Carney prépare les pires coupes de l’histoire moderne

Des coupes pouvant atteindre 15% ne peuvent tout simplement pas être réalisées sans licenciements massifs et sans une forte baisse de la qualité des services publics.
  • Emileigh Simoes
  • mar. 29 juill. 2025
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Image : Bloomberg / Flickr

La fonction publique fédérale est sur le point de subir les pires coupes budgétaires de l’histoire moderne du Canada, et c’est à la classe ouvrière qu’on demande de payer la note.

Le 7 juillet dernier, le ministre des Finances François-Philippe Champagne a envoyé une lettre à ses ministres leur demandant de mener un « examen ambitieux » afin de réduire les dépenses de 15% d’ici l’exercice financier 2028-2029.

Le plan exige que les ministères trouvent des moyens de réduire leurs dépenses de 7,5% pour 2026-2027, puis de 2,5% supplémentaires en 2027-2028 et de 5% en 2028-2029, soit une réduction cumulative de 15% sur trois ans.

Cependant, tous les ministères ne sont pas soumis au même traitement. Le ministère de la Défense nationale, l’Agence des services frontaliers du Canada et la GRC ne sont tenus de réaliser que des économies équivalentes à 2% de leur budget actuel d’ici 2028-2029. Cela signifie que d’autres ministères, ceux qui fournissent des services publics essentiels, supporteront l’essentiel des coupes.

Tandis que Carney tente de présenter ces coupes comme étant nécessaires pour accroître l’efficacité et « moderniser » les opérations gouvernementales, la réalité est que le gouvernement fédéral sabre dans les services sociaux afin de financer des dépenses militaires en forte augmentation et des réductions d’impôts pour les entreprises. Les programmes liés à la protection de l’environnement, à la surveillance réglementaire, au soutien du revenu et aux services aux Autochtones sont particulièrement vulnérables, car ils souffrent depuis des années d’un sous-financement chronique.

Un message clair

Le gouvernement affirme que ces objectifs seront atteints grâce à des départs naturels, à un « rééquilibrage » des effectifs et à un plafonnement de la croissance. Mais des coupes budgétaires d’une telle ampleur ne peuvent tout simplement pas être réalisées sans licenciements massifs et sans une forte baisse de la qualité des services publics.

En fait, un rapport publié en juin par le Centre canadien de politiques alternatives a révélé que même les 13 milliards de dollars de compressions promises par les libéraux pendant la campagne électorale entraîneraient des pertes d’emplois généralisées et perturberaient gravement les services. L’actuelle proposition de réduction budgétaire de 25 milliards de dollars va bien au-delà. Étant donné que les salaires, les avantages sociaux et les retraites représentent une part importante du budget de fonctionnement, on peut affirmer sans risque de se tromper que cela ne peut se faire sans licenciements massifs.

Des ministères tels que Services aux Autochtones Canada, Emploi et Développement social Canada et Affaires mondiales Canada ont déjà averti leur personnel de licenciements imminents dans une note de service datée du 9 juillet. L’une de ces notes indique clairement que les réductions d’effectifs sont « inévitables » compte tenu de l’ampleur des contraintes budgétaires, sans toutefois offrir aucune assurance ni aucune transparence quant à ce à quoi il faut s’attendre.

Même le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, a admis que ces coupes ne seront possibles qu’en infligeant des « souffrances » aux fonctionnaires et à la classe ouvrière en général. L’ampleur des souffrances et leurs victimes sont décidées à huis clos.

Le plan de Carney éclipse le « Plan d’action pour la réduction du déficit » de Stephen Harper de 2012, qui avait entraîné la perte d’environ 26 000 emplois dans la fonction publique. Il rivalise même avec l’austérité de Paul Martin dans les années 1990, qui avait entraîné une réduction de près de 20% des effectifs de la fonction publique.

Ce n’est pas un hasard si cela reflète les demandes formulées par le Conseil canadien des affaires, qui, en 2024, a publiquement appelé à une révision des dépenses publiques à l’instar des mesures d’austérité précédentes, dans le but explicite de permettre un « investissement » accru dans les forces armées. Les libéraux se sont montrés plus que disposés à se plier à leurs exigences.

Dans le même temps, le gouvernement a supprimé les sources de revenus provenant de la classe capitaliste. Dès son arrivée au pouvoir, Carney a annulé l’augmentation prévue de l’impôt sur les gains en capital, qui aurait rapporté près de 20 milliards de dollars sur quatre ans.

Bien que le gouvernement se soit engagé à ne pas toucher à des programmes tels que les soins dentaires, l’éducation de la petite enfance et les services de garde d’enfants, ce n’est qu’une question de temps avant que ceux-ci ne soient également mis à mal. Dans un système motivé par le profit, aucun bien public n’est à l’abri pour toujours. Si l’austérité se poursuit, ces programmes seront les prochains sur la liste des coupes budgétaires.

Tandis que les riches exigent des réductions pour financer les dépenses militaires, c’est la classe ouvrière qui en fait les frais.

Pour une réponse de classe

La réalité est que, malgré les promesses de Carney de « plafonner, et non de réduire, l’emploi dans la fonction publique », cette annonce représente le programme austéritaire le plus drastique de ces dernières années. Qu’il soit libéral ou conservateur, un gouvernement de crise s’appuie sur un seul programme : protéger les profits, quel que soit le coût pour la classe ouvrière.

Cette annonce a déjà suscité la colère des employés du secteur public. Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) ont rapidement publié des communiqués condamnant ces coupes budgétaires, les considérant à juste titre comme une mesure d’austérité déguisée.

Cependant, bien que ces condamnations soient nécessaires, elles ne sont pas suffisantes. Ces déclarations n’offrent aux travailleurs aucun moyen de sortir de la crise. Jusqu’à présent, les dirigeants syndicaux n’ont proposé aucune solution claire pour sortir de l’impasse, suppliant Carney de reconsidérer les mesures d’austérité. Faire appel aux mêmes politiciens capitalistes qui mettent en œuvre ces coupes ne contribuera guère à résoudre la crise à laquelle est confronté le secteur public.

Notre tâche n’est pas de conseiller les capitalistes sur la manière de mettre en œuvre leurs coupes budgétaires de manière plus « équitable », ni de monter les travailleurs les uns contre les autres. L’austérité doit être rejetée dans son ensemble et dénoncée pour ce qu’elle est : une tentative délibérée de faire payer à la classe ouvrière une crise que nous n’avons pas créée.

Il y a suffisamment de richesses au Canada pour fournir les services dont nous avons besoin. La voie à suivre ne réside pas dans des appels à la classe dirigeante, mais dans le pouvoir de la classe ouvrière à s’organiser pour vaincre l’austérité et renverser le système qui la rend nécessaire.