Source : Mvs.gov.ua, CC BY 4.0, via Wikimedia Commons

En Ukraine comme dans toute guerre, ce sont les travailleurs ordinaires qui paient le prix le plus élevé. Le conflit a jusqu’à présent entraîné la fuite de plus de trois millions de réfugiés. L’Europe et le Canada, ainsi que d’autres pays de l’OTAN, ont ouvert grand leurs portes aux réfugiés ukrainiens. Ils ont notamment mis en place de nombreux programmes de soutien et supprimé les délais d’attente pour entrer dans les pays de l’OTAN.

Nous sommes solidaires de ces réfugiés, victimes innocentes d’un conflit impérialiste. Cependant, cette attitude accueillante met en lumière les politiques sélectives du Canada et des autres pays de l’OTAN à l’égard des réfugiés. Nous croyons que tous les réfugiés devraient être accueillis, et pas seulement les Ukrainiens.

Hypocrisie des politiques migratoires

À bien des égards, l’accueil généreux et ouvert réservé aux Ukrainiens va à l’encontre de la manière générale dont les réfugiés sont traités en Occident. Les nouvelles politiques plus ouvertes vont de la gratuité du train pour les Ukrainiens fuyant vers l’Allemagne à la création d’emplois pour les réfugiés ukrainiens dans l’Union européenne et au Canada. Selon le ministre du travail de l’Ontario, Monte McNaughton, plus de 30 000 emplois seront offerts aux réfugiés ukrainiens entrant en Ontario.

Bien entendu, nous sommes absolument favorables à toute mesure visant à aider ces réfugiés. Les portes doivent être grandes ouvertes pour les Ukrainiens en fuite, qui méritent notre plus grande sympathie. Mais il faut se demander pourquoi cette politique ne s’applique pas à tout le monde. En fait, le traitement des réfugiés a historiquement été tout le contraire. Dans l’UE, les réfugiés sont généralement confrontés à un taux de chômage de 22% supérieur à celui des autres types d’immigrants. Le Canada ne fait pas exception à cette hypocrisie. Depuis janvier, le Canada a accepté plus de 6000 réfugiés ukrainiens en seulement deux mois. En comparaison, seuls 8500 réfugiés afghans ont été admis dans le pays depuis août 2021, alors que le gouvernement Trudeau avait promis d’en accueillir 40 000. C’est extrêmement hypocrite compte tenu que le Canada est responsable d’avoir créé ces réfugiés par sa participation dans la destruction de l’Afghanistan durant les 13 ans d’occupation militaire impérialiste occidentale.

Le deux poids deux mesures le plus frappant est venu de la « Forteresse Europe », qui a gagné ce surnom en raison de la réponse insensible et xénophobe que des pays de l’UE comme la Pologne et la Hongrie ont donnée aux millions de réfugiés syriens, irakiens et afghans qui ont fui vers l’Europe en 2015. À l’époque, la plupart des pays, dont la Pologne et la Hongrie, ont adopté une approche agressivement anti-réfugiés. Cela a conduit à la mort de réfugiés sur des radeaux en Méditerranée, et à des dizaines de réfugiés morts dans le froid à la frontière polonaise. Pourtant, il semble que maintenant, les portes de la forteresse Europe ont été grandes ouvertes pour les réfugiés ukrainiens.

Larmes de crocodile de dirigeants xénophobes

Il est très révélateur que les mêmes dirigeants qui ont auparavant activement diabolisé les réfugiés parlent maintenant de la nécessité d’aider les Ukrainiens. Le ministre polonais de l’intérieur, Mariusz Kaminski, a déclaré aux journalistes : « Nous ferons tout pour fournir un abri sûr en Pologne à tous ceux qui en ont besoin. » L’hypocrisie ne pourrait être plus évidente de la part d’un gouvernement qui, l’année dernière encore, repoussait violemment les réfugiés du Moyen-Orient de ses frontières. L’expression la plus ouverte de ce deux poids deux masures a été exprimée par le premier ministre bulgare Kiril Petkov, qui a déclaré : « Ce ne sont pas les réfugiés auxquels nous sommes habitués; ce sont des Européens… Ils sont intelligents, ce sont des gens éduqués. »

Aujourd’hui encore, alors que les réfugiés ukrainiens sont autorisés à fuir vers les pays voisins comme la Pologne et la Hongrie, des Noirs non ukrainiens, des Arabes et d’autres migrants qui n’ont pas de passeport ukrainien ont été retenus à la frontière polonaise, bien qu’ils aient fui la même zone de guerre. Ces réfugiés, dont beaucoup sont des étudiants internationaux originaires d’Afrique, ont été contraints de retourner dans la zone de guerre pour tenter leur chance à la frontière hongroise, ce qui les a mis en grand danger. Il s’agit d’un acte de racisme dégoûtant qui a été largement condamné, obligeant le gouvernement polonais à faire marche arrière afin d’atténuer les dommages causés à son image publique.

Il peut être tentant d’attribuer tout cela au racisme, les migrants à la peau foncée étant mis à l’écart au profit des réfugiés européens blancs. Il est clairement raciste de séparer les réfugiés de cette manière, mais le problème est bien plus profond que la vision raciste de telle ou telle personnalité politique. En réalité, ces distinctions racistes sont motivées par un agenda impérialiste. Les gouvernements occidentaux ne se soucient pas plus des Ukrainiens que des réfugiés syriens avant eux. La question de savoir quel réfugié est prioritaire peut être directement liée aux intérêts impérialistes à l’étranger. Nous ne pouvons oublier que les pays occidentaux ont souvent invoqué des préoccupations humanitaires lors de l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan, alors que des troupes étaient envoyées en mission de « maintien de la paix » au Moyen-Orient. De même, il était parfaitement acceptable de faire fuir des Européens blancs lors du bombardement de la Yougoslavie dans les années 1990. L’hypocrisie absolue des gouvernements de l’OTAN a été mise en évidence au Royaume-Uni, où, malgré l’accueil prétendument chaleureux de Boris Johnson et d’autres membres du gouvernement britannique, il n’a pas fallu longtemps à Priti Patel, ministre de l’Intérieur du gouvernement Johnson, pour dénoncer les dangers de l’accueil des réfugiés, même ukrainiens. Selon Patel, ces réfugiés pourraient même constituer une menace terroriste! Comment diable pouvons-nous compter sur de telles personnes pour gérer la crise des réfugiés? Accepter des réfugiés n’est qu’un coup de publicité cynique pour ces politiciens.

À l’opposé, il est important de se rappeler que la solidarité est une réaction instinctive chez les gens ordinaires de la classe ouvrière. Par exemple, au plus fort de la crise des réfugiés syriens en 2016, des milliers de réfugiés syriens ont été réinstallés volontairement chez des gens au Canada. Cela n’a pas été fait à l’initiative du gouvernement, mais grâce à des candidatures volontaires de personnes ordinaires. Alors que les travailleurs réguliers voient souvent la nécessité d’aider les réfugiés qui souffrent, on ne peut pas en dire autant des personnes au pouvoir qui ne souhaitent aider les réfugiés que lorsque c’est politiquement commode et que cela correspond à leurs ambitions impérialistes globales.

La vérité est que s’occuper des réfugiés yéménites ou syriens mettrait en lumière la nature impérialiste de l’OTAN. Cela rappellerait que les armes qui sont acheminées vers l’Arabie saoudite servent à mener un génocide au Yémen, ou le rôle que la guerre en Irak a joué dans la création de millions de réfugiés au Moyen-Orient. La réalité de la situation est maintenant claire pour tous : lorsque l’OTAN mène des guerres et crée des réfugiés, ces derniers ne comptent pas. Lorsque l’impérialisme russe fait exactement la même chose, il s’agit d’une crise humanitaire massive et l’Occident civilisé entre en action. Les réfugiés ukrainiens ne sont qu’un outil pratique pour le capitalisme occidental pour attaquer hypocritement la Russie, et ils sont utilisés comme tels.

Tous les réfugiés devraient être les bienvenus

Il est révélateur qu’à travers toute cette crise, nous n’avons pas entendu les geignements habituels demandant où nous allons trouver l’argent pour aider ces réfugiés. Il ne manque généralement pas de commentateurs de droite pour mettre la faute sur les réfugiés et les migrants pour les problèmes économiques. Cela vise souvent à faire oublier que les inégalités dans notre société sont la faute de la classe capitaliste, plutôt que des pauvres et des plus impuissants. La réalité est qu’en dehors des dépenses immédiates d’installation, les immigrants ont surtout un effet positif sur l’économie et la société. Le fait que personne ne se plaigne des « dépenses » encourues par l’accueil des réfugiés ukrainiens le montre bien.

Il y a plus qu’assez de richesses au Canada pour installer non seulement les réfugiés ukrainiens, mais tous les réfugiés, de façon permanente. Il y a suffisamment de richesses pour fournir un logement, un travail et une éducation à tous ceux qui en ont besoin. Il est facile d’oublier que les grandes entreprises nord-américaines dorment sur plus de 7000 milliards de dollars d’argent non investi – une somme ridicule qui pourrait financer tous les programmes sociaux possibles. Les 50 plus grandes entreprises canadiennes ont en outre réalisé plus de 100 millions de dollars de bénéfices chacune pendant la pandémie. À elle seule, la Banque TD a augmenté sa marge bénéficiaire de 25%, ce qui est énorme. Ce sont ces profits qui peuvent et doivent être utilisés pour aider les travailleurs. Une fois que ces gens seront installés, ils contribueront à l’amélioration de notre société.

La guerre sous le capitalisme a toujours été un jeu entre puissances impérialistes. Les réfugiés ukrainiens sont des victimes innocentes dans ce jeu, et méritent tout le soutien possible. Cependant, cela ne peut s’arrêter là. Tous les réfugiés, qu’ils viennent d’Irak, d’Afghanistan, de Syrie, de Libye, du Honduras ou d’ailleurs, doivent être traités comme les réfugiés ukrainiens. Tous les réfugiés doivent être autorisés à entrer dans le pays et bénéficier d’un soutien total, y compris l’accès aux programmes sociaux, au logement, à l’aide financière et à un emploi bien rémunéré. Les ressources existent au Canada pour rendre un tel monde possible. Cependant, des politiciens comme Doug Ford et Justin Trudeau ne donneront jamais la priorité aux réfugiés plutôt qu’aux profits des capitalistes canadiens. C’est pourquoi nous devons lutter pour un monde socialiste, en commençant par renverser notre propre classe capitaliste ici même au Canada. Seule la fin du capitalisme, et une société socialiste, peuvent apporter l’aide dont tous les réfugiés ont besoin et mettre fin au conflit impérialiste une fois pour toutes.