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L’impérialisme est souvent réduit à sa seule dimension militaire : la guerre impérialiste. Or l’impérialisme est d’abord un phénomène économique. À un certain stade de son développement, le capitalisme devient impérialiste.

Dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), Lénine a soumis cette question à une analyse approfondie. Il part de ce que Marx avait souligné dès le Manifeste du Parti Communiste : au fur et à mesure que le capitalisme se développe et que le Capital se concentre, la « libre concurrence » aboutit à son contraire, c’est-à-dire aux monopoles, et finalement à la domination de l’économie par un petit nombre d’entreprises gigantesques.

Du vivant de Marx (1818-1883), ce n’était encore qu’une brillante anticipation. Dans son livre, Lénine montre – chiffres et faits à l’appui – que c’est chose faite dès les premières années du XXe siècle. Et ce processus s’est poursuivi sans interruption, pour aboutir de nos jours à une concentration dantesque du Capital. Aux États-Unis, par exemple, 500 entreprises se partagent 75% du PIB.

Le capital financier

Lénine relève une autre caractéristique fondamentale de l’impérialisme : la « fusion du capital bancaire et du capital industriel » et « la création, sur la base de ce capital « financier », d’une oligarchie financière ». Au début du capitalisme, les banques ne jouaient qu’un rôle d’intermédiaire dans les paiements. Au stade impérialiste, par contre, d’énormes banques dominent l’économie. Elles ont fusionné avec le capital industriel et tirent toutes les ficelles. En 2013, parmi les 2000 plus grandes entreprises au monde, il y avait 469 banques et institutions financières.

On entend souvent les réformistes de gauche se plaindre de cette situation et réclamer la « dé-financiarisation » de l’économie. Cela revient à réclamer un retour au capitalisme pré-impérialiste, pré-monopolistique. C’est impossible. Pour en finir avec la domination du capital financier, il faut en finir avec le capitalisme lui-même – ce que, précisément, les réformistes n’envisagent pas.

L’impérialisme se distingue aussi par le rôle central qu’y joue l’exportation de capitaux – et non plus seulement de marchandises. Chaque jour, dans le monde, des milliards de dollars de capitaux sont exportés. Et les grands groupes financiers, bien sûr, contrôlent cette activité.

Les guerres impérialistes

Enfin, Lénine souligne que le stade impérialiste se caractérise par l’achèvement du « partage » du monde entre puissances impérialistes (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Grande-Bretagne…). Ces pays dominent l’économie mondiale et se partagent des marchés, des zones d’influence, des sources de matières premières, etc.

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la décolonisation a changé la forme politique de cette domination, mais celle-ci demeure. Elle s’est même renforcée à travers les mécanismes de la dette et du commerce mondial. Ce partage du monde, cependant, n’est jamais stable et définitif, car le rapport de forces entre puissances impérialistes évolue sans cesse. D’où les inévitables tentatives d’opérer un nouveau partage. Par quel moyen? Par la guerre impérialiste. Les deux guerres mondiales ne s’expliquent pas autrement – tout comme les « petites » guerres impérialistes qui ont ravagé le monde, depuis. La lutte contre les guerres impérialistes est donc indissociable de la lutte contre le capitalisme.