
Présentés comme le « moindre mal » lors des dernières élections fédérales, les libéraux de Mark Carney suivent l’exemple de Trump et lancent une attaque d’envergure contre les migrants.
Le projet de loi C-2, ou Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière, propose des changements majeurs dans la législation en matière d’immigration, éliminant essentiellement le droit à une application régulière de la loi pour les migrants, les réfugiés et les résidents permanents.
Le projet de loi représente une refonte importante du régime d’immigration du Canada. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) obtiendrait le pouvoir de suspendre, d’interrompre ou d’annuler des demandes à sa discrétion. Le ministre de la sécurité publique serait autorisé à annuler ou à modifier toute une série de documents d’immigration, jusqu’à la résidence permanente, au nom de « l’intérêt public ». Le projet de loi rendrait également la vie plus difficile aux demandeurs d’asile, en imposant un délai d’un an pour le dépôt des demandes de statut de réfugié, et un délai de seulement 14 jours pour ceux qui traversent la frontière avec les États-Unis entre les points d’entrée.
En bref, cela signifie que le gouvernement sera habilité à contourner les procédures légales afin d’expulser les migrants plus rapidement et plus efficacement.
Certains ont comparé le projet de loi de Carney aux mesures de répression de Donald Trump en matière d’immigration aux États-Unis. Les libéraux ont déclaré sans ambages que le projet de loi visait à répondre aux « préoccupations » de Trump en matière de sécurité frontalière. Après avoir passé la campagne électorale à se présenter comme le seul parti capable de tenir tête à Trump, l’hypocrisie des libéraux est répugnante.
Toutefois, il ne s’agit pas d’un cas des pauvres petits Canadiens pris à devoir plaire aux États-Unis. Les libéraux reculent en matière d’immigration depuis un certain temps maintenant, par exemple en réduisant le nombre d’étudiants internationaux l’an dernier. En octobre 2024, ils ont annoncé avoir l’objectif de réduire le nombre de résidents temporaires au Canada de près de 900 000. Cette nouvelle loi va certainement les aider à atteindre cette cible.
Derrière leurs attaques se trouvent des motivations économiques.
Pendant la pandémie et ce que l’on a appelé la « grande démission », la classe dirigeante s’est fortement appuyée sur la main-d’œuvre migrante pour éviter de satisfaire les demandes des travailleurs qui réclamaient de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Les migrants ont été poussés vers des secteurs à bas salaires et à haut risque – entrepôts, fermes, restauration rapide, camionnage, soins aux personnes âgées – tandis que les universités compensaient des décennies de sous-financement en escroquant les étudiants internationaux avec des frais de scolarité exorbitants. Les collèges privés et les consultants en immigration en ont également fait leurs choux gras.
En créant une réserve de travailleurs vulnérables, sans protection légale et non syndiqués, les patrons ont pu faire baisser le coût de la main-d’œuvre et continuer à augmenter leurs profits sans investir dans la production.
Aujourd’hui, alors que l’économie canadienne vacille au bord de la récession et que le chômage remonte, les travailleurs migrants sont un bouc émissaire commode pour les problèmes créés par les capitalistes, de la crise du logement à l’effondrement des services sociaux.
Le projet de loi risque également de donner naissance à une population croissante de sans-papiers. Parmi les centaines de milliers de travailleurs à qui l’on dira de plier bagage après avoir dépensé toutes leurs économies pour immigrer ici, ou de retourner dans leur pays d’origine dangereux, combien choisiront de tenter leur chance en restant au Canada illégalement – devenant ainsi plus vulnérables et plus facilement exploitables?
Des deux côtés de la frontière, les attaques contre les migrants sont des attaques contre la classe ouvrière dans son ensemble. En maintenant les travailleurs migrants dans l’insécurité et en les isolant du reste de la classe, les capitalistes tirent les salaires vers le bas, entravent la syndicalisation et sapent la solidarité, provoquant des divisions en fonction du statut d’immigrant et de la nationalité. Ce sont ces intérêts que les gouvernements défendent.
Récemment, Trump a organisé des attaques violentes pour terroriser les travailleurs migrants dans le cadre de son plan de déportations de masse, qui ont provoqué un mouvement de solidarité inspirant pour essayer de tenir tête aux forces de police. Carney n’est pas Trump, mais sa loi sur la « sécurité » à la frontière, en menaçant de retirer aux migrants leurs droits, prépare le terrain au même genre de déportations que celles qui se produisent aux États-Unis.
Il n’y a pas de moindre mal ici. Peu importe si les politiciens bourgeois portent des chapeaux MAGA ou des épinglettes en feuille d’érable, ils ne sont jamais les amis des travailleurs.