Le courageux soulèvement du peuple iranien a suscité une large solidarité internationale contre l’oppression des femmes iraniennes. Cette situation a soulevé la question de savoir comment en dehors de l’Iran nous pouvons montrer notre solidarité avec le mouvement. Ne ratant jamais une bonne occasion, les puissances impérialistes tirent avantage du mouvement contre leur adversaire stratégique. Elles attaquent hypocritement l’Iran et appliquent des sanctions qui ne feront qu’appauvrir les femmes iraniennes. Nous ne pouvons pas faire confiance à l’impérialisme occidental ni soutenir les sanctions impérialistes.

L’humanisme impérialiste

Le 13 septembre, l’infâme « police de la moralité » iranienne a assassiné Mahsa Amini, après l’avoir capturée pour avoir porté son hijab de manière « inappropriée ». Le mouvement de masse qui a suivi s’étend désormais à plus d’une centaine de villes au pays, faisant de ce mouvement un soulèvement national sans précédent depuis la Révolution iranienne de 1979. En réponse, toutes les forces de l’État ont été mobilisées pour le réprimer violemment. La solidarité s’est étendue à l’international, avec des marches organisées dans de nombreuses villes dans le monde. 

Dans la foulée, les politiciens mainstream des puissances du « monde libre » ont réagi en faisant de grands discours condamnant le régime iranien. Après que Donald Trump ait dit avoir été « inspiré » par le courage des manifestants lors de la dernière vague de protestation en Iran il y a deux ans, c’est maintenant au tour de Joe Biden de jouer la comédie. Le 21 septembre dernier, s’adressant à l’Assemblée générale des Nations Unies, le président américain a affirmé : « Aujourd’hui, nous sommes aux côtés des courageux citoyens et des courageuses femmes d’Iran qui manifestent en ce moment même pour obtenir leurs droits fondamentaux. » Biden semble s’être découvert un intérêt soudain pour la défense des droits de la personne à l’étranger; intérêt qui lui a pourtant fait défaut lorsqu’il a visité le régime sanglant d’Arabie saoudite en juillet dernier. Sans doute était-il trop occupé à discuter d’or noir ou à faire un poing à poing amical avec le prince Mohammed bin Salman pour porter attention aux droits de la personne et à la condition des femmes saoudiennes. La défense des droits fondamentaux ne semble pas non plus avoir perturbé son voyage quelques jours plus tôt en Israël, où il a discuté des « des valeurs communes, des intérêts partagés et [d’]une véritable amitié » entre les États-Unis et Israël. 

Il n’est pas grave que l’Arabie saoudite mène une guerre au Yémen qui pousse des milliers de gens vers une famine mortelle et que les femmes saoudiennes soient parmi les plus discriminées au monde. Il n’est pas grave que les Palestiniens continuent, depuis des décennies, d’être victimes de la violence brute de l’État israélien. C’est business as usual pour l’impérialisme américain, qui ne veut surtout pas miner ses affaires avec ses alliés stratégiques. Mais maintenant que l’attention du monde est tournée vers l’Iran, un allié clé de la Russie, l’oppression des femmes iraniennes devient un enjeu utile pour s’en prendre à ses rivaux impérialistes et imposer de nouvelles sanctions contre l’Iran afin d’affaiblir son influence au Moyen-Orient. 

Les États-Unis et les autres puissances de l’Occident imposent depuis des décennies des sanctions brutales qui ont étranglé l’économie iranienne, la poussant jusqu’à la crise profonde. La misère économique a frappé durement la classe ouvrière iranienne, ce qui a entraîné des soulèvements importants dans les dernières années, et dans lequel s’inscrit l’actuel mouvement. Après avoir semé la misère et la colère, l’impérialisme occidental en rajoute une couche : de nouvelles sanctions pour affecter encore plus les masses pauvres. Quelle belle démonstration de solidarité! La situation serait risible si elle n’était pas aussi enrageante. 

Depuis cet hiver, les États-Unis, le Canada et les autres pays de l’OTAN ont affirmé sur toutes les tribunes se porter à la défense des Ukrainiens contre Poutine. En réalité, ils ont alimenté le conflit afin d’affaiblir la Russie, au prix des pertes ukrainiennes. Cet été, la démocrate Nancy Pelosi a visité Taïwan pour soutenir hypocritement la « démocratie », alors qu’il s’agissait en vérité de défendre les intérêts de l’impérialisme américain contre la Chine et les intérêts électoraux étroits du parti démocrate. Voilà que cet automne, ce sont les femmes iraniennes qui peuvent compter sur le soutien impérialiste! 

En réalité, on ne peut faire confiance un instant aux représentants de l’Amérique capitaliste pour soutenir les peuples opprimés. Dans le cas échéant, si le gouvernement américain affirme que la mort de Mahsa Amini, une kurde, est « impardonnable », il passe sous silence le traitement réservé par les États-Unis aux Kurdes, qui les utilisent de temps à autre comme des outils contre des puissances ennemies, puis les abandonnent à la répression de ces puissances quand les intérêts immédiats de Washington changent. En outre, venant d’un politicien comme Biden qui s’est attaqué au droit à l’avortement et a déjà dit qu’il « ne pense pas qu’une femme ait le droit exclusif de dire ce qui doit arriver à son corps », des paroles de prétendue solidarité envers les femmes qui défendent leurs droits est un affront envers tous les opprimés. Et quelques mois seulement après l’invalidation de l’arrêt Roe v. Wade, cela laisse un goût particulièrement amer au moment où les droits des femmes américaines sont sévèrement attaqués.

Les puissances européennes ont également décrié la violence du régime iranien à l’encontre des manifestants. Mais dénoncer la violence d’un autre État n’a ironiquement pas empêché d’envoyer la police réprimer des manifestations de solidarité avec les masses iraniennes à Paris et Londres! Le meurtre de Mahsa Amini rappelle d’ailleurs le meurtre de Sarah Everard, cette jeune Britannique assassinée l’an dernier par un policier à Londres, ce qui avait déclenché un mouvement de masse qui a été réprimé sévèrement. 

Des hypocrites bien de chez nous

Pendant ce temps, au Canada, une motion de solidarité avec les femmes d’Iran a été votée à l’unanimité à la Chambre des communes, cette salle composée de députés opposés à l’avortement, de bouffons anti-immigration, de partisans indéfectibles du régime israélien, et de plein de politiciens passés maitres dans l’art des sous-entendus racistes. Difficile d’imaginer que cette institution, dont le principal exploit dans les dernières années a été d’avoir siphonné les coffres publics pour sauver les grandes entreprises canadiennes de la crise, montrerait désormais une dose d’empathie pour autre chose que les profits des patrons.

Pour sa part, notre cher premier ministre féministe Justin Trudeau, qui n’a pas de problème lui non plus à faire affaire avec l’Arabie saoudite, exige que le gouvernement iranien « écoute son peuple » et a annoncé que le pays imposera des sanctions contre des hauts responsables iraniens. Mais est-ce que notre PM lui-même écoute son peuple? Par exemple, a-t-il écouté les Wet’suwet’en avant d’envoyer la GRC les réprimer pour laisser place à un oléoduc? Parlant de solidarité avec les femmes : où est sa solidarité avec les femmes autochtones du Canada, la couche la plus pauvre de la société canadienne? Où est l’argent pour venir en aide à ces femmes grandement plus à risque de se faire assassiner que le reste de la population? Et où sont les ressources pour les réserves autochtones qui manquent toujours d’eau potable? Dans la politique canadienne, le mot « hypocrite » est devenu un synonyme pour parler des libéraux.

Au Québec aussi, c’est l’hypocrisie chez les nationalistes. Après avoir passé des années à démoniser les immigrants et les femmes musulmanes, voilà maintenant que les Martineau, Durocher et autres chroniqueurs à deux sous du Journal de Montréal se plaignent qu’on ne parle prétendument pas assez au Québec du courage des femmes iraniennes! 

Comme on pouvait s’y attendre, que des femmes se soulèvent contre l’obligation de porter le voile est un excellent prétexte pour décrier la gauche « woke » qui ose dénoncer la Loi 21 qui empêche des femmes voilées d’enseigner. Au royaume farfelu des réactionnaires nationalistes, se battre pour des droits revient à la même chose que de brimer des droits. 

Mais bien entendu, si un mouvement avec de telles proportions révolutionnaires arrivait ici, ces grands solidaires des femmes iraniennes – les petits nationaleux comme les grands impérialistes – seraient les premiers à s’y opposer.

Aucune confiance en nos dirigeants

L’impérialisme occidental a tenu l’Iran sous son emprise pendant des décennies, en maintenant le pays dans des conditions arriérées, puis a directement aidé la contre-révolution menée par les mollahs. Également, les sanctions imposées par l’Ouest depuis des années et celles qui s’ajoutent actuellement frappent de plein fouet la classe ouvrière iranienne et en premier lieu les femmes. Les mêmes puissances qui ont poussé à la misère les masses du pays essayent aujourd’hui de nous faire croire qu’ils sont solidaires du mouvement. 

Le régime iranien est certes complètement réactionnaire. Mais les sanctions impérialistes n’ont pas réussi à le faire tomber, et ces nouvelles sanctions n’y changeront rien. Au contraire, l’agression de l’Occident a précisément permis depuis des années au régime iranien instable de se maintenir au pouvoir, en parvenant à rallier une portion de la population derrière une rhétorique faussement anti-impérialiste.

La réponse de l’Occident à l’actuel mouvement est une nouvelle occasion pour le régime de dépeindre les manifestations comme une création de l’impérialisme américain, ce qui ne peut que créer de la confusion et affaiblir le mouvement. Ainsi, pour soutenir la révolution en Iran, notre tâche au Canada est d’abord et avant tout de nous opposer aux sanctions, comme toute autre forme d’intervention, militaire ou diplomatique, et d’exposer l’hypocrisie de notre propre classe dirigeante.

Les masses iraniennes ne peuvent donc absolument pas faire confiance à l’impérialisme occidental. Seul le mouvement indépendant de la classe ouvrière à l’intérieur et à l’extérieur de l’Iran peut mener le mouvement à la victoire. Il y a déjà de la solidarité qui s’organise au pays. Continuons la mobilisation et luttons activement contre notre propre classe dirigeante, ce faux ami des femmes, des opprimés et de tous les travailleurs, en Iran comme ici. La lutte contre l’impérialisme d’ici est la même lutte que les Iraniens mènent contre leurs propre classe dirigeante. C’est la lutte contre la violence et la tyrannie d’un système capitaliste pourri. 

À bas l’impérialisme!

Solidarité avec la révolution iranienne!