
Au cours de la dernière décennie, les sentiments anti-immigration ont pris de l’ampleur partout dans le monde occidental. Des politiciens comme Donald Trump, Nigel Farage et Marine Le Pen ont gagné en popularité en faisant des immigrants des boucs émissaires. Pour plusieurs, le règne de Trudeau démontrait que le Canada résistait à cette tendance. Cependant, au cours des dernières années, les opinions des Canadiens ont radicalement changé face à l’immigration.
Dans un récent sondage de Nanos, 71% des répondants sont d’accord avec une réduction du nombre d’immigrants au Canada, contre 26% qui s’y opposent. Dans un sondage similaire effectué par Nanos en 2023, seulement 51% disaient appuyer une réduction de l’immigration – ce chiffre représentant déjà une augmentation par rapport aux niveaux d’appui historiques.
Beaucoup de gens à « gauche » dépriment face à ce revirement dans l’opinion publique. De leur point de vue, le « vieux Canada » qui embrassait l’immigration et le multiculturalisme est en train d’être remplacé par un Canada méchant, nativiste et raciste – pour des raisons qu’ils ne peuvent pas vraiment expliquer.
Alors, quelles sont les véritables raisons derrière ce changement d’attitude envers l’immigration? Et comment les marxistes devraient-ils aborder ceux qui expriment des préoccupations sur cette question?
L’immigration a-t-elle augmenté?
Afin de répondre à ces questions, nous devons commencer par les faits et les chiffres. Premièrement, l’immigration a-t-elle tant augmenté au Canada?
En 2015, la population « temporaire » du Canada (qui comprend des catégories comme les travailleurs étrangers temporaires, les étudiants internationaux et les demandeurs d’asile) représentait environ 2% de la population totale. Ce chiffre est maintenant de plus de 7%, soit environ trois millions de personnes, bien que Carney se soit engagé à le réduire à 5% dans les prochaines années.
La part du lion de cette population (plus de 80%) est composée de ceux qui détiennent des visas de travail ou d’études, deux catégories qui ont explosé à partir de 2021. Ainsi, le nombre de travailleurs temporaires dans la population active est passé de 1,7% du total il y a dix ans à 4,5% aujourd’hui.
Le nombre de demandeurs d’asile et de réfugiés est faible en comparaison, représentant environ 1% de la population canadienne, soit environ 500 000 personnes.
Cependant, ce chiffre a augmenté de façon constante au cours des 10 dernières années. Seize mille personnes ont demandé l’asile au Canada en 2015, 64 000 en 2019, 143 000 en 2023 et 170 000 en 2024. Ceux qui demandent l’asile attendent généralement au Canada pendant que leur demande est traitée – un processus qui peut souvent prendre des mois, voire plus.
Une « politique de frontières ouvertes »?
Ces chiffres ont amené certaines personnes à affirmer que le Canada avait une « politique de frontières ouvertes » durant le mandat de Trudeau. Mais c’est loin d’être le cas.
Malgré le génocide en cours à Gaza, le gouvernement Trudeau a initialement fixé une limite de seulement 1000 candidats à un programme de réinstallation temporaire pour les Palestiniens cherchant à fuir les bombes israéliennes. Devant le tollé suscité par un chiffre aussi bas, la limite a été augmentée à 5000 – un objectif qui a été rapidement atteint, entraînant l’arrêt rapide du programme.
Le petit nombre de Palestiniens accueillis par Trudeau est d’autant plus scandaleux que son gouvernement a été complice des crimes d’Israël durant son mandat – crimes qui sont justement ce que les Palestiniens cherchent à fuir.
Les réfugiés soudanais ont reçu un traitement similaire. La guerre civile qui frappe le Soudan a créé la plus grande crise migratoire dans le monde aujourd’hui, avec environ 13 millions de personnes forcées de fuir leurs foyers. Malgré cela, le gouvernement Trudeau a fixé un plafond de seulement 4000 réfugiés soudanais d’ici la fin de 2026 – un objectif qui a été critiqué comme étant trop faible par les Canadiens d’origine soudanaise espérant revoir leurs proches.
Cependant, tous les réfugiés ne sont pas égaux. Le Canada a accueilli plus de 300 000 Ukrainiens via un programme spécial depuis le début de l’invasion russe en 2022. En ce qui concerne les autres demandeurs d’asile, un simple coup d’œil sur le bilan des demandes acceptées au Canada montre que certaines nationalités sont favorisées par rapport à d’autres.
De 2018 à mi-2024, les Iraniens formaient le plus grand bloc de réfugiés approuvés au Canada, suivis de ceux de Turquie – chacun ayant un taux d’approbation d’environ 95%. Ceux venant de pays plus pauvres ont tendance à faire face à un taux d’approbation beaucoup plus faible. Durant la même période, les demandeurs d’asile de pays comme l’Inde, le Nigeria et Haïti n’ont été approuvés qu’environ 50% du temps.
Ce choix de qui est accepté n’est pas accidentel. La Russie, l’Iran et la Turquie sont tous des rivaux stratégiques majeurs du Canada, tandis qu’Israël ne l’est pas. Du point de vue du gouvernement, ceux qui fuient ces pays sont considérés plus fiables pour soutenir ses politiques à l’étranger. Pour décider qui obtient le statut de réfugié, la géopolitique, et non les considérations des droits de la personne, joue le plus grand rôle.
Pourquoi l’immigration a-t-elle augmenté?
L’idée que le Canada aurait eu des « frontières ouvertes » au cours des 10 dernières années est sans fondement. Cela dit, le nombre d’immigrants au Canada a effectivement connu une forte augmentation, particulièrement les détenteurs de visas de travail ou d’études. Pourquoi?
Dans un article précédent, nous expliquions que la principale impulsion pour ce type d’immigration venait des employeurs et des universités cherchant à réduire les salaires et à gonfler leurs revenus. Cependant, il convient d’ajouter que ce processus n’a pas commencé avec Trudeau, même si ce dernier l’a considérablement accéléré.
La première version de ce qui allait devenir le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) a été introduite au Canada en 1966. À l’époque, son utilisation était limitée aux employeurs du secteur agricole. En 2002, sous Jean Chrétien, le programme a été élargi pour la première fois à un certain nombre d’autres emplois à faible salaire. En 2006, l’élection de Stephen Harper, un conservateur, a entraîné un assouplissement encore plus important du PTET. Le tollé provoqué par ces nouvelles modifications au programme a été tel que Harper a été forcé de reculer sur certaines d’entre elles.
Le principal objectif du PTET était (et reste) de donner aux entreprises canadiennes accès à un large bassin de main-d’œuvre bon marché aux droits limités, ce qui se traduit par une masse salariale réduite et des profits accrus. Le programme a été élargi à répétition dès les années 2000 alors que l’économie canadienne commençait à perdre de son dynamisme et que la pression pour maintenir les marges de profit augmentait.
Il est important de noter que cette période a également coïncidé avec une chute dramatique de la productivité au Canada. Cela s’explique en partie par le fait que la dépendance des entreprises à une main-d’œuvre bon marché les a dissuadées d’accroître leurs profits par d’autres moyens, notamment en investissant dans de nouvelles technologies et dans la machinerie.
En réponse aux demandes des patrons, les gouvernements libéraux et conservateurs ont tous deux contribué à faciliter ce processus qui est en réalité un stratagème pour réduire les salaires.
Qui a créé les réfugiés?
Le gouvernement canadien et le patronat ont aussi créé des milliers de réfugiés en raison de leur quête de profits ici et à l’étranger.
Depuis le début de l’année 2025, les trois nationalités les plus représentées parmi les demandeurs d’asile au Canada sont les Indiens, les Mexicains et les Haïtiens. Dans les trois cas, les actions du gouvernement canadien ont contribué directement à pousser les gens de ces pays à chercher refuge.
Au cours des dernières années, les immigrants indiens formaient le plus grand groupe de détenteurs de visas de travail et d’études au Canada. Le gouvernement canadien a encouragé ce type d’immigration en assouplissant les restrictions sur les heures de travail pour les étudiants internationaux – une fois encore, au profit des employeurs à la recherche de main-d’œuvre bon marché et des universités en quête de revenus – et en offrant à la plupart des diplômés un permis de travail une fois leurs études terminées. Ceux qui ont immigré ont planifié leur vie en conséquence, s’étant fait promettre qu’ils pourraient rester.
Cependant, après une vague de protestations contre les niveaux élevés d’immigration temporaire, le gouvernement canadien a soudainement rompu ses promesses antérieures, laissant des centaines de milliers d’immigrants, Indiens et autres, dans l’incertitude. N’ayant pas d’autre option, certains ont demandé l’asile pour pouvoir rester au Canada. Cette situation ne représente cependant qu’une minorité des demandeurs d’asile qui se trouvent ici. Beaucoup de ces demandes sont maintenant rejetées et des déportations devraient suivre.
Le gouvernement canadien a également joué un rôle dans la déstabilisation du Mexique et d’Haïti, contribuant à pousser des millions de personnes à quitter ces pays et à chercher à s’installer dans des endroits comme le Canada.
La signature de l’ALENA en 1992 – un accord qui a surtout profité aux entreprises américaines et canadiennes – a entraîné la destruction du secteur agricole mexicain, laissant des millions de petits agriculteurs sans travail au cours des décennies qui ont suivi. Ceci, combiné à l’effondrement général de la société mexicaine après l’ALENA, a conduit à une augmentation dramatique et soutenue du nombre de Mexicains fuyant vers le nord, ne trouvant pas d’autre moyen de gagner leur vie que de déménager aux États-Unis et au Canada.
En Haïti, le Canada a été complice du coup d’État contre le premier gouvernement élu du pays. Réélu en 2000, le président de gauche Jean-Bertrand Aristide a fini par être considéré comme une menace pour les intérêts des entreprises américaines et canadiennes. En 2004, il a été évincé du pouvoir par une opération américaine à laquelle le Canada a participé. Depuis, Haïti a sombré dans le chaos et la barbarie – en partie à cause du coup d’État de 2004 et de la déstabilisation qu’il a provoquée.
Les politiciens canadiens sont devenus des experts dans l’art de blâmer les réfugiés pour nombre de problèmes au pays. Cependant, ils refusent d’avouer que ce sont les politiques qu’ils ont eux-mêmes soutenues qui ont contribué à créer ces réfugiés – dont certaines politiques continuent à ce jour.
L’immigration fait-elle baisser les salaires?
Alors que la « gauche » a tendance à expliquer la baisse de soutien à l’immigration au Canada par une montée des sentiments racistes, la réalité n’est pas si simple. Les sondages montrent que les principales raisons de soutenir une réduction de l’immigration relèvent surtout de préoccupations économiques, et non culturelles.
Dans un récent rapport de l’Environics Institute, il est révélé que seulement 13% des Canadiens qui se méfient de l’immigration le font parce qu’elle représenterait une « menace pour la culture canadienne/québécoise ». La plupart des répondants ont plutôt cité comme raison des problèmes comme le manque d’emplois, la pression sur les prix du logement et le poids sur les finances publiques.
Ces inquiétudes découlent de problèmes réels auxquels sont confrontés les travailleurs alors que la crise du système s’aggrave. Il serait donc sérieusement erroné de balayer ces préoccupations du revers de la main comme le simple fruit de préjugés. Agir ainsi ne ferait qu’aliéner les gens qui ont ces préoccupations sans leur présenter de meilleure solution. Ce sont des préoccupations compréhensibles qui doivent être prises au sérieux et auxquelles il faut répondre.
Premièrement, est-ce que les travailleurs immigrants temporaires sont utilisés pour faire baisser les salaires? Oui, ils le sont.
Des lobbys d’affaires comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) rejettent cette affirmation, disant qu’il n’y a « aucun » cas de travailleurs temporaires payés moins que des travailleurs canadiens au même poste. Cependant, ce n’est pas là qu’est le problème. La question n’est pas qu’un travailleur individuel soit payé moins qu’un autre pour effectuer le même travail. C’est plutôt que les travailleurs migrants sont dans une position précaire dans le système d’immigration canadien actuel, ce qui crée un vaste bassin de main-d’œuvre bon marché. Cela affaiblit le pouvoir de négociation des autres travailleurs, permettant ainsi aux employeurs de trouver plus facilement des travailleurs sans avoir à augmenter les salaires.
De plus, de nombreux travailleurs embauchés via le PTET sont légalement liés à un seul employeur. Ceci, combiné à la menace constante de la déportation, donne un pouvoir de négociation encore plus grand au patron, qui n’a alors pas à s’inquiéter que de bas salaires ou de mauvaises conditions entraînent du roulement de personnel dans son entreprise.
Les données démontrent l’effet de cette situation. Un rapport récent de la Banque du Canada a révélé que le travailleur migrant non permanent moyen est maintenant payé 22,6% de moins qu’un travailleur né au Canada. En 2014, l’écart n’était que de 9,5%.
Il ne s’agit pas là d’un problème lié à l’immigration en tant que telle, mais à un système d’immigration conçu pour restreindre les droits de certains travailleurs et servir les patrons. Plus généralement, c’est un échec du capitalisme à fournir un emploi bien rémunéré à tous, même si les ressources existent pour le faire.
Qu’en est-il de la crise du logement?
Le même principe s’applique au logement. Dans un marché immobilier tendu, une augmentation dramatique de la population aura inévitablement pour effet de faire augmenter les loyers et les prix de l’immobilier, du moins dans une certaine mesure. Cela semble effectivement s’être produit dans certaines régions après l’augmentation de l’immigration à partir de 2021, comme dans les complexes résidentiels pour étudiants.
Cependant, les loyers et les prix de l’immobilier au Canada augmentaient bien avant la hausse de l’immigration, ce qui signifie que son effet n’a été que secondaire. La cause principale de la crise du logement n’a pas été l’immigration, mais l’incapacité combinée du gouvernement, des promoteurs et des entreprises de construction à construire suffisamment de logements au cours des années précédentes.
Les données le confirment. Dans un rapport récent, l’Institut Fraser a examiné la relation entre la croissance démographique et les mises en chantier au Canada de 1972 à 2024. Il a constaté que si la croissance démographique a augmenté régulièrement pendant cette période, le nombre moyen annuel de mises en chantier a chuté sous le niveau absolu atteint en 1972-1976, ne l’atteignant à nouveau qu’après 2022.

Comparons différentes périodes pour illustrer ce point. Entre 1972 et 1976, la population canadienne a augmenté d’environ 300 000 personnes par an, tandis que les mises en chantier étaient d’environ 250 000. De 1997 à 2001, la population n’a augmenté que d’environ 284 000 par an, soit moins que pendant la période précédente. Pourtant, les mises en chantier ont chuté de façon spectaculaire pour atteindre seulement 150 000 par an. Ce ratio est resté plus ou moins constant jusqu’en 2022.
Il est important de noter que la période 1997-2001 est également celle où le gouvernement fédéral a cessé de construire des logements sociaux, un facteur qui a probablement contribué à la pénurie de nouveaux logements à l’époque et qui continue d’alimenter la crise du logement aujourd’hui.
Nous pourrions aussi remonter plus loin pour étayer notre argument. Dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, les niveaux d’immigration étaient en fait plus élevés qu’aujourd’hui. Pourtant, la plupart des gens pouvaient généralement trouver un emploi bien rémunéré, avoir une pension de retraite et même acheter une maison – malgré le fait que les immigrants de l’époque étaient généralement moins éduqués qu’aujourd’hui.
Qu’est-ce qui a changé? Le problème aujourd’hui n’est pas le volume ou la qualité de l’immigration, mais l’incapacité des capitalistes canadiens et des différents paliers de gouvernement à construire des logements abordables comme ils le faisaient dans le passé. La crise qui afflige le Canada n’est pas une crise de l’immigration, mais une crise du capitalisme.
Et les réfugiés?
Cela nous amène aux réfugiés. Est-ce que le grand nombre de demandeurs d’asile impose un fardeau excessif au système? Examinons les faits.
Premièrement, en raison du programme de parrainage privé pour les réfugiés au Canada, bon nombre de ceux qui s’installent ici reçoivent très peu de soutien gouvernemental. Dans ces cas, le « parrain privé » (qui peut être un individu, un groupe ou un organisme) assume les frais pour la première année. En 2024, le Canada a accueilli environ 50 000 réfugiés, dont environ 30 000 étaient parrainés de manière privée.
Deuxièmement, beaucoup des demandeurs d’asile, voire la plupart d’entre eux, travaillent et subviennent à leurs besoins, comme les autres travailleurs canadiens. La raison pour laquelle certains ne le font pas est due au moins en partie au fait que le gouvernement ne leur permet pas de travailler immédiatement.
On estime que le demandeur d’asile moyen attend 45 jours pour recevoir un permis de travail au Canada, bien que de nombreuses personnes rapportent des attentes allant jusqu’à deux ou trois mois. Cela a même amené des personnalités comme Doug Ford à blâmer Ottawa pour le chômage de nombreux demandeurs d’asile, déclarant que ce n’était « pas de leur faute ».
Mais quel est le coût de ceux qui reçoivent effectivement un soutien gouvernemental? Beaucoup de lecteurs ont probablement vu une publication virale prétendant que les demandeurs d’asile au Canada reçoivent nettement plus que le retraité canadien moyen. Si cela était vrai, nous pourrions certainement comprendre pourquoi des gens trouveraient cela injuste. Cependant, cette affirmation, comme beaucoup d’autres, est grandement exagérée.
Quels sont les faits? L’aide financière aux réfugiés et aux demandeurs d’asile est généralement calquée sur les taux d’aide sociale que reçoivent les autres Canadiens. En Ontario, cela s’élève à un maximum de 733 dollars par mois pour une personne. À titre de comparaison, un emploi au salaire minimum en Ontario à 40 heures par semaine rapporterait environ 3000 dollars, soit plus de quatre fois ce qu’un réfugié recevrait.
De plus, les réfugiés ou demandeurs d’asile peuvent recevoir un fonds de démarrage unique d’environ 3000 dollars par personne, somme souvent utilisée pour rembourser les frais de voyage. En raison de la pénurie de logements abordables, certains demandeurs d’asile ont été hébergés dans des hôtels aux frais du gouvernement pendant qu’ils cherchaient un logement. Cependant, ces chiffres sont en baisse et le gouvernement fédéral a récemment annoncé qu’il suspendrait ce programme.
Il est difficile d’estimer le montant total dépensé pour soutenir les réfugiés et les demandeurs d’asile en raison de l’insuffisance des données. Cependant, des estimations approximatives basées sur celles qui sont disponibles publiquement suggèrent un total se situant entre deux et cinq milliards de dollars par année. Ce chiffre correspond grosso modo à ce que d’autres pays dépensent pour leurs programmes pour réfugiés.
Deux à cinq milliards de dollars, ce n’est pas du petit change. Il est tout à fait compréhensible que certaines personnes soient dérangées par le fait que des gens soient hébergés dans des hôtels alors qu’elles ont du mal à payer leur loyer. Cependant, il faut remettre les choses en perspective.
Au cours des quelques dernières années, les gouvernements fédéral et provinciaux ont distribué plus de 50 milliards de dollars en subventions et autres avantages aux fabricants d’automobiles et de batteries, malgré le fait que beaucoup d’entre eux soient déjà revenus sur leurs promesses d’utiliser cet argent pour augmenter la production et créer des emplois. On estime que le Canada perd 15 milliards de dollars de recettes fiscales par année en raison des entreprises qui cachent leur argent dans des paradis fiscaux. Ce ne sont là que quelques exemples.
Les vrais « BS » qui vivent aux frais de la société sont les entreprises canadiennes, et non les réfugiés et les demandeurs d’asile. De plus, ces parasites et leurs laquais au parlement ont tout intérêt à faire des réfugiés des boucs émissaires pour détourner le blâme d’eux-mêmes.
Pourquoi les gens blâment-ils les immigrants?
Mais si ce qui précède est vrai, pourquoi les gens continuent-ils de blâmer l’immigration pour les problèmes du pays? Et pourquoi maintenant?
Premièrement, le changement d’attitude envers l’immigration n’est pas unique au Canada. Dans presque tous les pays capitalistes avancés, l’opinion publique s’est récemment retournée contre l’immigration, tandis que les partis politiques qui s’y opposent gagnent en popularité. Ce processus a commencé à prendre racine ici aussi, bien qu’il présente ses caractéristiques propres.
Il faut ajouter qu’au Québec, ce processus revêt des caractéristiques encore plus particulières, en raison de la présence de la question nationale et des débats sur l’usage de la langue française. Cet aspect de la question sera exploré dans d’autres articles.
Comment en sommes-nous arrivés ici? Au cours des dernières décennies, et particulièrement depuis 2008, les salaires des travailleurs canadiens n’ont que peu augmenté, voire stagné. Le chômage dépasse les 7%, avec un taux qui avoisine les 15% chez les jeunes. Le coût des loyers et de l’achat d’une maison a explosé.
Par ailleurs, le nombre de personnes qui croient que le pays va dans la bonne direction a atteint un creux sans précédent. La confiance envers des institutions comme le parlement et les banques s’est effondrée. On peut observer la même chose dans presque tous les pays.
Les gens sont en colère. Cependant, cette colère n’est pas entièrement dirigée contre l’immigration. Les résultats du Baromètre de confiance Edelman 2025 montrent que 61% des Canadiens croient que « l’égoïsme des riches cause plusieurs de nos problèmes ». Soixante-treize pour cent étaient d’accord pour dire que « les riches ne paient pas leur juste part d’impôts ». Cela nous donne une idée de l’humeur réelle.
Dans ce contexte, un parti politique important qui aurait présenté des solutions de classe combatives aurait pu gagner en popularité et contribuer à canaliser la colère dirigée actuellement contre l’immigration. Mais un tel parti n’existe pas. Le NPD aurait pu jouer ce rôle. Cependant, il a plutôt choisi de s’allier au gouvernement détesté de Trudeau, tout en adoptant un programme indifférenciable de celui des libéraux. Les gens n’ont donc pas vu le NPD comme une option sérieuse pour changer les choses.
La colère devait tout de même s’exprimer quelque part. Comme le NPD a manqué le bateau, les conservateurs et les médias ont pu rejeter le blâme sur le système d’immigration. Les libéraux leur ont rapidement emboîté le pas. Bien sûr, les deux partis ne mentionnent jamais qu’ils sont précisément ceux qui ont conçu ce système au cours des dernières décennies pour servir leurs amis du grand patronat. Mais peu importe : il fallait blâmer quelqu’un.
Pourquoi Poilievre est-il populaire?
La « gauche » est complètement confuse devant la montée en popularité de Poilievre. Mais elle n’est pas bien difficile à comprendre. Durant la campagne électorale, Poilievre n’a pas seulement dénoncé un système d’immigration « hors de contrôle » (ce que les libéraux faisaient aussi, d’ailleurs), il s’en est aussi pris aux riches et puissants (« des bottes, pas des cravates ») et aux disparités de richesse au Canada (« the have-nots and the have-yachts », soit « ceux qui ont des pinottes contre ceux qui ont des yachts »). Cela a trouvé un écho chez des millions de personnes, y compris une portion significative de la jeunesse.
Bien sûr, Poilievre et les conservateurs ne sont pas les amis des travailleurs canadiens – cela devrait aller de soi. Les politiciens diront tout ce qu’il faut pour être élus. Cependant, il ne fait aucun doute que, d’une manière déformée, Poilievre surfe sur la colère d’une large couche de travailleurs et de jeunes au Canada. Cela ne devrait pas être si difficile à comprendre.
Il faut aussi prendre en compte comment Poilievre critique l’immigration, afin de mieux comprendre pourquoi ses idées résonnent chez tant de gens, y compris de nombreux immigrants.
Les comparaisons hâtives entre Poilievre et des personnages comme Donald Trump et Nigel Farage ne sont pas utiles, et ne réussiraient pas à convaincre quiconque aurait des illusions en lui ou est doté d’une compréhension élémentaire des faits. Certes, il existe certaines similarités entre ces personnages. Mais il y a aussi des différences importantes.
Prenons un exemple. Poilievre a récemment appelé à la fin du PTET pour toutes les industries à l’exception de l’agriculture. Cela signifierait ramener le programme à sa forme originale de 1966.
Comment justifie-t-il sa position? Il le fait en argumentant que le PTET a été utilisé par les employeurs pour faire baisser les salaires, et que cela doit cesser. A-t-il tort ou raison de dire cela? Il a raison.
En défendant sa position, il a déclaré à propos des travailleurs migrants :
« Ils veulent simplement avoir une meilleure vie, et, dans beaucoup de cas, ils sont les victimes d’un système qui profite d’eux et les exploite en même temps qu’il déstabilise notre marché immobilier, notre marché du travail et nos services sociaux. »
Que Poilievre soit sincère ou non n’est pas la question. Nous avons des raisons de douter de ses intentions, comme pour tout politicien capitaliste. Sa déclaration n’est importante que pour une raison : elle révèle ce qu’il croit devoir dire pour obtenir le soutien de la classe ouvrière compte tenu de son humeur actuelle.
Et quelle est cette humeur? Les travailleurs sont préoccupés par les impacts économiques de l’immigration, mais ils ne sont pas prêts à adhérer à des clichés racistes ou à blâmer les immigrants eux-mêmes pour ces problèmes.
Comparons cela à la position de Carney. Le gouvernement Carney a déjà mené des attaques significatives contre les migrants, à la grande déception des gens « de gauche » qui le présentaient comme le « moindre mal ». Cependant, il a obstinément défendu le PTET devant les critiques de Poilievre.
Pourquoi? Pas par grandeur d’âme. Dans un discours récent, Carney a attaqué Poilievre en disant que l’accès aux travailleurs étrangers temporaires était l’enjeu le plus important après les tarifs douaniers pour les entreprises qu’il a consultées à travers le pays – et qu’il ne fallait donc pas y toucher. La FCEI, mentionnée plus haut, s’est jointe à Carney en se portant à la défense du PTET. Elle a scandaleusement affirmé que les affirmations de Poilievre sur la main-d’œuvre bon marché étaient simplement un mensonge.
Et voilà. Est-il étonnant que certains travailleurs perçoivent l’immigration comme un stratagème concocté par les élites pour détruire leurs conditions de vie? Est-il surprenant que les gens demandent moins d’immigration quand c’est ainsi qu’elle est défendue?
Le fait que Poilievre continue de jouir d’un large soutien dans les sondages ne devrait surprendre personne, bien que cela continue d’en surprendre certains.
Le Canada devient-il plus raciste?
La majeure partie de la « gauche » a été complètement désorientée par le virage brutal de l’opinion publique contre l’immigration. Particulièrement déroutante à ses yeux est la popularité persistante de Poilievre, dont certains parlent comme si l’on assistait à la montée d’Hitler et de Mussolini. Bien sûr, ce qui est vraiment déroutant, ce n’est pas la façon de penser du travailleur moyen, mais celle d’une grande partie de la « gauche » – si tant est qu’elle pense.
À ses yeux, le Canada a succombé soudainement et brutalement au terrible virus du racisme, dont l’origine n’est jamais bien expliquée. Bien sûr, il est indéniable qu’une partie de la population a des préjugés – et les raisons profondes derrière ces opinions doivent également être examinées. Cependant, expliquer la baisse du soutien à l’immigration en général par une montée des préjugés présente de sérieux problèmes.
Premièrement, au Canada, la majorité des gens soutenait en fait des niveaux d’immigration élevés jusqu’à ces dernières années. En 2018, un sondage Pew a révélé que 68% des Canadiens estimaient que les immigrants « rendent notre pays plus fort ». Seulement 27% estimaient que les immigrants « sont un fardeau ». Les gens sont-ils soudainement devenus plus racistes?
Deuxièmement, si le problème est uniquement le racisme, comment se fait-il que tant d’immigrants eux-mêmes soutiennent une réduction de l’immigration? Dans le sondage Environics mentionné précédemment, les immigrants de chaque génération affichaient des niveaux d’opposition à l’immigration presque identiques à ceux des personnes nées au Canada. Les personnes s’identifiant comme « racisées » étaient en fait légèrement plus opposées à l’immigration que celles s’identifiant comme « blanches ».
Cela se voit aussi sur le plan du soutien électoral. Un sondage Nanos d’avril a montré que 42,7% des nouveaux immigrants prévoyaient de voter conservateur, quelques points de plus que la population générale – et ce malgré les discours de Poilievre contre l’immigration. Lors de l’élection elle-même, les conservateurs sont arrivés en tête chez les immigrants dans des régions comme la banlieue de Toronto.
Troisièmement, bien que les sondages montrent que la plupart des Canadiens soutiennent une réduction de l’immigration, leurs opinions sur les immigrants eux-mêmes sont bien plus complexes. Dans un récent sondage Angus Reid, 58% des Canadiens étaient d’accord avec l’affirmation selon laquelle « les travailleurs étrangers temporaires sont blâmés pour des problèmes économiques qu’ils ne causent pas » – y compris 39% des électeurs conservateurs.
Dans un sondage Nanos de 2023, 69% des Canadiens disaient être en faveur de permettre aux travailleurs étrangers temporaires d’obtenir la résidence permanente ou la citoyenneté, tandis que 59% soutenaient le droit pour les travailleurs migrants de changer d’employeur. Dans le sondage Environics, une forte majorité convenait que les jeunes « ont de la chance de grandir entourés d’amis de toutes races et religions » (88% d’accord) et que « le multiculturalisme a contribué positivement à l’identité canadienne » (78% d’accord).
Ce ne sont pas là les attitudes de personnes imprégnées de haine raciste – bien au contraire.
L’échec de la gauche
L’une des raisons de ce changement de sentiment est l’échec de la « gauche » à fournir une explication claire de la crise et de ses effets sur les travailleurs. Très souvent, la gauche marche main dans la main avec l’establishment libéral. Nous l’avons vu avec le NPD, qui a soutenu le gouvernement Trudeau pendant plus de deux ans, ou avec Bernie Sanders, qui a fait campagne pour Joe Biden.
Résultat, alors que les travailleurs cherchaient une solution de rechange, les seules personnes qui semblaient offrir une explication étaient des démagogues de droite qui blâment l’immigration pour les difficultés économiques que nous ressentons tous.
En réponse, beaucoup de gens à gauche ont défendu l’immigration en des termes purement moraux, comme si s’y opposer était simplement une question de « haine ». Les anxiétés économiques bien réelles des travailleurs sont souvent mises de côté, au profit de sermons sur les vertus morales du soutien aux immigrants. Cette approche ne convainc personne et n’aide personne, et surtout pas les immigrants.

gouvernement Carney, qui s’attaque aux immigrants. André Querry/Flickr
Les résultats de cette approche sont clairement visibles en Grande-Bretagne, où le mouvement antiraciste a été dirigé par Stand Up To Racism, une organisation affiliée au Socialist Workers’ Party, depuis plusieurs décennies. Son approche a été de faire la morale : c’est mal d’être raciste et islamophobe; les réfugiés sont les bienvenus; et les migrants sont de bonnes personnes.
Cette approche ne fait rien pour répondre aux véritables préoccupations des travailleurs concernant le manque de logements, d’emplois et de services. Le résultat a été que Tommy Robinson, un militant d’extrême droite bien connu au Royaume-Uni, a réussi à rassembler plus de 100 000 personnes dans les rues de Londres contre l’immigration en utilisant une rhétorique démagogique anti-establishment.
Bien que la situation soit loin d’être comparable au Canada, la gauche d’ici utilise des arguments similaires.
Pour ne citer qu’un exemple, lors d’une récente manifestation anti-immigration à Toronto, les contre-manifestants s’étaient réunis sous le slogan « Non à la haine, oui aux immigrants ». En quoi ce slogan aide-t-il à convaincre quelqu’un qui a des inquiétudes concernant les impacts économiques de l’immigration? Quelle raison y a-t-il de soutenir les immigrants, à part de se faire dire que faire autrement serait « haineux »? Le contenu de ce slogan est complètement vide. En vérité, il serait plus facilement adopté par un grand propriétaire d’entreprise ou un prêtre que par le travailleur moyen. Mais si le but n’est pas de convaincre la personne moyenne, à quoi sert un tel slogan, à part de prendre une posture moralisatrice?
Si la gauche continue avec cette approche, elle ne fera que renforcer le mouvement anti-immigrant et lui fournir une assise plus large parmi une couche de travailleurs mécontents et en quête de réponses.
Pire encore, certains militants défendent l’immigration en utilisant les arguments des capitalistes eux-mêmes. Le plus notable est l’idée que « les migrants prennent les emplois que les Canadiens ne veulent pas faire ».
Mais n’avons-nous pas déjà entendu ce discours? En fait, c’est exactement ce que le grand patronat a affirmé durant la prétendue « pénurie de main-d’œuvre » qui a suivi la pandémie. Ce discours avait servi à justifier leur recours à l’immigration temporaire afin de « boucher les trous ».
Cependant, le problème à l’époque n’était pas une pénurie de main-d’œuvre, mais une réticence naturelle de certains à accepter ou à rester dans des emplois offrant de mauvaises conditions et un salaire minime – surtout s’ils savaient qu’une meilleure offre pourrait se présenter. Autrement dit, le problème n’était pas qu’il y avait trop peu de personnes prêtes à travailler, mais qu’il y avait trop peu d’employeurs prêts à offrir des conditions et une rémunération décentes.
La même chose est vraie aujourd’hui. Les capitalistes défendent des niveaux élevés d’immigration temporaire parce que les migrants peuvent être plus facilement contraints à travailler dans de mauvaises conditions en raison de leur position précaire et de leurs droits limités – et non parce que « les Canadiens ne veulent pas faire ces jobs-là ».
En répétant cet argument, la « gauche » participe à dissimuler les mauvaises pratiques des employeurs et sous-estime les attentes des travailleurs migrants. De plus, elle reporte la responsabilité du chômage sur les travailleurs nés au Canada eux-mêmes – comme si la raison pour laquelle les travailleurs canadiens n’acceptent pas de travailler pour des salaires de misère est qu’ils sont trop choyés.
Est-il vraiment si difficile de comprendre pourquoi ces personnes sont vues comme étant déconnectées de la réalité?
L’approche marxiste
L’approche marxiste diffère grandement de celle décrite ci-dessus.
Les marxistes ne défendent pas les immigrants sur la base de principes moraux abstraits. Nous défendons les immigrants pour favoriser la plus grande unité possible de la classe ouvrière – immigrants et non-immigrants, avec ou sans papiers. Nous nous opposons aux mesures qui restreignent les droits des immigrants parce que cela désavantage tous les travailleurs face aux patrons. Notre préoccupation est avant tout la force de notre classe.
Les problèmes des travailleurs canadiens sont causés par le capitalisme en déclin – pas par la venue d’étrangers. Cependant, ce qui peut être parfaitement clair pour nous ne l’est pas pour tout le monde. L’échec complet du NPD et de la « gauche » en général à offrir des solutions aux problèmes de la société a permis aux idées anti-immigration de prendre racine, comme dans de nombreux pays. Le blâme leur incombe entièrement – et pas à la classe ouvrière.
Cependant, nous n’allons pas pleurnicher ou sombrer dans la déprime devant cette situation. Derrière les préoccupations concernant l’immigration se cachent de réelles anxiétés économiques et une profonde colère de classe en quête d’expression, aussi confuse soit-elle. La tâche des marxistes est d’écouter réellement les gens, de connecter avec leur colère, de séparer le positif du négatif, de fournir des réponses concrètes et d’aider progressivement à diriger les travailleurs et les jeunes contre la source réelle de leurs maux : le capitalisme.
Mais comment y arriver?
Le premier point que nous devons souligner est que les vrais coupables des problèmes du Canada ne sont pas les réfugiés vivant dans des hôtels, mais les milliardaires vivant dans des manoirs. Les vrais criminels ne sont pas les migrants qui cherchent du travail, mais les grandes entreprises qui traitent le gouvernement comme un guichet automatique et les politiciens qui ont créé cette situation. La seule minorité qui pose problème au Canada, ce sont les riches.
De plus, le gouvernement canadien qui prive les migrants de leurs droits est le même qui retire leurs droits aux syndicats dès qu’ils se mettent en grève. Les patrons qui exploitent la main-d’œuvre migrante sont les mêmes qui effectuent des mises à pied massives touchant les travailleurs nés au Canada. Nous avons un ennemi commun : la classe dirigeante.

En ce qui concerne le PTET, nous commençons par convenir que le programme est utilisé depuis des décennies pour saper les salaires. Cependant, la solution n’est pas aussi simple que de fermer le robinet.
Si le PTET prenait fin, les employeurs auraient tout de même une incitation à minimiser leur masse salariale. Cela pourrait être réalisé en réduisant les services, en augmentant la charge de travail des employés existants, ou même en embauchant des personnes au noir au tarif souhaité par les patrons. Dans certains cas, l’entreprise pourrait être si dépendante de la main-d’œuvre étrangère bon marché qu’elle fermerait complètement ses portes. Bref, nous ne faisons pas confiance aux patrons pour bien traiter leurs travailleurs.
C’est pourquoi nous demandons que les travailleurs migrants aient les mêmes droits que les autres travailleurs – particulièrement le droit de changer d’employeur. Cela rendrait plus difficile de les maintenir dans des emplois à faible salaire et exercerait une pression à la hausse sur les salaires de tous les travailleurs. De plus, nous croyons que les syndicats devraient déployer plus d’efforts pour syndiquer les travailleurs migrants et faiblement rémunérés. Cela aiderait en outre à empêcher les patrons de sous-payer les travailleurs, tout en renforçant l’unité de la classe ouvrière dans son ensemble.
Bien sûr, ces mesures seules ne peuvent pas tout régler. De nombreux grands employeurs, comme Tim Hortons, Maple Leaf Foods et Loblaw, ont bâti leur modèle d’affaires autour d’une main-d’œuvre étrangère bon marché et s’opposeraient farouchement à toute mesure visant à améliorer la situation des travailleurs migrants. C’est pourquoi nous exigeons que toute grande entreprise qui oppose une résistance soit nationalisée sans compensation, dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs.
En matière de logement, nous expliquons que les promoteurs privés et les gouvernements – et non les travailleurs temporaires et les étudiants – sont les principaux responsables de la crise. La solution n’est pas d’arrêter l’immigration, mais de nationaliser les grands promoteurs et entreprises de construction pour lancer un programme massif de construction de logements publics qui fournirait un logement décent à tout le monde.
En ce qui concerne les réfugiés, nous devons montrer comment l’ingérence du gouvernement canadien à l’étranger contribue à alimenter la crise des réfugiés. Après tout, la plupart des immigrants préféreraient rester dans leur pays. La seule façon de mettre fin à cette situation est de mettre fin aux impérialismes canadien et américain qui en sont la source.
Cependant, pour ceux qui choisissent de venir au Canada, nous sommes en faveur de leur fournir du travail, des cours de langue, de la formation professionnelle et toute autre ressource qui leur permettraient de jouer un rôle utile et épanouissant dans la société. L’attente pour les permis de travail devrait être abolie. Les hôtels qui hébergent des réfugiés et facturent des sommes monumentales au gouvernement devraient être expropriés et transformés en logements temporaires pour toute la population itinérante du Canada.
Le capitalisme engendre la ghettoïsation et la pauvreté pour de nombreux demandeurs d’asile. Nous sommes pour l’intégration des nouveaux arrivants au sein de la classe ouvrière plus large et pour l’élimination des barrières qui existent entre les travailleurs. Cela profiterait à tous les travailleurs.
Cependant, cela n’épuise pas la question qui nous occupe.
En dernière analyse, la source des problèmes du Canada est la crise du capitalisme. L’anarchie sur le marché du travail, l’incapacité à construire des logements, la négligence des services publics, les fermetures d’usines et de commerces, le pillage des coffres de l’État par les grandes entreprises, la mainmise des entreprises sur le gouvernement : tout cela trouve son origine dans le déclin sénile du soi-disant « libre marché ».
Notre objectif final est donc d’abandonner ce système inefficace et de le remplacer par une économie planifiée sous le contrôle démocratique des travailleurs. Le capitalisme ne gaspille pas seulement les ressources, il gaspille aussi les gens.
Libérés de ces limites, nous pourrons mettre chaque individu à contribution de manière productive et permettre à chacun d’atteindre son plus haut potentiel. Cela inaugurerait une société totalement nouvelle dans laquelle chacun pourrait se voir garantir une vie sure et épanouissante – peu importe son origine.