Le mouvement pour la rémunération de tous les stages a récemment franchi une nouvelle étape alors que diverses associations étudiantes ont tenu ou s’apprêtent à tenir des votes de grève. Au moment de mettre en ligne, l’Association des étudiantes sages-femmes du Québec de l’Université de Trois-Rivières (AESFQ), l’Association facultaire étudiante des sciences humaines de l’UQAM (AFESH), les associations étudiantes d’histoire de l’art (AEEHAUM) et d’anthropologie de l’UdeM (AEAUM) ont voté en faveur d’une grève générale illimitée. D’autres associations ont également voté de quelques jours à une semaine de grève, comme la Journalism Student Association de l’Université Concordia (JSA) et l’Association générale étudiante de la faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke (AGEFLESH).

Cette mobilisation est le résultat du travail des militantes et militants des Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE) présents sur différents campus. La Riposte socialiste étudiante appuie sans réserve cette lutte et invite ses sympathisants à y participer activement.

Suite à la pression mise sur le gouvernement par la grève de novembre dernier, le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge, qui ne peut pas manquer de se rappeler la défaite monumentale infligée par les étudiants au gouvernement Charest en 2012, tente maintenant de tuer le mouvement dans l’oeuf. En effet, le ministre a promis de revoir la rémunération et l’encadrement des stages au cours des prochains mois. Afin de « discuter » de ce sujet avec les étudiants, le ministre a organisé une rencontre à huis clos uniquement avec les représentants de l’UEQ et la FECQ. La ruse devient évidente quand on sait que la direction de ces fédérations étudiantes n’appuie même pas le mouvement pour la rémunération de tous les stages. Recourant à la même tactique, le ministre a également affirmé qu’il partage « certaines » des préoccupations des étudiants et que ceux-ci sont « un peu en train de défoncer une porte ouverte ».

Ces manoeuvres semblent avoir eu un certain effet. Dans certaines assemblées générales étudiantes, des opposants à la grève ont soutenu qu’il fallait « laisser la chance au coureur », en parlant du nouveau gouvernement de la CAQ. Agir ainsi serait une erreur. Il est clair que l’attitude en apparence conciliante du ministre vise à convaincre les étudiants de mettre la mobilisation en pause pour la session actuelle, dans l’espoir que le momentum soit perdu à l’automne prochain, quand il annoncera des changements superficiels à l’encadrement des stages. Les positions pro-austérité et anti-ouvrières de la CAQ sont bien connues. Le gouvernement a même déjà exprimé son intention d’effectuer des compressions budgétaires et des privatisations. Ne nous y trompons pas : la CAQ n’est pas l’amie des travailleurs et des étudiants, et elle ne concèdera rien sans combat. Heureusement, les votes de grève en cours montrent que les étudiants ne sont pas dupes face aux mots doux de la CAQ. Ils savent que la mobilisation doit se poursuivre, et que la grève est notre outil le plus puissant.

Au Canada, environ 500 000 jeunes accomplissent un stage non rémunéré, particulièrement dans des milieux de travail majoritairement féminins. Les stages non rémunérés (ou faiblement rémunérés) épuisent les travailleurs en devenir et permettent de les exploiter férocement avant même leur « véritable » entrée sur le marché du travail. Les opposants à la rémunération des stages justifient souvent cette exploitation en soutenant qu’il est normal de commencer sans être payé, que c’est un passage obligé et que si les étudiants sont vraiment passionnés par leur vocation, ils accepteront ces conditions.

Les travailleurs des jeunes générations sont forcés d’accepter des conditions de travail pires que leurs parents, et les stages non rémunérés s’inscrivent dans cette logique. Plus encore, les stages non rémunérés constituent une forme de « cheap labour » qui exerce une pression à la baisse sur les salaires de tout le monde. La grève des stages est une occasion de renverser la vapeur. Une victoire des stagiaires serait une victoire pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses.

La semaine de grève étudiante en novembre dernier a forcé le ministre de l’Éducation à réagir. Toutefois, les étudiants seuls peuvent difficilement forcer le gouvernement à plier. Afin de construire un rapport de force, le mouvement étudiant doit amener les travailleurs et travailleuses dans la lutte. Leur position dans la société leur permet de paralyser des secteurs importants de l’économie et des services publics, un pouvoir que les étudiants ne possèdent pas. Comme l’histoire le montre, les syndicats, par leur capacité à mobiliser les travailleurs, disposent du levier le plus puissant pour faire plier les gouvernements.

Les étudiants ont déjà réalisé certains efforts pour entrer en contact avec les travailleurs et les sensibiliser à la lutte, notamment par des visites des milieux de stage l’automne dernier. Cela a porté ses fruits : de nombreux syndicats appuient le mouvement de grève. Il s’agit d’un bon début, mais pour que les syndicats participent activement au mouvement, la mobilisation doit se poursuivre.

À l’Assemblée de grève de l’AFESH, lundi dernier, une résolution préparée par des militants de La Riposte socialiste a été adoptée. Cette résolution appelle les syndicats à poser des actions concrètes de solidarité, à commencer par une ou des manifestations et des piquets de grève de solidarité. Elle appelle également à ce que nous revendiquions des salaires de syndiqués et le droit à la représentation syndicale pour les stagiaires.

Vous trouverez ci-dessous le modèle de cette résolution. Nous invitons tous les étudiants et étudiantes qui militent pour la rémunération de tous les stages à soumettre cette résolution à leurs assemblées générales et à lutter pour la mettre en pratique dans le mouvement. Nous invitons également les travailleurs et travailleuses syndiqués sur les lieux de travail où des étudiants sont en stage non rémunéré à proposer dans leurs syndicats des journées de débrayage et des piquets de solidarité avec leurs collègues stagiaires.

Pour la rémunération de tous les stages! Pour des salaires de syndiqués avec représentation syndicale!

À travail égal, salaire égal!

Pour une lutte commune du mouvement étudiant et du mouvement ouvrier contre ce gouvernement des patrons!

****

PROPOSITION SUR LA MOBILISATION DES SYNDICATS POUR LA GRÈVE DES STAGES

Considérant que les stagiaires sont déjà des travailleurs.euses;

Considérant que les stages non rémunérés constituent du travail gratuit qui fait tendre à la baisse les salaires de tous les travailleurs.euses;

Considérant que la lutte pour la rémunération des stages ne doit pas reposer seulement sur les épaules des étudiant.e.s;

Considérant que la lutte pour la rémunération des stages s’inscrit dans une lutte plus large contre l’austérité et l’exploitation;

Considérant que la mobilisation des travailleurs.euses est historiquement le levier le plus puissant pour faire plier les gouvernements;

Considérant que de nombreux syndicats, dont le Conseil central du Montréal métropolitain CSN, ont déjà signifié leur appui à la lutte pour la rémunération des stages;

Que l’AFESH fasse un appel aux centrales syndicales pour qu’elles appuient la grève des stages par des actions de solidarité concrètes, à commencer par une ou des manifestations et des piquets de grève de solidarité.

Que l’AFESH entame les démarches nécessaires afin d’aller dans les assemblées et rencontres syndicales pour demander aux syndiqués de poser des actions de solidarité.

Que l’AFESH utilise les journées de grève pour mobiliser les travailleurs.euses en poursuivant les visites des milieux de stage.

Que l’AFESH enjoigne les syndicats locaux des lieux de travail où des étudiants sont en stage non rémunéré de participer au mouvement de grève lors de la semaine du 18 au 22 mars.

Que l’AFESH exige que les stagiaires obtiennent des salaires de syndiqués pendant leurs stages.

Que l’AFESH exige que les stagiaires aient droit à la représentation syndicale.