Pourquoi le capitalisme a besoin du racisme

Le meurtre de George Floyd, un homme noir non armé, par la police de Minneapolis, a suscité des manifestations de masse dans le monde entier. De New York à Paris, des manifestants ont défilé pour exiger la fin de la brutalité policière, de l’inégalité raciale et de l’indifférence des politiciens à l’égard de ces deux […]

  • Marco La Grotta
  • lun. 13 juill. 2020
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Le meurtre de George Floyd, un homme noir non armé, par la police de Minneapolis, a suscité des manifestations de masse dans le monde entier. De New York à Paris, des manifestants ont défilé pour exiger la fin de la brutalité policière, de l’inégalité raciale et de l’indifférence des politiciens à l’égard de ces deux phénomènes.

Le mouvement actuel, cependant, ne ressemble à aucun autre dans l’histoire récente. Dans le passé, les manifestants demandaient que des accusations soient portées contre des agents de police individuels, ou que la police soit « réformée ». Malgré tous les efforts mis par les manifestants, rien n’a jamais changé. La police a continué à assassiner, la justice est demeurée hors de portée et les inégalités raciales sont restées fermement en place.

Depuis, une révolution dans la conscience politique a eu lieu. Le meurtre de George Floyd marque un tournant. Les manifestants ne réclament plus une réforme mineure, mais la fin pure et simple de la police. Le problème n’est pas tel ou tel policier, mais le « racisme systémique » lui-même. Le système ne peut pas être réparé, car il a été conçu pour causer du tort. Plus personne ne croit aux promesses des élus. Ils ont eu leur chance, mais n’ont pas tenu leurs promesses. Maintenant, seule une transformation de fond en comble suffira. 

Mais que signifierait exactement la fin du « racisme systémique »? Ici, la confusion règne encore. En l’absence d’une définition stable, chacun a donné au terme sa propre signification. Les démocrates interprètent l’expression d’une manière, les entreprises d’une autre. Chez les manifestants, de multiples définitions existent, alors que d’autres continuent d’être produites.

Cependant, comme pour tout phénomène, une seule définition peut être correcte. La clarté est essentielle. Si la nature d’un problème n’est pas comprise, comment peut-on s’y attaquer?

Pour mettre fin au racisme systémique, le mouvement doit se fixer les bonnes tâches; pour ce faire, il doit d’abord comprendre la nature de ce à quoi il est confronté.

Le marxisme offre un outil puissant pour comprendre les fondements du racisme. Plus important encore, il propose des solutions pour le combattre.

Essentiellement, les marxistes partagent l’opinion de Malcolm X selon laquelle « il ne peut y avoir de capitalisme sans racisme ». Pour nous, le racisme est une caractéristique organique du capitalisme. Par conséquent, il ne peut pas être éradiqué sans mettre également fin au capitalisme.

Mais alors, pourquoi le racisme est-il un produit du capitalisme? Et si c’est bien le cas, que peut-on faire pour le combattre?

Le racisme systémique existe-t-il ?

Pour la plupart des manifestants, l’existence du racisme systémique ne fait aucun doute. Cependant, des politiciens comme Donald Trump contestent cette affirmation. Ils affirment que, même s’il existe des racistes (« quelques pommes pourries »), le système lui-même n’est pas raciste.

Selon eux, tous sont égaux devant la loi. Les lois racistes qui ont déjà existé (la ségrégation, par exemple) ont depuis été abrogées. L’égalité a été réalisée.

Cependant, l’égalité sur le papier ne signifie pas toujours l’égalité dans la réalité.

En 1936, Joseph Staline a annoncé que la constitution de l’Union soviétique était la plus démocratique qui ait jamais existé. Cela signifie-t-il qu’il y avait une démocratie dans la Russie de Staline, parce qu’elle le disait sur le papier? On peut se risquer à deviner quelle serait la réponse de M. Trump.

En fait, si des protections juridiques interdisant la discrimination raciale ont été gagnées au cours du dernier demi-siècle, les pratiques racistes se poursuivent à tous les échelons de la société.

Aux États-Unis, les minorités raciales continuent d’être assassinées par la police, emprisonnées et privées d’emploi à des taux bien plus élevés que dans la population générale. Ces pratiques ne sont pas uniques aux États-Unis. Au Canada, les minorités raciales sont confrontées à des défis similaires, en particulier la population autochtone. Dans de nombreuses collectivités autochtones, même l’eau potable est difficile à obtenir, alors que la plupart des autres Canadiens tiennent ce droit fondamental comme acquis. En Europe, les réfugiés d’Afrique et du Moyen-Orient sont souvent privés de leurs droits fondamentaux, peinent à trouver du travail et sont dénigrés par les politiciens racistes (Matteo Salvini et Marine Le Pen, par exemple) et leurs partisans.

Si la violence et la discrimination n’étaient le fait que d’une poignée d’employeurs ou de policiers racistes, les négationnistes du racisme systémique auraient peut-être raison.

Cependant, ce ne sont pas seulement un ou deux employeurs, mais des milliers qui font preuve de discrimination à l’embauche, que ce soit consciemment ou inconsciemment. Ce ne sont pas seulement un ou deux policiers, mais des milliers de corps policiers, dans tous les pays, qui emprisonnent, brutalisent et assassinent les minorités raciales à des taux disproportionnés.

Ces chiffres prouvent à eux seuls l’existence du racisme systémique, que sa cause soit comprise ou non.

Définir le racisme systémique

Les choses se compliquent lorsqu’on essaie de définir le racisme systémique.

Suite aux récentes manifestations, de nombreux politiciens libéraux et réformistes ont adopté le terme. Ce faisant, ils espèrent convaincre les manifestants qu’ils sont réellement préoccupés par le racisme et qu’ils sont les seuls à avoir un plan pour y mettre fin.

Selon eux, le racisme systémique est le résultat soit de « mauvaises » politiques, soit d’élus particulièrement réactionnaires (comme Trump). La solution, quant à elle, consisterait à adopter de « bonnes » politiques (par exemple, l’interdiction des étranglements) ou à remplacer les élus réactionnaires par des élus « progressistes » (comme Joe Biden). 

Cette description pose toutefois quelques problèmes.

Premièrement, les pratiques racistes ont continué tant sous les gouvernements libéraux que conservateurs. Aux États-Unis, la brutalité policière n’a jamais cessé sous Barack Obama, un président démocrate. Au Canada, les Autochtones sont harcelés par la police autant qu’avant (sinon plus), bien que le premier ministre soit Justin Trudeau, un libéral qui dit croire fermement à la « réconciliation » avec les Autochtones. Ces dernières semaines, de nombreuses villes qui ont déployé la police pour brutaliser les manifestants sont dirigées par des démocrates.

Ces élus, comme un mécanicien malhonnête chargé de réparer le moteur d’une voiture en panne, ont traité le capot avec une belle cire, tout en laissant le moteur intact.

Deuxièmement, les politiques ont changé alors que le racisme est resté intact. Au cours du dernier demi-siècle, la plupart des lois explicitement racistes ont été abrogées dans la plupart des pays d’Amérique du Nord et d’Europe. Cette évolution, bien sûr, a été rendue possible par les mouvements de l’époque des droits civiques et a représenté une énorme victoire.

Cependant, le racisme existe toujours dans ces pays, malgré les changements radicaux apportés au système juridique, notamment aux États-Unis. Les politiques proposées aujourd’hui sont, en comparaison, beaucoup moins radicales que celles introduites à l’époque des droits civiques.

Bien qu’il s’agisse d’une réforme positive, que peut faire l’interdiction des étranglements, pour éradiquer le racisme, si on la compare avec la fin de la ségrégation juridique (qui n’a pas non plus mis fin au racisme) ?

Pour d’autres, y compris certains universitaires, le racisme est quelque chose d’inné chez certains, sinon tous les Blancs. Cette explication a aussi ses limites.

Si elle est vraie, cette définition n’explique toujours pas pourquoi les croyances racistes sont maintenues, et encore moins comment elles ont été créées ou ce qu’il faut faire à leur sujet. La science n’a pas encore découvert de « gène raciste ». En fait, pour une grande partie de l’existence de l’humanité, le racisme n’existait pas sous sa forme actuelle, voire pas du tout. Le racisme est, en ce sens, un phénomène relativement récent.

Alors, d’où vient le racisme?

Les origines du racisme moderne

Les origines du racisme des temps modernes ne se trouvent ni dans la biologie ni dans les politiques, mais dans la naissance du capitalisme lui-même.

Aux États-Unis, le racisme anti-noir remonte à la traite transatlantique des esclaves, qui a accompagné la naissance du capitalisme américain et britannique. Au début de l’esclavage, on n’avait pas encore établi de distinction nette entre les esclaves noirs et les serviteurs blancs sous contrat d’indenture (« indentured servants » en anglais). Ainsi, les rébellions impliquant à la fois des Noirs et des Blancs n’étaient pas rares – la rébellion de Bacon de 1676 étant l’une des plus connues.

En réaction à ces rébellions, la classe dirigeante américaine a élaboré des théories racistes pour « prouver » l’infériorité des Noirs, afin de creuser un fossé entre ses sujets, prévenir les rébellions et justifier l’asservissement des Noirs.

Dans d’autres pays, le racisme a pris différentes formes en raison des besoins particuliers de leur classe dirigeante respective.

Au Canada, le racisme anti-Autochtones a été amplifié par la classe dirigeante peu avant la naissance de la Confédération en 1867. Il s’agissait ici de justifier la dépossession de la population autochtone du Canada, ouvrant ainsi la voie au chemin de fer transcontinental.

La Police à cheval du Nord-Ouest (PCN-O), ancêtre de la GRC, a été créée en 1873 pour faciliter ce processus. La PCN-O a été fondée sur le modèle de la Royal Irish Constabulary britannique, dont le but était de réprimer la dissidence irlandaise. La version canadienne a joué un rôle similaire avec la population autochtone. À notre époque, la GRC ne fait que perpétuer les traditions de son ancêtre.

Dans ces exemples, le racisme trouve son origine à la même source, c’est-à-dire dans la classe dirigeante. Dans les deux cas, le but de la classe dirigeante est de diviser ses sujets et de faciliter l’expansion du capitalisme. Dans d’autres pays, des raisons similaires peuvent être trouvées.

Par la suite, les capitalistes se sont constamment servi du racisme, en le codifiant dans la loi, en finançant la « science » raciste et en élargissant son champ d’application. En Amérique du Nord, les immigrants de la plupart des pays ont été confrontés à de sévères restrictions de leurs droits, à chaque fois avec des justifications différentes et totalement infondées. Par exemple, les Italiens étaient des « criminels » et les Irlandais, des « ivrognes ». Dans chaque cas, cela a permis aux capitalistes de faire baisser les salaires, tout en créant un ensemble apparemment infini de divisions dans la classe ouvrière, de façon à la paralyser (du moins, c’est ce qu’ils espéraient).

Le principe, cependant, est resté le même : diviser pour mieux régner.

L’ère post-droits civiques

Les années 50 et 60 ont vu l’avènement de l’ère des droits civiques. La classe dirigeante ne pouvait plus justifier une grande partie de ses lois ouvertement discriminatoires à mesure que les attitudes changeaient. Dans de nombreux pays, des manifestations de masse mobilisant des personnes de toutes les couleurs et de toutes les confessions ont forcé les capitalistes à abandonner leurs vieilles politiques racistes. Dans les années qui ont suivi, la classe dirigeante a été contrainte de rayer des livres les lois les plus explicitement racistes, de peur de provoquer une révolution.

En général, plus les racines du racisme sont profondes pour un groupe particulier, plus il a fallu de temps pour établir une égalité complète devant la loi. Aux États-Unis, la ségrégation visant les Noirs n’a été abolie qu’en 1964. Au Canada, les Autochtones n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1960. Étonnamment, les gens oublient que c’était il y a un peu plus d’un demi-siècle seulement. Pourtant, à la fin du millénaire, des droits égaux avaient été établis pour la plupart des minorités raciales.

Le racisme, cependant, n’a pas disparu. Les inégalités sont restées.

Aux États-Unis, la ségrégation s’est poursuivie, poussée par l’économie plutôt que par le droit. Ainsi, le cycle de la pauvreté et de l’exclusion s’est poursuivi. Dans les médias, les propos racistes ont continué à être diffusés, bien que sous une forme plus codée. Les corps de police ont conservé les mêmes pouvoirs et les dirigeants de l’époque de la ségrégation n’ont pas été remplacés. Et bien que les lois soient maintenant « neutres » sur le papier, ils ont continué à les appliquer de façon disproportionnée aux minorités raciales. Et il ne s’agit là que de quelques exemples. 

Dans l’époque ayant suivi le mouvement des droits civiques, le racisme a changé de forme, mais il est finalement resté en place. Pourquoi?

Le mouvement des droits civiques, malgré ses réalisations, n’a pas entraîné le renversement du capitalisme, et ce n’était pas non plus son objectif déclaré. Les capitalistes, cependant, avaient toujours besoin du racisme pour fonctionner. 

Le racisme est un outil puissant pour diviser et régner sur la population : un outil qui permet aux capitalistes de faire baisser les salaires, de renforcer la présence de la police, de saper les mouvements sociaux et de faire porter la responsabilité de leurs échecs aux groupes marginalisés. Les capitalistes ont donc cherché à le maintenir, bien que sous une forme modifiée en raison de l’évolution de l’opinion publique.

Le traitement des travailleurs migrants est un exemple simple de la façon dont cela fonctionne aujourd’hui. En Amérique du Nord, la plupart des travailleurs migrants sont privés à la fois du droit de vote et du droit d’adhérer à un syndicat. Ils sont également payés à des taux bien inférieurs à ceux du travailleur moyen, ce qui crée des frictions artificielles avec la main-d’œuvre nationale. L’afflux de travailleurs migrants est utilisé pour justifier l’expansion des patrouilles frontalières et des corps policiers locaux, notamment aux États-Unis. Enfin, les médias et les politiciens financés par les capitalistes font circuler des rumeurs sur ces migrants, complétant ainsi leur exclusion.

Comment la classe dirigeante justifie-t-elle cela? Les travailleurs migrants, dit-elle, ne sont pas nés ici, ils doivent donc être traités différemment. Mais n’est-ce pas là du racisme?

L’exemple ici est celui des travailleurs migrants. Cependant, les mêmes méthodes sont utilisées, à des degrés divers, contre toutes les minorités raciales dans les pays capitalistes. Par exemple, les quartiers noirs doivent être surveillés parce que ce sont des « foyers de criminalité » et les travailleurs autochtones gagnent moins parce qu’ils sont « paresseux ».

S’il n’y avait pas de racisme, de telles divisions sembleraient absurdes à tout le monde. Pourquoi un travailleur devrait-il être traité différemment d’un autre? Ne partageons-nous pas tous les mêmes intérêts?

Le racisme enveloppe ces divisions d’une aura « naturelle », les justifiant et leur donnant une apparence de permanence. En fait, ces divisions ne sont ni naturelles ni permanentes, comme le prouve l’histoire. Cependant, leur perpétuation permet de garder la classe ouvrière divisée et donne une stabilité au règne des capitalistes.

Tous les capitalistes sont-ils racistes?

Suite au meurtre de Floyd, de nombreuses entreprises, comme Amazon et Tim Hortons, ont publié des tweets dénonçant le racisme. Ben and Jerry’s, un fabricant de crème glacée, a appelé à mettre fin au suprémacisme blanc. NASCAR a interdit les drapeaux confédérés lors de ses courses. Au début des années 1900, cela aurait été impensable.

Bien sûr, les déclarations des entreprises ne font rien pour mettre fin au racisme. Néanmoins, elles reflètent les changements d’attitudes survenus au cours du siècle dernier, y compris parmi les membres de la classe dirigeante.

Toutefois, si des capitalistes individuels peuvent prétendre s’opposer au racisme, cela ne rend pas le système capitaliste moins raciste. Pourquoi? Parce que la classe dominante et le capitalisme dans son ensemble en bénéficient. Il est donc contraire à leurs intérêts de procéder à un changement fondamental.

Ayant d’abord inventé le racisme, les capitalistes sont obligés de l’exploiter, consciemment ou inconsciemment, à leurs propres fins. Sinon, ils risquent d’être désavantagés par rapport à leurs concurrents moins scrupuleux, ou de subir les foudres de ceux qu’ils emploient.

Les gestes d’un capitaliste pour « lutter » contre le racisme sont rapidement annulés par ceux de trois autres capitalistes – voire par lui-même plus tard. L’un d’entre eux paie des salaires plus bas aux migrants pour réduire ses coûts, un autre attribue des pertes d’emploi à la discrimination positive, tandis qu’un autre alimente les divisions raciales pour saper une campagne de syndicalisation dans son usine. Dans chaque cas, les inégalités et l’intolérance raciales sont aggravées, ce qui fournit encore plus de munitions aux capitalistes pour utiliser le racisme plus tard. Le cycle se perpétue.

Un capitaliste peut être en désaccord avec les actions de ses prédécesseurs; il peut se joindre à une manifestation ou publier un tweet dénonçant le racisme. Cependant, les capitalistes dans leur ensemble n’hésitent pas à tirer profit du système créé par leurs prédécesseurs. Ce n’est certainement pas eux qui vont le renverser.

Les divisions raciales deviennent encore plus importantes pour les capitalistes dans une période de révolution.

Aucune croyance n’est trop ancienne, aucun groupe n’est trop arriéré pour que les capitalistes les ressuscitent pour s’accrocher au pouvoir. C’est pourquoi ils gardent ces forces en réserve et les entretiennent.

C’est pourquoi les dirigeants capitalistes sont souvent réticents à poursuivre les policiers meurtriers même les plus éhontés. La loyauté de la police, et en particulier de sa couche la plus arriérée, doit être maintenue pour pouvoir la mobiliser pour « rétablir l’ordre ». 

En 2020, le racisme reste donc une composante intégrale du capitalisme, tant pour son fonctionnement que pour sa défense. C’était vrai à la naissance du capitalisme, c’était vrai tout au long de l’ère ayant précédé le mouvement des droits civiques et celle l’ayant suivi, et cela restera vrai jusqu’à ce que le capitalisme soit renversé.

Le rôle de la classe ouvrière

La solution au racisme commence avec la classe ouvrière. 

La classe ouvrière, contrairement aux capitalistes, tire sa force de l’unité entre les travailleurs de toutes les couleurs, de toutes les confessions, de tous les sexes, etc. C’est lors d’une grève qu’on peut le mieux l’observer.

Dans un conflit de travail, les divisions de ce type jouent un rôle activement nuisible dont le principal bénéficiaire est le patron. Ainsi, les principales divisions sur le piquet de grève sont des divisions de classe et non de race. Si ce n’est pas le cas, la grève est vouée à l’échec, ce qui nuit à tous les participants, quelle que soit la couleur de leur peau.

Bien entendu, cela ne signifie pas que certains travailleurs ne sont pas animés de croyances racistes, que ce soit du racisme délibéré ou du racisme « ordinaire ». Ces croyances doivent être d’autant plus activement combattues, car elles représentent un cancer dans le mouvement ouvrier.

Cependant, le racisme n’est pas un produit organique de la classe ouvrière, qui vise plutôt l’unité, mais l’héritage de la pourriture transmise par les capitalistes. Le racisme est un poison, et un poison puissant. Cependant, aucun poison n’est assez puissant pour freiner l’Histoire pour toujours.

Au cours d’une lutte de masse, les préjugés commencent à s’effriter. Dans chaque révolution, quelle que soit la profondeur de ces croyances, ce processus peut être observé. À ce moment-là, tous les travailleurs sont confrontés à un ennemi commun : les capitalistes. Les divisions d’hier commencent à perdre de leur importance. La révolution, comme un miroir, permet aux travailleurs de voir leur véritable reflet et, dans ce reflet, il y a une seule et même classe.

Toutefois, cela ne suffit pas. Si le capitalisme demeure, alors, pour paraphraser Marx, « on retombera fatalement dans la même vieille gadoue ». À sa place, une nouvelle société doit être construite : le socialisme.

Le socialisme : une nouvelle base matérielle

Dans une société socialiste, les capitalistes ne sont plus au pouvoir. À leur place, la société elle-même est en charge. Les grandes banques, les usines et les magasins deviennent des propriétés publiques, le contrôle étant exercé par les travailleurs et la communauté. En temps utile, la production, qui n’est plus entravée par le profit, peut être fortement accrue, de façon à mettre fin à la pénurie artificielle qui existait sous le capitalisme. L’État, produit de cette pénurie, perd rapidement sa raison d’être, tout comme son armée et sa police. Avec le temps, lorsque la société atteint un état de surabondance, les gens peuvent enfin se gouverner eux-mêmes – devenant enfin libres. À travers ce processus, toute division devient superflue. Sa base matérielle disparaît.

Cela signifie-t-il que les croyances racistes meurent dès que le capitalisme disparaît? Les marxistes n’ont jamais dit cela.

Les préjugés ont des racines profondes. Il se peut donc qu’ils survivent bien après que leur source se soit tarie. Les vieilles croyances pourraient prendre des années, voire des générations, avant d’être totalement éradiquées.

Cependant, le socialisme fournit enfin l’arène pour écraser le racisme; et pas seulement le racisme, mais aussi le sexisme, l’homophobie, etc. Le racisme a des racines matérielles. La solution doit donc être matérielle.

Dans une société socialiste, les humains peuvent enfin s’entendre entre eux. Il peuvent enfin cesser de se voir comme des concurrents, mais se voir comme de véritables êtres humains. Dans cette société, de nouvelles conditions plus humaines seront créées, ce qui conduira également à des êtres humains meilleurs.

Avec le temps, le racisme deviendra un lointain souvenir d’une ancienne société cruelle, un moment transitoire de l’histoire humaine. À partir de ce moment, la véritable histoire humaine, débarrassée de la souillure de la société de classe, pourra commencer.