Alors que j’attendais dans une clinique sans rendez-vous, j’ai entendu une conversation au cours de laquelle un vieil homme questionnait un jeune travailleur à propos de son pied ensanglanté. Le travailleur blessé a expliqué qu’il avait fait tomber une pile de parpaings sur son pied à son chantier, parce que ses articulations avaient gelé à cause du froid et qu’il ne disposait pas d’un équipement adapté aux conditions météorologiques. Il a expliqué que ces accidents « faisaient partie du travail » et l’autre homme a répondu qu’il comprenait, car il avait travaillé dans le bâtiment toute sa vie avant de prendre sa retraite.
Le jeune homme lui a répondu : « La retraite est-elle bien payée? Le jeu en valait-il la chandelle? » Ils ont partagé un rire amer. « Tu travailles et tu brises ton corps pendant 50 ans et quelque, et c’est comme si tu ne recevais presque rien. À qui va tout l’argent? Justin Trudeau? Danielle Smith? » Lorsqu’on lui a demandé pour qui il voterait lors des élections, le jeune travailleur a haussé les épaules et a demandé si cela avait de l’importance. La salle d’attente a commencé à se vider et, avant que le travailleur blessé ne soit appelé, il s’est tourné vers moi.
« Pensiez-vous que vous grandiriez pour n’être qu’un numéro sur une page? »
Je n’ai pas eu l’occasion de lui parler, car il est parti juste après, mais je me souviens de la lueur dans ses yeux lorsqu’il m’a dit cela, presque comme une petite flamme qui refusait d’être étouffée. Il n’est pas le seul dans ce cas : avec les turbulences qui agitent la société canadienne, une colère de classe grandit dans l’ensemble du prolétariat.