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Après les 215 corps d’enfants à Kamloops, la découverte de 751 tombes anonymes au pensionnat autochtone de Marieval en Saskatchewan a créé une onde de choc à travers le Canada. Alors que des fouilles sur d’autres pensionnats s’organisent, il faut s’attendre encore à d’autres découvertes macabres. Comme le montrent des sondages, une prise de conscience collective sur les crimes du colonialisme canadien est en train de s’opérer. Mais au Québec, les nationalistes identitaires sont montés aux barricades pour tenter de défendre le mythe du bon colon français ami des Autochtones. Il est temps d’enterrer ce mythe nationaliste une bonne fois pour toutes.

S’en laver les mains

Les projecteurs sont actuellement tournés vers le gouvernement fédéral, et Justin Trudeau pleure ses larmes de crocodile habituelles. La classe dirigeante canadienne a certainement du sang plein les mains. Mais certains nationalistes identitaires ont montré le peu de dignité humaine qu’ils possèdent et ont sauté sur l’occasion pour absoudre la classe dirigeante québécoise de toute responsabilité. Le discours nationaliste québécois ces jours-ci vise à prétendre que l’oppression des Autochtones est un phénomène purement anglo-canadien.

Joseph Facal, par exemple, a affirmé :

« Qu’à l’intérieur de ce schéma de pensée général la colonisation française en Amérique ait été, à l’endroit des Autochtones, infiniment moins violente que celles des Britanniques et des Américains […] est un fait irréfutable, massif, confirmé par tous les spécialistes plus soucieux de vérité que de plaire au public d’aujourd’hui.

Il est aussi bien établi, du moins si on veut se donner la peine de savoir, que les pensionnats pour enfants autochtones furent beaucoup moins nombreux au Québec et virent le jour plus tard. »

Dans la même veine, Christian Rioux du journal Le Devoir écrit : « Est-ce un hasard si ces pensionnats furent si peu nombreux au Québec où, à deux exceptions, ils n’apparurent que dans les années 1950? Les conditions matérielles y seront donc bien meilleures et leur durée de vie très courte. […] Les 38 morts recensés au Québec semblent sans commune mesure avec les 4134 recensés au Canada anglais. »

S’enfonçant dans le pathétique, il poursuit : « Mais, ce serait se leurrer que de s’imaginer que cette politique d’assimilation inscrite dans l’ADN du Canada est chose du passé. La détresse des peuples autochtones ainsi que l’assimilation florissante des jeunes Québécois dans les cégeps anglais en sont la preuve éloquente. Des pensionnats autochtones à l’Université Concordia, le résultat est le même : l’assimilation! »

D’un trait de plume, il fait équivaloir l’horreur des pensionnats autochtones à l’existence d’écoles anglophones au Québec. Ce serait risible si ce n’était pas aussi scandaleux.

Quant à Mathieu Bock-Côté, il donne carrément dans le révisionnisme historique: « De Champlain à Bernard Landry, en passant par Honoré Mercier et René Lévesque, les Québécois, à travers le seul État qu’ils contrôlent, ont toujours mené une politique de la main tendue envers les Amérindiens. »

Sur Facebook, le premier ministre François Legault a tenu le même discours et a invité à « nous souvenir […] de ces relations cordiales, de ce partenariat qu’on a su établir à l’époque avec les nations autochtones ». 

Les nationalistes identitaires ne manquent jamais une occasion d’embellir le Québec et de détourner le blâme sur le Canada. Mais l’histoire montre autre chose. La classe dirigeante québécoise a elle aussi un sombre passé d’oppression des Autochtones. Les faits sont têtus.

Les pensionnats au Québec

Les pensionnats autochtones sont l’expression la plus horrifiante de l’oppression des Autochtones, du moins dans l’histoire récente du Canada. Mais ce crime n’est pas le seul fait du fédéral. Les Oblats québécois, notamment, ont participé pleinement à cette horreur. D’ailleurs, les Soeurs de Saint-Joseph ont envoyé des membres de leur congrégation au pensionnat de Marieval en Saskatchewan, où 751 corps d’enfants ont été trouvés la semaine dernière. Ce sont des curés québécois qui ont construit le pensionnat et l’ont dirigé jusqu’en 1960. 

Le premier pensionnat de l’histoire a d’ailleurs été ouvert au 17e siècle, à l’emplacement de la Ville de Québec actuelle. Comme l’explique l’anthropologue Marie-Pierre Bousquet : « En Nouvelle-France, le but des Français était quand même de franciser et d’assimiler, souligne-t-elle. Le but des Français était de faire des Autochtones des sujets du roi. […] Ça a toujours été un but d’assimilation. »

Facal et Rioux sous-entendent que le fait que les pensionnats modernes soient apparus plus tard au Québec montre que c’était « moins pire » ici. En réalité, les Oblats québécois ont commencé à faire pression pour la construction de pensionnats au Québec au moment même où le fédéral commençait à s’éloigner du modèle de pensionnats. Ils ont notamment fait pression sur le premier ministre canadien Louis St-Laurent (au pouvoir de 1948 à 1957) pour ouvrir les pensionnats de Sept-Îles, Amos et Pointe-Bleue.

Rioux se fonde d’ailleurs sur Histoire des pensionnats indiens catholiques au Québec d’Henri Goulet pour ses affirmations, livre qui selon lui « offre un portrait beaucoup plus nuancé que ce qu’on peut lire dans les médias ». Ce que ne mentionne pas Rioux, c’est que le livre d’Henri Goulet se fonde presque entièrement sur une seule source… les archives des Oblats eux-mêmes! Pas surprenant alors qu’il dresse un portrait rose des pensionnats québécois.

Cela étant dit, la question de si c’était « moins pire » ici importe peu. Quoi qu’il en soit, cela n’excuse aucunement les crimes qui ont été effectivement commis. Selon cette logique, les crimes de l’Empire britannique contre les Canadiens-Français sont-ils excusables parce que la colonisation française a fait subir bien pire aux Algériens?

L’objectif des pensionnats au Québec était le même qu’ailleurs. Bien qu’en parole les Oblats voulaient laisser les enfants préserver leur « fierté personnelle et ethnique », l’idée était de couper les ponts avec le mode de vie traditionnel. Selon la Conférence catholique canadienne, « l’éducation est la clef de la réhabilitation des Indiens ».  Les Oblats considéraient les parents autochtones incapables d’éduquer leurs propres enfants. Dans un document du pensionnat de Saint-Marc-de-Figuery, intitulé « Des petits Indiens chanceux », on peut lire que les parents autochtones sont « de piètres éducateurs, trop faibles devant tous les caprices des enfants » et on explique : « Ici, on en fera des adultes, joyeux certes, mais disciplinés. »

Les violences y étaient courantes, comme ailleurs au pays : 2200 Autochtones du Québec ont demandé des dédommagements pour des « sévices sexuels, sévices physiques graves et autres actes fautifs » subis dans les pensionnats. On estime que 13 000 enfants autochtones auraient subi l’horreur des pensionnats au Québec.

Le père André Renaud, responsable de la politique des Oblats en matière d’éducation, expliquait en 1958 : « [Le pensionnat] demeure également opérationnel dans les communautés établies où les emplacements d’habitation dispersés ou les modèles socioéconomiques inférieurs à la norme vont à l’encontre d’une fréquentation scolaire réussie. »

Bousquet explique pourquoi les pensionnats québécois visaient les communautés semi-nomades en particulier : « Il faut sédentariser les Autochtones parce qu’on pense déjà à l’industrialisation et au développement de l’agriculture et de l’industrie forestière. Là-dedans, les Autochtones gênent ces projets-là.

C’est extrêmement efficace d’envoyer les enfants à l’école. On se disait que les adultes étaient irrécupérables, donc on s’attaquait aux enfants. En plus, beaucoup de parents vont s’installer près de leurs enfants, pour ne pas être loin de l’école. »

Comme nous l’expliquons dans La lutte des Autochtones et la lutte pour le socialisme, les pensionnats étaient liés aux besoins du capitalisme ascendant : « Si tous les Autochtones étaient assimilés, il n’y aurait plus de réserve, plus de traités, et plus de droits autochtones. De plus, en rompant le lien entre les enfants et leur culture et traditions, on espérait les transformer en salariés malléables une fois leur éducation complétée, plutôt que de les voir compter sur leurs formes traditionnelles de survie. »

À leur retour à la maison, le lien parent-enfant était détruit et les enfants étaient souvent ni fonctionnels dans la société de leurs parents, ni fonctionnels dans la société québécoise. Comme ailleurs au Canada, certains parents n’ont jamais revu leur enfant après les avoir envoyés au pensionnat. Mais cela ne se limite pas aux pensionnats : des enfants innus étaient envoyés dans des sanatoriums pour traiter la tuberculose, et certains ne sont jamais revenus.

Les découvertes horribles à Kamloops et Marieval ont poussé d’autres communautés autochtones du Canada à exiger que des recherches soient faites sur le terrain de pensionnats. C’est le cas des Innus de Uashat, près de Sept-Îles, qui souhaitent que des démarches soient enclenchées afin que le pensionnat de Mani-Utenam soit fouillé aussi.

Nous n’avons pas fini d’en découvrir davantage sur les crimes de la colonisation. L’histoire des pensionnats au Québec est encore très peu connue aujourd’hui. Tôt ou tard, l’étendue de la souffrance imposée aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits sera révélée. Une ancienne pensionnaire innue de Mani-Utenam nous en a donné un aperçu :

« C’était des religieuses et des femmes blanches qui nous ont enseigné… Ils nous défendaient de parler notre langue, que ce soit à la cafétéria, que ce soit dehors….  On pleurait… On était punies [si on parlait notre langue]… On avait des tapes avec une règle… Il y avait toujours une religieuse qui nous surveillait… C’était comme une prison. Ils nous ont enlevé notre culture et notre identité. »

Oppression des Inuits

La relation entre l’État québécois et les Inuits non plus n’a pas exactement été « cordiale ». Peu de gens savent aujourd’hui comment le nationalisme québécois moderne est entré en collision avec les Inuits.

C’est en 1912 que le territoire des Inuits est octroyé au Québec par la Loi concernant l’agrandissement du territoire de la province de Québec par l’annexion de l’Ungava (l’Ungava comprend ce qui est aujourd’hui le Nunavik et Eeyou Istchee Baie-James). Mais jusqu’aux années 60, le gouvernement québécois n’avait aucune présence sur ce territoire. Son arrivée correspond à l’essor du nationalisme québécois et à la sortie de la Grande noirceur. Mais dans son élan nationaliste « Maîtres chez nous », le Parti libéral de Jean Lesage oublie les habitants du territoire, les Nunavimmiuts.

Le ministre des Ressources naturelles, René Lévesque, affirme que le Québec doit exercer ses « droits de propriétaire » du Nord, et souhaite le transfert entier des pouvoirs fédéraux sur ce territoire au gouvernement québécois. Le développement d’une présence dans ce soi-disant Nouveau-Québec avait une justification économique. Le conseiller de Lévesque explique à l’époque : « Les Esquimaux [sic] du Nouveau-Québec doivent, pour que leur évolution soit positive et constructive, s’intégrer au développement économique de ce territoire. » Malgré les belles paroles sur le fait de vouloir le bien des Inuits, Lévesque s’oppose à un référendum de la population locale sur le transfert des compétences, qualifiant cela d’« abus caricatural des procédures démocratiques ». Quelle incroyable ironie, provenant de l’architecte du premier référendum sur la souveraineté en 1980!

Puis, dans les années 70, sous le gouvernement libéral de Robert Bourassa, les Inuits cèdent les droits sur leurs terres avec un fusil sur la tempe en vue des aménagements hydrauliques de la Baie-James. Zebedee Nungak, membre de l’équipe de négociations des Inuits à l’époque, raconte dans son livre Contre le colonialisme dopé aux stéroïdes comment ils étaient « pris dans l’étau d’un processus qui servait les impératifs et les intérêts des promoteurs, avec l’appui et la complicité évidente du gouvernement ».

René Lévesque affirmait que l’intégration des Inuits devait se faire en « respectant leur langue et leurs traditions, ainsi que le désir qu’ils manifestent […] d’être débarrassés d’un paternalisme désuet ». Mais le gouvernement libéral, tout en donnant au territoire le nom de « Nouveau-Québec », impose à partir de 1964 des noms francophones aux communautés inuites, qui parlent pourtant anglais ou inuktitut. Par exemple, Kuujjuaraapik, qui avait comme nom anglais Great Whale River, est devenue Poste-de-la-Baleine. Ivujivik est devenue Notre-Dame-d’Ivujivik! Le gouvernement québécois instaure la Direction générale du Nouveau-Québec (DGNQ), qui sera surnommée « Don’t Go Near Québec ». Plus tard, lors de la première adoption de la loi 101 en 1977, les Nunavimmiuts et d’autres communautés ferment les bureaux du gouvernement provincial, mettent le drapeau du Québec en berne et forcent le Parti québécois à modifier sa loi pour accorder une exemption aux Inuits.

La soi-disant « intégration » des Inuits du Nord québécois est loin d’avoir été « positive et constructive ». Le taux de suicide au Nunavik a été 10 fois supérieur à la moyenne québécoise entre 2009 et 2013. Le Nord-du-Québec est le seul territoire ayant connu une hausse du taux de faible revenu entre 2012 et 2016, et elle a le taux le plus élevé au Québec à 17,2% en 2016. Ces statistiques reflètent la situation générale des Inuits au Canada. Le taux de chômage y est plus élevé que chez tous les autres Autochtones, et le pourcentage d’Inuits à ne détenir aucun certificat, diplôme ou grade atteint un vertigineux 54,2%. Les souffrances infligées aux Inuits ne sont pas qu’anglo-canadiennes. Avec les faits plus hauts en tête, il n’est pas vraiment surprenant que les Inuits aient voté à 96% pour le Non au référendum du PQ en 1995.

La guerre du saumon de 1981

Le révisionnisme historique de Mathieu Bock-Côté apparaît notamment quand il prétend que René Lévesque avait une politique de la « main tendue ». L’histoire du raid policier de 1981 contre les pêcheurs mi’kmaq du village de Listuguj (appelé Restigouche à l’époque) révèle plutôt une politique de la matraque. 

À cette époque, la pêche traditionnelle des Mi’kmaq de Listuguj était décriée par les pêcheurs sportifs, bien qu’elle se pratiquait depuis des centaines d’années. La population de saumon était alors en déclin. Mais la pêche au saumon de subsistance des Mi’kmaq en 1981 a été de 6 tonnes, comparé à 3285 tonnes pour la pêche commerciale de l’Atlantique Nord et 867 pour la pêche sportive! Cela n’est pas sans rappeler tout le tapage autour de la pêche de subsistance modérée de la nation Sipekne’katik en Nouvelle-Écosse, qui représente une goutte d’eau dans l’océan comparée à la pêche commerciale.

Le premier ministre René Lévesque et son ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche, Lucien Lessard, prennent alors les grands moyens pour faire cesser cette minuscule pêche de subsistance. Le 11 juin 1981, le gouvernement envoie 500 policiers, notamment par hélicoptère, réprimer les pêcheurs de Listuguj.

Un témoin arrivé ce soir-là explique :

« Cinq cents policiers et agents de conservation de la faune. Ils ont saisi des filets, mais ils ont surtout suspendu les pouvoirs du conseil de bande. Donc, ils sont vraiment intervenus sur la rivière pour saisir des filets de pêche et procéder à l’arrestation de pêcheurs micmacs mais aussi tout autant à l’intérieur de la communauté où ils ont procédé à des saisies et à des arrestations. Interdiction de circulation, propos racistes et gestes désobligeants à l’égard de citoyens micmacs, utilisation d’une force excessive lors d’arrestations, les témoignages à l’encontre de la Sûreté du Québec et des agents de conservation de la faune étaient nombreux et accablants. »

Les policiers urinent devant des femmes, battent des pêcheurs et d’autres membres de la communauté, tirent des gens par les cheveux. À la fin de la journée, le conseil de bande se réunit et décide de se préparer à résister à un prochain raid. Un autre homme, qui était adolescent à l’époque, raconte : « Des Warriors de Kahnawake sont venus. Toutes les armes de la communauté ont été rassemblées en un endroit. Si les policiers étaient pour revenir, nous serions prêts. »

Un deuxième raid survient le 20 juin, mais la police n’ose pas entrer dans la réserve cette fois. Au final, deux pêcheurs accusés d’avoir résisté à leur arrestation seront acquittés, à travers de longues procédures judiciaires où le racisme anti-Autochtone du juge sera évident.

Le raid policier du PQ a laissé une marque sur la communauté de Listuguj. On y réfère par l’expression « Migwite’tm’nej », qui signifie « Je n’oublierai jamais ». La violence du gouvernement péquiste n’a pas été oubliée.

Toute la classe dirigeante est coupable, in English et en français

La nation québécoise, comme toute société, est divisée en classes. Une bourgeoisie domine et impose sa loi aux travailleurs autochtones comme non autochtones. Le Québec n’est ni plus, ni moins raciste envers les Autochtones que le Canada anglais. L’histoire est parsemée d’exemples de comment nos classes dirigeantes ont toutes deux du sang sur les mains.

Lorsque les chroniqueurs et politiciens nationalistes défendent la pureté de « notre nation » et tentent d’effacer de notre histoire les crimes contre les Autochtones, ils défendent en réalité les politiques passées (et actuelles) de notre classe dirigeante. Leur but est de maintenir l’unité nationale, c’est-à-dire l’unité des travailleurs québécois derrière la bourgeoisie québécoise. Au contraire, la classe ouvrière québécoise n’a rien à gagner à idéaliser le Québec ou notre classe dirigeante. Il faut percer l’écran de fumée nationaliste que Bock-Côté et compagnie veulent entretenir.

Malgré les conflits entre le provincial et le fédéral, malgré les débats sur le fédéralisme et la souveraineté, les capitalistes canadiens et québécois et leurs représentants ont les mêmes intérêts lorsqu’il s’agit de défendre le système, et s’entendent lorsque vient le temps de confronter et réprimer les Autochtones.

Nous l’avons vu avec la Crise d’Oka de l’été 1990. Bien que cet événement mériterait un article à lui seul, il suffit de mentionner ici que la classe dirigeante canadienne et québécoise s’entendaient sur le recours à la force contre les Mohawks. La Sûreté du Québec, puis l’armée canadienne, ont été envoyées pour réprimer les Autochtones qui défendaient leurs terres contre l’agrandissement d’un terrain de golf et la construction de maisons en rangées sur celles-ci. Et les dirigeants nationalistes québécois? Jacques Parizeau, chef du PQ alors dans l’opposition, souhaitait que l’armée soit envoyée, et affirmait que « pour moi, comme pour beaucoup de gens, les Warriors, c’est plutôt des terroristes. » François Legault a fait une déclaration du même genre l’an dernier lors du blocage ferroviaire à Kahnawake en appui à la nation Wet’suwet’en, lorsqu’il a affirmé que les Mohawks étaient dangereux et avaient des « AK-47 ». La bourgeoisie québécoise et la bourgeoisie canadienne voient les Autochtones de la même façon : comme un obstacle au développement économique et donc à leur enrichissement.

Un moment charnière

Après quelques années de renouveau de la lutte des Autochtones, un changement massif dans les consciences est en train de s’opérer. Il y a notamment eu la lutte des Wet’suwet’en contre le Gazoduc Coastal GasLink et la vague de solidarité qui s’est étendue de la Colombie-Britannique à Kahnawake, celle des pêcheurs mi’kmaq de Nouvelle-Écosse ou encore celle des défendeurs de la terre Haudenosaunee de 1492 Land Back Lane. Il y a aussi eu la mort de Joyce Echaquan, qui a mis en évidence le scandale du racisme systémique contre les Autochtones dans les hôpitaux québécois.

Maintenant, avec les tragédies déterrées à Marieval et Kamloops, les crimes de la colonisation sont mis au grand jour. Il devient impossible de nier l’évidence, n’en déplaise aux avocats du nationalisme canadien et québécois.

Des sondages révèlent l’ampleur de la prise de conscience. Selon la CBC, « Quatre-vingt-un pour cent des personnes interrogées dans le cadre [d’une] enquête d’Innovative Research ont déclaré être “très en colère” ou “assez en colère” à cause de ce qu’elles avaient entendu. Cinquante-huit pour cent ont déclaré à Abacus qu’elles étaient d’accord pour dire que ce qui s’est passé dans les pensionnats était un “génocide”. »

L’article continue : « Selon Innovative Research, 68% des Canadiens conviennent que les pensionnats indiens “ont créé des problèmes qui nécessitent encore aujourd’hui des réponses de la part du gouvernement”. Soixante-trois pour cent affirment que le gouvernement fédéral devrait faire davantage pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les peuples autochtones – c’est une hausse de 17 points depuis 2019. Soixante-huit pour cent sont tout à fait ou plutôt d’accord pour dire que les Canadiens ont le “devoir” de résoudre les inégalités auxquelles sont confrontés les peuples autochtones – en hausse de 11 points depuis 2019 » (nous soulignons).

Hier, le 1er juillet, ces sentiments se sont concrétisés quand des milliers de personnes à travers le Canada ont pris la rue en solidarité avec les peuples autochtones et que les festivités de la fête du Canada étaient annulées dans des dizaines de villes. Environ 10 000 personnes, Autochtones et allochtones, ont marché à Montréal. Des manifestations semblables ont eu lieu à travers le Canada, notamment à Québec, Toronto, Winnipeg, Edmonton et Ottawa. Il y a un énorme changement dans l’opinion de la classe ouvrière du Canada et du Québec envers l’oppression des Autochtones. Jamais l’appui des travailleurs à leurs luttes n’a été aussi élevé. 

La lutte contre l’oppression des peuples autochtones, de même que celle contre l’exploitation des travailleurs en général, est une lutte contre le capitalisme et les classes dirigeantes canadienne et québécoise. Et le contexte n’a jamais été aussi favorable qu’en ce moment à une lutte unie des travailleurs et travailleuses autochtones, non autochtones, québécois et canadiens, pour les renverser. Les luttes autochtones sont presque toujours dirigées contre de grands projets capitalistes. Ce système est une entrave absolue à l’émancipation des Autochtones. Avec une économie planifiée socialiste, nous pourrons utiliser les immenses ressources de la société pour satisfaire les besoins de tous et toutes dans le respect des droits autochtones. Nous pourrons ainsi rompre avec des centaines d’années d’oppression et de souffrances, et construire un monde meilleur où les horreurs du passé et du présent ne seront qu’un mauvais souvenir.