailleurs, ou simplement s’asseoir sur leur argent comme elles le font présentement. Voilà le réel agenda de Jean Charest, Pauline Marois, Philippe Couillard et de tous les autres politiciens bourgeois.

L’austérité découle du capitalisme lui-même. Conséquemment, il n’est pas possible de renverser l’austérité sans renverser le système capitaliste. Les marxistes sont bien sûr en faveur d’un système d’impôt progressif, où les impôts sont réduits pour la classe ouvrière et augmentés pour les grandes entreprises, mais cette mesure en soi ne règle pas le problème. Cela s’explique par le fait qu’imposer davantage les entreprises laisse la propriété privée et le profit privé intacts. On ne peut pas contrôler ce qu’on ne possède pas, et c’est précisément ça le problème. C’est l’anarchie du marché et la production pour le profit privé qui a engendré la crise et conséquemment, ceux-ci devront être abolis pour réellement renverser l’austérité une fois pour toutes. Donc, toute tentative de combattre l’austérité avec l’imposition des entreprises, tout en laissant l’économie entre les mains des capitalistes, va inévitablement les amener à saboter l’économie, retirer leurs investissements, et ainsi étrangler l’économie.

Nous avons un grand respect pour les principaux organisateur-trices de l’ASSÉ, qui ont bâti la grève étudiante de 2012, mais nous devons souligner qu’un programme d’imposition des riches n’est, en soi, pas vraiment radical. Il s’agit simplement d’une forme de réformisme qui laisse le système capitaliste intact et où le contrôle de l’économie est toujours entre les mains des patrons. Nous avons besoin de quelque chose qui s’attaque au cœur du problème : la propriété privée des moyens de production.

Une perspective socialiste est nécessaire au mouvement. Toutes nos actions doivent être liées à la perspective générale d’enlever l’économie des mains des milliardaires – et la rendre aux travailleur-euses afin de la faire fonctionner démocratiquement. De cette façon seulement pouvons-nous rompre avec l’anarchie du marché et produire pour les besoins humains plutôt que pour le profit de quelques personnes. Les travailleur-euses sont les vrais producteurs et productrices de richesses et savent comment faire fonctionner la production beaucoup mieux que leurs patrons.

Exproprions les patrons !

Pour un contrôle ouvrier démocratique !

Pour une production axée sur les besoins et non sur le profit !

Partie 3: Soutenons les travailleurs et les travailleuses!

Le spectre du Printemps érable de 2012 nous hante toujours. La grève de sept mois a rallié des centaines de milliers de personnes qui cherchaient à exprimer leur colère et leur frustration. Ce mouvement a forcé deux ministres de l’éducation à quitter leur poste, a ôté le pouvoir au gouvernement de Jean Charest, et forcé une rétractation partielle des hausses de frais de scolarité. Très rapidement cependant, tout ce qui a été gagné a été perdu.

Généralement, dans l’histoire, quand une population entre dans l’action politique, c’est la jeunesse qui bouge en premier. Souvent, les jeunes sont plus sensibles aux crises dans la société. La jeunesse est habituellement moins conservatrice, n’est pas découragée par ses échecs passés, et tire des conclusions radicales plus facilement. Partout autour du monde la jeunesse est entrée sur l’arène politique. D’Occupy aux révolutions arabes, ce sont les jeunes qui ont initié les mouvements de masse et ont été leur force, alors qu’ils tentaient d’échapper au futur peu reluisant qu’on leur présentait sous le capitalisme. N’existant pas en vase clos, les soulèvements massifs de la jeunesse sont souvent suivis d’un mouvement de la classe ouvrière. Cela a été vu dans la révolution de mai 1968 en France. Ce qui était au départ une grève étudiante massive s’est rapidement étendu aux travailleurs et a causé une grève générale immense, impliquant à son point culminant plus de 10 millions de travailleurs et de travailleuses.

Il est vrai que ces mouvements ne progressent pas linéairement. Alors que la grève au Québec en 2012 n’a pas mené à un mouvement généralisé de la classe ouvrière, elle a fait écho à la colère et au mécontentement ressenti plus largement chez les travailleur-euses québécois, ce dont on a pu voir l’expression dans le mouvement des « casseroles ». Ce ferment de révolte ne s’est pas dissipé et, en fait, s’est accru depuis.

Bien que les étudiant-es puissent causer leur part de problèmes aux capitalistes et au gouvernement, ce sont les travailleur-euses qui détiennent le pouvoir réel dans la société. Par exemple en 2013, la grève des travailleur-euses de la construction a coûté aux patrons de la province près de 15 millions de dollars par jour. Dans une société capitaliste, les travailleurs-euses ont le pouvoir d’arrêter la production, frappant ainsi les patrons là où ça fait mal – dans leur compte de banque.

Pas une ampoule ne s’allume, pas une roue ne tourne sans la permission de la classe ouvrière. Le capitalisme ne peut fonctionner sans le travail de la classe ouvrière. Ce fait sera très important dans le mouvement à venir au Québec.

Le mouvement en 2012 était un mouvement étudiant, attirant la sympathie et un peu de support de travailleurs et travailleuses individuels. Le mouvement actuel en est un de la classe ouvrière organisée. Par conséquent, les étudiant-es doivent faire leur possible pour y apporter leur appui. Des actions solidaires de la part des associations étudiantes devraient être à l’ordre du jour. Des groupes de piquetage devraient être formés par les associations pour venir en aide aux ouvrier-es sur les lignes; les étudiant-es devraient adopter les revendications des ouvrier-es et devraient les lier à leurs propres revendications afin de nourrir la solidarité et l’unité.

Les étudiant-es peuvent jouer un rôle vital dans la lutte en apportant l’énergie qui pourra aider à déclencher le mouvement des travailleur-euses. Toutefois, l’idée élitiste voulant que les étudiant-es puissent agir seuls ne peut que nuire à la riposte des travailleur-euses. L’élitisme étudiant a joué un terrible rôle dans la lutte par le passé, en isolant la jeunesse des travailleur-euses. Il ne peut qu’endommager la position des étudiant-es. Historiquement, nous avons vu que les plus grandes victoires des mouvements étudiants ont été celles ou la lutte des jeunes s’est étendue à celle des ouvrier-es, forçant la classe dirigeante à reculer avant de faire face à de plus gros bataillons. Un mouvement étudiant isolé par son attitude hautaine face aux travailleur-euses «ignorants et mal éduqués» sera ignoré par les patrons et leur gouvernement.

L’élitisme étudiant prend sa source dans l’impatience. Dans les périodes creuses de la lutte des classes, on peut être porté à croire que les gens de la classe ouvrière n’entreront jamais en action. Dans le milieu universitaire, certains vont même jusqu’à questionner l’existence de la classe ouvrière. Comme mentionné auparavant, bien que les étudiant-es soient une réelle nuisance pour le gouvernement et la classe dirigeante, le pouvoir réel des étudiant-es est celui d’instigateurs dans la lutte des travailleur-euses. Des étudiant-es isolés, sans le support des travailleur-euses, ont très peu de chance de l’emporter. La jeunesse doit travailler à amener les travailleur-euses dans la lutte et ne pas céder à l’impatience ou rechercher des raccourcis qui ne mèneront nulle part.

Quand Jean Charest a été élu pour la première fois en 2003, plusieurs s’attendaient à un mouvement généralisé pour repousser les attaques proposées. Les appels à la grève générale à la fin de 2003 ont mené la majorité des travailleur-euses de la CSN et de la FTQ à voter pour une grève générale d’un jour contre les réformes proposées. Malheureusement, ce désir des membres de combattre n’a pas été avalisé par une section conservatrice de la bureaucratie syndicale, qui avait peur d’une confrontation sociale massive. Cela a permis à des gouvernements successifs du Parti Libéral et du Parti Québécois de faire passer des centaines de millions de dollars en coupures avec peu ou pas de protestations de la part des syndicats.

Aujourd’hui, plusieurs remettent en question la parole des chefs syndicaux et se demandent si cette fois encore ceux-ci seront achetés et trahiront la lutte. Le danger de la bureaucratie est réel, mais il ne peut être combattu en dénigrant les syndicats. Nous devons nous battre pour que les travailleur-euses contrôlent démocratiquement leurs organisations à partir de la base. Les travailleur-euses doivent contrôler leurs leaders, pour empêcher que des ententes secrètes et dommageables soient faites dans leur dos. Toute proposition du gouvernement doit être approuvée par les membres avant que cessent les moyens de pression. Un contrôle démocratique par la base est essentiel pour libérer la créativité des travailleur-euses et s’assurer la victoire. La formation de comités communautaires solidaires serait une bonne façon d’y parvenir. Ces structures sont fréquemment l’initiative de conseils du travail et ne visent pas à remplacer les organisations existantes. Chaque local syndical, association étudiante, organisme communautaire et parti politique de gauche (QS et NPD, notamment) devrait y envoyer des délégués pour rassembler ces éléments de la société dans le combat contre les mesures d’austérité. Cela servirait à élargir la lutte et faciliterait la démocratie populaire sans mener au boycott des organisations ouvrières.

L’Histoire montre que des mouvements de masse ne surviennent pas souvent et ne durent pas longtemps. Des millions de travailleur-euses et de jeunes, normalement apathiques en politique, sont enchaînés par les tourments de la vie quotidienne sous le capitalisme, et n’entrent en action que sous des conditions favorables. La classe dirigeante par contre sait très bien ce qu’elle a à faire. À cause de ce phénomène, il est vital qu’un plan d’action clair soit donné par le leadership aux travailleur-euses et à la jeunesse pour empêcher le gouvernement et les patrons d’avoir la main haute. De nombreux étudiant-es sont tombés en désillusion après la fin de la grève en 2012, car aucune direction claire n’avait été donnée qui aurait pu permettre la victoire du mouvement. Après des mois de grève, des manifestations énormes et quotidiennes, et aucun de recul du gouvernement, les appels à continuer la grève n’ont plus été entendus. Cela a permis au gouvernement Libéral d’utiliser la question électorale pour confondre et désorienter le mouvement, noyant les aspirations de milliers de jeunes dans l’élection du Parti Québécois. Nous ne pouvons pas laisser cela arriver de nouveau.

Que faire ? Le leadership actuel des syndicats ne voit pas au-delà du système capitaliste. Comme en 2012, les demandes du mouvement sont simplement de nature défensive. Même si le mouvement «gagnait», il n’obtiendrait que le statu quo, qui est la cause du mécontentement généralisé ! De plus, si nous sommes capables de faire reculer le gouvernement, les patrons n’attendront qu’un essoufflement du mouvement pour faire passer les coupures. La trahison est inhérente à un leadership qui n’est pas prêt à rompre avec le système. Sans une lutte contre le capitalisme, nous sommes forcés d’accepter ce que ce système peut nous donner. Même les leaders de l’association pourtant radicale de l’ASSÉ sont tombés dans ce piège. Les politiques voulant «taxer les riches» ne reflètent qu’un programme social-démocrate et ne remettent pas en question le capitalisme – si radicale soit la phraséologie associée. En essence, ils ne demandent qu’un retour en arrière de quelques années, quand les impôts sur les entreprises étaient légèrement plus élevés.

Il est donc nécessaire pour ceux et celles qui comprennent ce qu’il faut faire de s’unir et de combattre pour une conscience révolutionnaire chez les travailleur-euses et la jeunesse. En observant les évènements sur le reste du globe, nous voyons des processus similaires prendre place. Les masses s’éveillent politiquement et commencent à combattre la pauvreté, l’inégalité et l’oppression. Plus que jamais, nous devons rassembler les militant-es étudiants et les travailleur-euses radicalisés et les unir aux révolutionnaires du reste du Canada, des États-Unis et du monde. Les leçons et expériences des luttes autour du globe doivent être partagées, pour éviter les erreurs passées et assurer les victoires futures. L’histoire des 100 dernières années est riche en luttes ouvrières et en révolutions. Tous les défis et les questions auxquelles nous faisons face aujourd’hui ont été rencontrés des centaines de fois par des gens qui se battaient pour une nouvelle société. Il serait une grave erreur de ne pas étudier l’histoire en détail, avec le but de transmettre ces leçons au mouvement d’aujourd’hui.

C’est donc dans ce contexte que nous vous présentons ce manifeste contre l’austérité, destiné à une vaste audience. Ceux qui sont d’accord avec les idées présentées ici peuvent nous rejoindre et aider à bâtir une organisation révolutionnaire au Québec et à l’international afin de combattre les coupures, combattre le capitalisme, et soutenir les travailleurs et les travailleuses !

TMI Québec.