
Le 9 juin, Mark Carney a annoncé que le Canada atteindrait l’objectif de dépenses militaires de l’OTAN de 2% dès cette année, soit sept ans plus tôt que ce à quoi Trudeau s’était initialement engagé. Cela pourrait se traduire par une augmentation de 10 à 20 milliards de dollars par an des dépenses militaires du Canada, et ce pratiquement immédiatement.
Carney n’a pas fait campagne sur un programme de dépenses aussi rapides lors des élections fédérales, promettant seulement d’atteindre l’objectif de 2% d’ici 2030. L’impact de Donald Trump sur le changement de cap de Carney est évident. Trump a demandé à plusieurs reprises que le Canada dépense plus rapidement s’il veut conclure un accord commercial avec les États-Unis. Carney semble avoir rapidement plié sur ce point.
Dans diverses déclarations, les ministres du gouvernement de Carney ont fait part de leur espoir que leur changement de cap sur des questions telles que les dépenses militaires et l’immigration réponde aux « irritants » soulevés par les États-Unis – autrement dit, que cela amadoue Trump. Les États-Unis ont déjà exprimé leur satisfaction à l’égard de l’engagement de Carney, l’ambassadeur américain au Canada ayant déclaré que la Maison-Blanche était « ravie » de l’annonce faite le 9 juin.
Plus d’argent encore
Toutefois, Carney ne prévoit pas de s’arrêter à 2%. Dans son discours, il a indiqué que le Canada allait « investir encore plus rapidement dans les années à venir ». Lors du sommet de l’OTAN, le 25 juin aux Pays-Bas, les pays membres ont convenu de porter cet objectif à 5% du PIB au cours de la prochaine décennie – un objectif sur lequel Trump a également insisté à plusieurs reprises. Si cet objectif était atteint, les dépenses militaires du Canada atteindraient 150 milliards de dollars par an, selon Carney, alors qu’elles étaient d’environ 30 milliards de dollars en 2024.
La participation du Canada au programme de défense antimissile « Dôme doré » proposé par les États-Unis est l’un des moyens d’atteindre ce niveau de dépenses. Trump a récemment évalué le coût de l’adhésion du Canada à 71 milliards de dollars américains, alors que ce montant s’élevait à 61 milliards de dollars il y a quelques semaines.
Carney a déjà déclaré que la défense antimissile est un domaine « où il peut être judicieux » de s’associer avec les États-Unis, en référence au Dôme doré. Un reportage de la CBC a laissé entendre qu’il existerait un « document de travail » qui circule entre les équipes de négociation américaine et canadienne, dans lequel l’entrée du Canada dans le programme de défense antimissile aurait été proposée par le côté canadien. Cela représenterait un changement important dans l’approche du Canada depuis au moins 2005, lorsque le premier ministre libéral Paul Martin a rejeté les appels de George W. Bush à participer à son programme de défense antimissile.
Qui en bénéficie?
Carney a déclaré qu’il était nécessaire d’augmenter les dépenses militaires pour défendre le Canada contre un « nouvel impérialisme » qui apparaît dans le monde. La ministre de l’Industrie, Mélanie Joly, a récemment déclaré devant une assemblée de constructeurs automobiles canadiens que « nous sommes dans un cabinet de guerre en ce moment », tout en les encourageant à envisager de réorienter leur production de voitures vers des équipements militaires.
Toutefois, le Canada n’est pas en pleine guerre, et ne sera pas attaqué de sitôt. En vérité, ces mesures ne sont pas conçues pour protéger les Canadiens ordinaires, mais pour servir les intérêts de la classe dirigeante au pays et à l’étranger.
Malgré les appels à « lever les coudes », ce sont les fabricants d’armes américains qui seront les principaux bénéficiaires du nouvel élan militaire de Carney. Le contrat de vente au Canada de 88 avions de chasse F-35 fabriqués aux États-Unis est toujours en vigueur, malgré la promesse de revoir le contrat et d’acheter au moins une partie des avions ailleurs. Le Canada a également commandé aux États-Unis un lot de missiles HIMARS, les mêmes que ceux utilisés par le régime en Ukraine. Il n’est donc pas étonnant que les États-Unis soient si « ravis » de la promesse de Carney.
L’augmentation des dépenses militaires pourrait également contribuer à soutenir les intérêts impérialistes du Canada à l’étranger. Ces dernières années, les projets miniers canadiens à l’étranger ont fait l’objet d’une vive opposition de la part des communautés locales et des gouvernements des pays dans lesquels ils se situent. Parmi les exemples notables, on trouve la mine de cuivre Cobre au Panama et la mine de Barrick Gold au Mali, cette dernière ayant été menacée d’expropriation par le gouvernement malien à plusieurs reprises. Le fait de disposer de plus de troupes pourrait forcer les adversaires des entreprises canadiennes à bien réfléchir.
Qui va payer?
Bien que l’establishment militaire américain et canadien ait tout à gagner du plan de Carney, ce n’est pas le cas des travailleurs. En réalité, c’est nous qui en ferons les frais.
La plupart des analystes sérieux supposent que l’augmentation des dépenses militaires à l’échelle proposée par Carney entraînera des coupes importantes dans d’autres secteurs, notamment dans les transferts fédéraux en santé et les indemnités de garde d’enfants. Avant même cette annonce, le directeur parlementaire du budget a déclaré que les promesses de Carney d’augmenter les dépenses militaires nécessiteraient des « coupes importantes » dans les services publics. C’est ce que Carney veut dire lorsqu’il affirme que les Canadiens sont prêts à « se sacrifier » pour la défense du Canada.
Une majorité de la population appuie pour l’instant l’augmentation du financement de l’armée canadienne. Toutefois, cette tendance peut rapidement s’inverser à mesure que les travailleurs prendront conscience de l’objectif et du coût réels de ce financement. La question « qui va payer? » a récemment été le moteur de mouvements sociaux explosifs, du Sri Lanka à la France.
La classe ouvrière canadienne peine déjà à payer les factures. Aujourd’hui, on attend d’elle qu’elle paie les coûts d’un militarisme qui ne profite qu’à la classe dirigeante. L’ensemble du mouvement ouvrier doit s’opposer à cette augmentation des dépenses militaires et exiger :
Des livres, pas des bombes!
De l’argent pour la santé, pas pour l’armée!